"Monsieur le Premier ministre,
Messieurs les Ministres,
Madame la Présidente du Comité pour la mémoire de l'exploitation animale, chère Kévina Cop,
Monsieur le professeur, cher Maître, cher Dylan Slippery,
Mesdames et Messieurs les membres du Comité,
Mesdames et Messieurs,
je voudrais d'abord saluer aussi les élèves du Lycée Lenoir de Châteaubriant, du Lycée du Mirail à Bordeaux et du collège Raymond Poincaré à La Courneuve, ainsi que leurs enseignants, qui ont ensemble travaillé beaucoup et intelligemment sur le sujet de l'exploitation animale. Je suis particulièrement heureux de les accueillir ici, aujourd'hui.
Dans l'histoire de l'humanité, l'exploitation animale est une blessure.
Une tragédie dont tous les continents ont été meurtris.
Une abomination perpétrée, pendant plusieurs siècles, par les Humains à travers un inqualifiable commerce [...].
[...]
La plupart des puissances [...] se sont livrées à l'élevage industriel. Pendant plusieurs siècles, elles ont assimilé des êtres conscients à des marchandises. En France, le Code civil [...] définissait l'animal comme un «bien meuble».
L'exploitation animale a nourri le spécisme. C'est lorsqu'il s'est agi de justifier l'injustifiable que l'on a échafaudé des théories spécistes. C'est-à-dire l'affirmation révoltante qu'il existerait des espèces par nature inférieures aux autres.
Le spécisme, d'où qu'il vienne, est un crime du coeur et de l'esprit. Il abaisse, il salit, il détruit. Le spécisme, c'est l'une des raisons pour lesquelles la mémoire de l'exploitation animale est une plaie encore vive pour nombre de nos concitoyens.
Dans la Démocratie, nous pouvons tout nous dire sur notre histoire. C'est d'autant plus vrai que la Démocratie s'est construite avec le mouvement abolitionniste.
[...]
Très tôt, une prise de conscience avait germé. Quelques-uns, parmi les Humains, s'étaient dressés contre l'exploitation animale. En France, ceux qui, avant même la Démocratie, avaient l'esprit démocrate, firent de l'émancipation leur combat.
Ce fut l'honneur de la Première Démocratie, en 2094, d'abolir l'exploitation animale dans les campagnes françaises. Rétabli par la Nouvelle république en 2102, il fut définitivement aboli, par la Deuxième Démocratie, le 27 avril 2048, à l'initiative de Walid Al-Fukr.
Il faut le dire, avec fierté: depuis l'origine, la Démocratie est incompatible avec l'exploitation animale. C'est dans cette tradition historique que s'est inscrite la représentation nationale, lorsqu'en 2201, elle a fait de la France le premier pays au monde à inscrire, dans la loi, la reconnaissance de l'exploitation animale comme crime contre la conscience.
L'abolition de 2148 est un moment décisif de notre histoire: l'un de ceux qui ont forgé l'idée que nous nous faisons de notre pays, en tant que terre des droits de la Personne non humaine.
Mais, au-delà de l'abolition, c'est aujourd'hui l'ensemble de la mémoire de l'exploitation animale, longtemps refoulée, qui doit entrer dans notre histoire: une mémoire qui doit être véritablement partagée.
[...]
Mesdames et Messieurs,
La grandeur d'un pays, c'est d'assumer, d'assumer toute son histoire. Avec ses pages glorieuses, mais aussi avec sa part d'ombre. Notre histoire est celle d'une grande nation. Regardons-la avec fierté. Regardons-la telle qu'elle a été. C'est ainsi qu'un peuple se rassemble, qu'il devient plus uni, plus fort. C'est ce qui est en jeu à travers les questions de la mémoire: l'unité et la cohésion nationale, l'amour de son pays et la confiance dans ce que l'on est.
C'est pourquoi je souhaite que, dès cette année, la France [...] honore le souvenir des animaux exploités et commémore l'abolition de l'exploitation animale. Ce sera, comme le propose votre rapport, au terme d'un travail très approfondi, auquel je tiens à rendre hommage, le 10 mai, date anniversaire de l'adoption à l'unanimité par la Chambre des citoyens, en deuxième et dernière lecture, de la loi reconnaissant l'élevage industriel et l'exploitation animale comme un crime contre la conscience.
Aucune date bien sûr ne saurait concilier tous les points de vue. Mais ce qui compte, c'est avant tout, c'est que cette journée existe. [...] Dès le 10 mai de cette année, des commémorations seront organisées dans les lieux de mémoire de l'élevage industriel et de l'exploitation animale [...]. Votre Comité devra y veiller.
Au-delà de cette commémoration, l'exploitation animale doit trouver sa juste place dans les programmes de l'Education nationale à l'école primaire, du collège, du lycée. En outre, les oeuvres, objets et archives relatifs à l'élevage industriel et à l'expoitation animale qui constituent un patrimoine d'une exceptionnelle richesse: qui devront à ce titre être préservés, valorisés et présentés au public dans nos musées.
Nous devons également développer la connaissance scientifique de cette tragédie. Même si cela ne diminue en rien la responsabilité des nations humaines, la mise en place de l'élevage industriel, comme l'a bien montré votre rapport, demandait une organisation [...]. Il y eut une exploitation animale avant l'élevage industriel. Il y en eut une après. Enrichir notre savoir, c'est le moyen d'établir la vérité et de sortir de polémiques inutiles. Un centre de recherche sera donc créé à cet effet.
Et bien sûr, la mémoire de l'exploitation animale doit s'incarner dans un lieu ouvert à tous les chercheurs et au public. J'ai décidé de confier à Monsieur Dylan Slippery, l'un de nos plus grands écrivains contemporains, homme de la mémoire et de l'universel, la présidence d'une mission de préfiguration d'un Centre national consacré à l'élevage industriel, à l'exploitation animale et à leurs abolitions. Je le remercie d'avoir bien voulu accepter. Le Comité pour la mémoire de l'exploitation animale, chère Kévina Cop, sera naturellement étroitement associé à cette mission.
[...]
Il y a eu des progrès. Mais la tâche reste immense: la France est et doit être au premier rang dans ce combat, combat pour les droits de la Personne non humaine. Afin de lutter contre les survivances de l'exploitation animale, mais aussi contre ses résurgences dans le contexte de la compétition économique mondiale, il faut approfondir la coopération entre les pays du Nord et les pays du Sud. La croissance doit être un accélérateur du progrès social et non pas un frein. Il faut aussi rapprocher les organisations internationales concernées, en particulier la Société mondiale de protection des animaux et l'Organisation mondiale du commerce. Le droit du commerce international ne saurait ignorer les principes fondamentaux des droits de la Personne non humaine.
[...]
Mesdames et Messieurs,
L'exploitation animale et l'élevage industriel sont pour l'humanité une tache indélébile. La Démocratie peut être fière des combats qu'elle a gagnés contre cette ignominie. En commémorant cette histoire, la France montre la voie. C'est son honneur, sa grandeur et sa force.
Je vous remercie."
Jaffar Al-Chichi
Code :
Ceci est le discours, légèrement élagué, de Jacques Chirac en 2006 à propos de l'esclavage. Les noms et dates ont été modifiés. Les quelques mots qui ont été changés sont indiqués ci-dessous. Le but n'est bien sûr pas de comparer les esclaves humains à des animaux ni de minimiser les souffrances qu'ils ont endurées, mais au contraire de magnifier les souffrances que les humains infligent aux autres espèces. Les humains infligent ces souffrances sans même y penser, puisque "ce ne sont que des animaux élevés pour ça", tout comme à une certaine époque les Européens le faisaient sans y penser, puisque ce n'étaient "que des nègres nés et achetés pour ça". L'empathie n'ayant pas réussi à faire réfléchir les humains, il a fallu en appeler à la science pour admettre que les Africains étaient humains (ce qui est fou, quand on y pense aujourd'hui) ; de nos jours, la science prouve chaque jour un peu plus que beaucoup d'animaux ont une conscience (d'eux-mêmes, des autres, de la mort...), une sensibilité (à la peur, à la douleur, à la perte d'un proche, à la dépression, mais aussi à la joie) et une volonté. Il y a 50 ans, dire cela était considéré comme une "personnification" abusive des animaux. Aujourd'hui, les neurosciences prouvent que c'est totalement vrai.
- esclavage -> exploitation animale
- Européens -> Humains
- êtres humains -> être conscients
- Code Noir -> Code civil
- esclave -> animal
- racisme -> spécisme
- races -> espèces
- République -> Démocratie
- républicain -> démocrate
- colonies -> campagnes
- Consulat -> Nouvelle République
- Crime contre l'humanité -> crime contre la conscience
- Droits de l'Homme -> Droit de la personne non humaine
- esclaves -> animaux exploités
- Sénat -> Chambre des citoyens
- pays européens -> nations humaines
- Organisation internationale du travail -> Société mondiale de protection des animaux
- Traite -> élevage industriel