Après l’annulation d’un événement portant sur l’antisémitisme, son instrumentalisation et la paix en Israël-Palestine en présence de la philosophe et figure du féminisme Judith Butler par la mairie de Paris
le 6 décembre, c’est avec colère que nous avons été contraint·es d’annuler une projection du film “La Zone d’intérêt” de Jonathan Glazer, prévue dans le cadre de notre ciné-club. La projection devait avoir lieu le
30 janvier à 20h au cinéma Majestic Bastille à Paris et être suivie d’une discussion avec la chercheuse Sadia Agsous-Bienstein.
Une semaine avant la projection, sous l'influence d'individu·es ouvertement hostiles au positionnement politique de Tsedek!, le groupe Dulac Cinémas a choisi de déprogrammer notre avant-première pour laquelle la moitié des billets avaient déjà été vendus, et ce tout en nous demandant de rester discret·es sur cette censure. Un comble pour un distributeur de films qui déclare jouer “un rôle primordial sur le territoire dans la création de liens sociaux et dans l’accès à la culture”.
Cette censure témoigne de la radicalisation du débat public. Comme l’a écrit Butler dans une tribune publiée récemment sur Mediapart : pour que nous puissions voir nos points de désaccord, encore faudrait-il que nous soyons autorisé·es à parler.
Le message est clair : en tant que juif·ves antisionistes, nous ne serions pas légitimes à parler publiquement de l’antisémitisme et de la Shoah sur lesquels portent le film de Glazer. Pire, notre volonté de créer un espace de discussion autour de l’histoire du génocide se voit soumise au bon vouloir de celles et ceux qui sont manifestement perçu·es comme les garant·es de notre mémoire.
C’est parce que nous sommes militant·es antiracistes et antifascistes confronté·es au racisme et que certain·es d’entre nous sont des petits-enfants de victimes de la Shoah que la diffusion de ce film nous tient particulièrement à cœur. C’est en écho à la journée du 27 janvier, journée de mémoire des génocides et de prévention des crimes contre l'humanité, que nous souhaitions par la diffusion de ce film rendre hommage aux
6 millions de juifs et juives tué·es pendant la Shoah. Nous sommes censuré·es parce que nous refusons cependant que cet héritage soit maintenu sous cloche, et que nous voulons le mettre au cœur d’un projet politique qui exige justice et égalité aujourd’hui.
Parallèlement à notre ciné-club se tenait le festival “Dia(s)porama : Regards sur le cinéma juif international” organisé par le Fonds Social Juif Unifié (FSJU) dans les cinémas du réseau Dulac. Dulac n’hésite ainsi pas à s’associer avec cette organisation qui travaille étroitement avec l’État israélien, soutient l’action militaire à Gaza, et refuse d’appeler au cessez-le-feu. Nous en concluons que pour Dulac, “l’accès à la culture” s’arrête là où commence la critique du sionisme et où émerge une parole juive critique des institutions censées la représenter.
La censure dont nous sommes la cible remet en cause notre légitimité à nous exprimer en tant que juif·ves. Elle est le fruit du tournant autoritaire actuel, à travers lequel s’effectue notamment une redéfinition de ce qu’est l’antisémitisme et l’identité juive. Elle s’inscrit dans un mouvement large de répression des voix juives antisionistes, en Europe, en Israël et aux États-Unis. La rhétorique qui vise à associer les juif·ves antisionistes à de “faux” ou de “mauvais·es” juif·ves est au cœur d’un agenda politique dangereux. Elle nous essentialise, faisant des juif·ves un bloc monolithique qui adhérerait naturellement au nationalisme israélien. C’est en réprimant les voix juives dissidentes, en réduisant au silence les projets politiques de justice et d’émancipation des juif·ves dans le monde, et en en faisant des parias exclus de l’espace public, culturel, et politique, que le sionisme est normalisé et que toute alternative à celui-ci est criminalisée.
Malgré les intimidations et la censure, nous continuerons à imposer une voix juive antisioniste au sein du débat public français. C'est pourquoi, suite à cette annulation, nous avons cherché une autre salle pour organiser notre séance de ciné-club. Celle-ci aura finalement lieu au cinéma Grand Action, le 6 février à 19h. Et la rencontre s'enrichit désormais de la présence de l'historien Johann Chapoutot, qui rejoindra la chercheuse Sadia Agsous-Bienstein pour un débat après le film.
Venez soutenir la liberté de parole et le débat d'idées, et n'oubliez pas de réserver : https://pariscinemagrandaction.cine.boutique/media/1576...
Et pour plus d'infos sur cette annulation: