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Billet de blog 5 décembre 2024

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En Roumanie, des admirateur·ices du fascisme aux portes du pouvoir

Cette tendance affirme parfois de manière décomplexée des hommages envers les régimes collaborationnistes et les milices du fascisme roumain historique. À plusieurs reprises, Calin Georgescu a par exemple réitéré son admiration pour Ion Antonescu, responsable de la Shoah en Roumanie (qu’il qualifie de « martyr »), et Corneliu Codreanu, leader de la milice de la Garde de Fer.

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En Roumanie, des admirateur•trices du fascisme aux portes du pouvoir

Alors que la droite nationaliste est dorénavant la première force politique en Hongrie, aux Pays-Bas, en Italie et en Autriche, et participe aux gouvernements finlandais, suédois et slovaque, la Roumanie risque à son tour de sombrer.

Le premier tour de l’élection présidentielle suivi par les élections parlementaires a été marqué par un score historique de partis ouvertement nostalgiques du fascisme roumain. Là-encore, on constate qu’en l’absence d’une véritable force de gauche,  une sociale-démocratie à bout de souffle et  empêtrée dans des scandales de corruption  ne constitue pas une véritable alternative, faute de parvenir à se démarquer des partis centristes avec lesquels elle cohabite. 

Appuyé par le Kremlin et boosté par son utilisation méthodique du réseau social TikTok, le leader d’extrême-droite Calin Georgescu remporte largement le premier tour des élections avec près de 23% des suffrages, soit 10% de plus que les prévisions des sondages. 

Derrière lui, les deux formations de centre-droit et centre gauche arrivent pratiquement à égalité, suivi à 13% de  l’AUR, un autre parti d’extrême-droite dont est issu Georgescu. 

Durant les élections législatives qui ont eu lieu pendant l’entre-deux tours des présidentielles, l’AUR réalise une percée en se hissant en seconde position derrière le parti social-démocrate. Le parti est désormais à la tête d’une coalition nationaliste portée par près d’un tiers des suffrages, et représente dorénavant la première force parlementaire du pays.

Un certain nombre des nouvelles figures du nationalisme roumain ont émergé et gagné en visibilité pendant la crise du Covid-19, notamment grâce au  soutien des mouvances conspirationnistes et à l’utilisation de TikTok. 

Idéologiquement, elles partagent  une ligne favorable à Vladimir Poutine, proche de celle de Viktor Orban, ainsi que les schémas de pensée habituels de l'ultranationalisme (conservatisme, homophobie, opposition à l’avortement, xénophobie..). Elles font également état de velléités expansionnistes, en valorisant un projet  de “Grande Roumanie” qui engloberait la Moldavie et des territoires de Bessarabie situés en Ukraine. 

Cette tendance affirme parfois de manière décomplexée des hommages envers les régimes collaborationnistes et les milices du fascisme roumain historique. A plusieurs reprises, Calin Georgescu a par exemple réitéré son admiration pour Ion Antonescu, responsable de la Shoah en Roumanie (qu’il qualifie de “martyr”), et Corneliu Codreanu, leader de la milice de la Garde de Fer. 

Particulièrement actif dans l’entre-deux guerres, ce parti nationaliste armé a notamment lancé des campagnes de pogroms et des actions antisémites extrêmement violentes. 

Rappelons aussi que sous Antonescu, environ 330 000 Juif•ves roumain•es ont été exterminé•es de même que des milliers de Rom•es. A l’instar de l’Ukraine et des Oustachis en Croatie, l’Etat Roumain a mis en place son propre système d’extermination industrielle.

En soutenant ouvertement Georgescu à travers la mise en scène d’un entretien téléphonique de plusieurs heures, l’ambassadeur d’Israël Amichai Chikli a provoqué un véritable tollé au sein de la diplomatie roumaine. Celle-ci a répondu par la voix de son ambassadeur en Israël, Radu Ioanid, en le qualifiant de “meschugeneh” (stupide en Yiddish) : « Je suis profondément blessé et je crois que M. Chikli nous doit des excuses [...]. Je trouve choquant qu’un ministre du gouvernement israélien donne l’impression de soutenir, à un moment déterminant des élections, un candidat roumain qui porte au pinacle des personnages historiques directement responsables du meurtre de masse de Juifs » ( source : Time Of Israël). 

Toutes les tendances du sionisme ne s'accommodent pas d’un soutien de l’extrême-droite. Cependant, l’alliance entre sa tendance la plus droitière et le néofascisme et l’antisémitisme  traditionnel est de plus en plus explicite.

Comme dans d’autres pays d’Europe de l'Est, une multitude de facteurs explique cette résurgence de l’extrême-droite.

Le passage du fascisme au règne stalinien de Ceausescu a été brutal, et l’effondrement de ce dernier a accouché d’une démocratie ultra capitaliste rattachée à l’Union Européenne. 

Face à la crise de l’hégémonie néolibérale qui frappe d’autant plus durement l’Europe qu’elle en a été un laboratoire privilégié, la bourgeoisie locale  constitue un terrain fertile pour la diffusion des idées fascistes. 

Mais cette histoire singulière ne suffit pas pour autant à comprendre la persistance du fascisme en Roumanie, qui s’explique également par le déni durable du pays vis-à-vis de son histoire pogromiste, antisémite, et antitsiganiste, et de son rôle dans l’extermination de masse de ces populations. 

Le cas de la Roumanie témoigne du fait que l’histoire du racisme européen ne concerne pas que les grandes nations du continent. Y compris parmi les Etats ayant souffert de leur impérialisme, faute d’un retour lucide sur le passé, de mêmes causes seront amenées à produire de mêmes effets.

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