Les voyages, aussi courts soient-ils, se font indéniablement dans l’espace et dans le temps et à chaque départ vient l’instant de la pensée quasi obsessionnelle qui s’impose : « dans une semaine je serai de retour ici, j’aurais voyagé et ce voyage ne sera plus qu’une histoire dont je me souviendrai ».Une conscience très forte d’être à cet instant précis « en partance » depuis le lieu où je me trouve, me fait faire ce bond imaginaire dans le temps. Une semaine plus tard, une autre pensée s’impose systématiquement. Je me souviens alors exactement du moment du départ en me disant : voilà, je suis de retour, arrivée à l’instant où je me suis pensée une semaine plus tôt. Ce petit jeu procure une vague impression de voyager dans le temps. Aller-Retour. Il donne également le sentiment que le temps passe à une vitesse étourdissante. Dans un de mes premières réactions sur un blog de Mediapart j’écrivais :"Quand j'étais enfant, j'étais convaincu que l'avenir et le progrès apporteraient le bien. C'était évident: Plus que l'on savait des choses plus que l'on saurait faire "du bien". C'était une question d'évolution. On allait vers plus de démocratie, plus de partage, plus de docteurs pour guérir plus de gens, plus d'inventions et connaissances pour réduire la pollution, la faim dans le monde, les maladies, les malentendus et donc les guerres.....
On allait pouvoir voyager, habiter sur la terre dans le pays de son choix, le temps que l'on voulait, pour connaître, apprendre, comprendre...avant de repartir.
Depuis j'ai grandi et je vais même bientôt vieillir.
Mon voyage à moi dure depuis plus de 30 ans. Arrivée en '76 dans une France qui me faisait rêver, je n’en suis plus repartie.
Mes rêves d'ailleurs existent toujours. La France est devenue une réalité. Mes certitudes de jadis ont disparues, mais ont fait de moi une adulte qui continue à considérer l'humanité comme potentiellement capable de progrès. Et ce dans le sens où elle pourra tendre vers le "mieux".
Je pense que c'est le privilège des voyageurs qui sont restés: cette capacité de voir au-delà du mur du jardin, le bout de la rue, la frontière."Je viens de rentrer d’un petit voyage derrière les digues. Il pleuvait tous les jours. Il y avait du vent. Trop fort pour sortir en bateau. Le plat pays avec les nuages si bas, si gris de plomb, m’a plombée. J’ai retrouvé malgré moi les angoisses d’antan et n’ai pu en faire abstraction. J’étais rassurée par l’idée qu’il y avait tout autour un monde, la terre, sans limite, bien qu’au loin j’entendais les grondements des orages de l’histoire de l’homme. J’avais hâte de rentrer « chez moi », au soleil, puis j’ai trouvé cette pensée bon marché et surfaite.Petit déjeuner dominical dans le jardin. Il fait frais. On dirait que l’été prépare ses valises. Le soleil radieux chauffe déjà moins qu’il y a une semaine.Pendant que j’avais le dos tourné, les ombres se sont allongées, les fruits du figuier ont mûris, puis une guerre a semblé vouloir éclater, comme si la grosse imprimante de l’histoire de l’homme réimprimait par erreur une page que l’on pensait avoir tournée. En Géorgie, un caméraman Néerlandais filmait dans la zone les bombardements des premiers jours, pour illustrer d’images les reportages de « l’envoyé spécial ». Son voyage s’est terminé là-bas. L’envoyé spécial ne s’en remettra certainement jamais et se demandera peut être ce qu’ils foutaient là bas, tout comme les veuves et mères des soldats français tués en Afghanistan.Parfois surgit cette impression que l’on frôle des doigts la main de celui qui ère dans la boue malodorante de la souffrance, qui fluctue dans le monde au gré des ondulations de l’histoire.Les saisons qui avancent, les fruits qui mûrissent font partie de l’ordre des choses qui rythment la vie. Je me sens privilégiée d’être née en Europe, après la guerre et je me demande quel sera l’avenir qui vient à notre rencontre d’un pas feutré. Revient alors l’instant de la pensée quasi obsessionnelle qui s’impose : « dans une semaine je serai toujours ici, j’aurais voyagé dans le temps et ce petit voyage ne sera plus que l’histoire dont je me souviendrai ».Ce soir je n’ai pu dire que « Je ».
Billet de blog 24 août 2008
Dans une semaine je serai toujours ici
Les voyages, aussi courts soient-ils, se font indéniablement dans l’espace et dans le temps et à chaque départ vient l’instant de la pensée quasi obsessionnelle qui s’impose : « dans une semaine je serai de retour ici, j’aurais voyagé et ce voyage ne sera plus qu’une histoire dont je me souviendrai ».
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