Imaginons un citoyen qui votait pour le parti -- pardon, l'assemblage -- du Président, en entendant sa nouvelle entorse à l'art du discours...
"Si je suis pas de gauche, donc, je suis quoi, anti-immigrationniste ? Pour aller avec mon anti-anti-sémitisme ? Qui est lui-même assorti d'un anti-anti-racisme modéré pour ne pas risquer l'étiquette woke ? En fait je suis pas tout à fait anti-woke car je suis quelque part anti-raciste aussi, car je ne cautionne pas tout de même le racisme, mais en même temps les anti-racistes sont souvent les islamo-gauchistes si non carrément les chasseurs de sorcières (tout comme le plupart des wokistes, vous trouvez pas ?). C'est un peu comme mon anti-fascisme qui est doublé d'un anti-anti-fascisme car les anti-fascistes sont pas trop fréquentables mais on peut pas être en faveur du fascisme. Tout de même.
"Si tout cela est bien clair (sic) la chose se complique quand on me parle de l'islamo-gauchisme, un mot chargé d'un sens d'injure, mais contre qui ? Les adeptes du Prophète ? Mais s'opposer à une religion parmi d'autres, ce n'est pas très laïc, ça. Et si je suis anti-woke je suis forcement républicain, état difficile à réconcilier avec une méprise de la laïcité. Hmmm... Ou bien on vise l'aspect islamiste, mais sûrement il y a peu de gauchistes, droit-de-l'hommistes tous, qui sont en faveur de la charia, le burkha et le jihad, pas vrai ? Ben, on laisse tomber, je suis pas anti-islamo-gauchiste finalement. Mais pas islamo-gauchiste non plus. Tout de même.
"Mais je suis pas encore tranquil. Il y a le risque d'être pris pour un anti-académie-française-iste si j'acquiesce à l'usage de ce mot 'immigrationniste'. Il s'agit après tout d'un néologisme, mis au monde comme stigmate et difficile à définir. Trois choses que les gilets verts de l'Académie n'aiment pas trop, je pense. Avant les propos du président, j'aurais eu tendance à dire que quelqu'un en -iste exerce un métier, comme un.e spécialiste, un.e garagiste, un.e fiscaliste ou un.e activiste. Mais ça va pas parce que tous les gens de gauche ne travaille pas dans l'immigration.
"Dans un autre sens, un.e '-iste' est quelqu'un qui prendre un phénomène et l'ériger en dieu, hors de discussion. Comme un.e raciste, un.e productiviste, ou un.e extrémiste. Mais cela colle pas non plus, car j'ai lu le programme du Nouveau Front Populaire qui se tient en 24 pages et il n'y a que deux fois le mot 'immigration' et tous les deux cas dans le même paragraphe.
"Bon, on ne cherche plus. C'est pas son genre, c'est vrai, mais peut-être le Président voulait juste faire une fleur à la grande gauche française et sa belle tradition d'universalisme, humanisme et la reconnaissance de l'immigration comme élément essentiel à toute grande civilisation. Ils sont carrément des « immigrationnistes » !
"Mais attendez, je sais que je vous fatigue là, mais il y a encore un truc qui me trotte dans le ciboulot... ce terme de « islamo-gauchiste ». J'ai saisi enfin de quoi cela me parle : le vieux menace de « judéo-bolshevik », oui c'est ça. C'est à peu près pareil, non ? Quand on y pense. Mais c'est là que ça cloche, car à l'époque c'était un mot complotiste, raciste, anti-sémite, brassé de la peur et la haine. Et à nos jours son équivalent se dit en haute voie comme la marque de son attachement à la République, qui peut pas être raciste, tout de même. Et parfois j'entends même ce terme balancé comme une accusation d'antisémitisme. Ca fait tourner la tête, pas vous ?
Va falloir que je prends mon dico quand je vais au bureau de vote."