En mars 2013, sur le blog de Mediapart, un article annonçait que l’Olympique de Marseille allait se transformer en société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) : levée de fonds massive, participation de milliers de familles marseillaises, construction d’un centre de formation de 2 000 places, affirmation d’un « club populaire et citoyen ».
« L’OM va se transformer en société coopérative » (31 mars 2013)
Lien vers l’article original : blogs.mediapart.fr/friture-mag/blog/310313/l-om-va-se-transformer-en-societe-cooperative
Il s’agissait d’un poisson d’avril, une annonce volontairement provocatrice. Mais, en filigrane, il posait déjà la question : et si un club de football pro français devenait réellement une coopérative impliquant supporters, collectivités, salariés ?
Pourquoi ce modèle ?
La forme juridique de la SCIC est une structure de l’économie sociale et solidaire (ESS) : elle permet à plusieurs « collèges » de sociétaires (salariés, usagers, collectivités, partenaires, etc.) de participer à la gouvernance, avec un capital variable et souvent une logique « 1 membre = 1 voix ».
Le modèle suscite l’intérêt dans le sport pour plusieurs raisons :
- Impliquer les supporters, les salariés, le territoire dans la vie du club.
- Offrir une transparence accrue et limiter les dérives de gouvernance ou l’influence excessive d’un seul investisseur.
- Structurer une levée de fonds locale ou citoyenne lorsque le club est en difficulté.
Mais l’article juridique nuance : ce modèle coopératif peut se heurter aux contraintes du sport pro (compétitivité, salariés professionnels, règlementation fédérale, recherche de rendement).
Des clubs ont sauté le pas
Depuis 2013, le poisson d’avril reste symbolique, mais quelques clubs français ont bien adopté une gouvernance de type SCIC, soit pour l’intégralité du club, soit pour une partie (centre de formation, section…). Voici deux exemples marquants :
Sporting Club de Bastia (Corse)
Le SC Bastia est devenu en 2019 le premier club français professionnel à adopter le statut de SCIC.
- Le passage a été officialisé en mai 2019.
- Le capital initial : 600 000 € des fondateurs + 200 000 € des « socios/supporters ».
- Gouvernance répartie entre fondateurs, acteurs économiques, supporters (20 %), salariés/anciens licenciés, collectivités.
- Quelques semaines après l’ouverture, plus de 60 000 € récoltés. este semé d’inconnues : le club était en difficulté sportive et financière, et la SCIC n’efface pas les défis.
Football Club Sochaux Montbéliard (FCSM)
Ce club historique a aussi initié une structure coopérative :
- Une SCIC a été créée pour gérer le centre de formation et la section féminine.
- En mai 2024, la signature d’un accord entre collectivités, association de supporters et club officialise cette SCIC dans le cadre de « FCSM 2028 ».
- Toutefois, le club lui-même ne passe pas entièrement en SCIC pour l’instant.
Analyse critique : entre utopie et réalisme
Le modèle coopératif dans le monde du football pro ? Voici ce qu’on peut en retenir :
✅ Atouts
- Une meilleure appropriation par les supporters et le territoire : lorsque le club mobilise localement, cela renforce le lien social.
- Une gouvernance potentiellement plus transparente, avec des voix multiples.
- Un modèle pertinent surtout lorsqu’un club est en crise et cherche à mobiliser d’autres ressources que des capitaux privés seuls.
⚠️ Limites et défis
La standardisation du modèle pro : les clubs professionnels doivent investir massivement (transferts, salaires, infrastructures) et répondre à une logique de compétitivité et de rendement. La structure coopérative peut ralentir la prise de décision ou limiter la flexibilité.
Thomas BRANT