Le 5 février dernier, l’imam Noureddine Aoussat a eu la surprise de voir débarquer chez lui les forces de l’ordre qui ont procédé à une brutale et humiliante perquisition de son domicile, devant sa femme et ses enfants. L’appartement a été fouillé dans son intégralité par des policiers dont certains cagoulés, les livres ont été inspectés, y compris ceux… pour enfants et le matériel informatique de l’imam ainsi que celui de son fils a été saisi.
Cette perquisition n’a été suivie d’aucune garde à vue ni d’aucune poursuite, et pour cause, elle se fait à titre purement préventif, en s’appuyant sur un faisceau de rumeurs malveillantes digne d’une mauvaise fiche de renseignements et en tronquant les rares faits invoqués.
On prête ainsi à Noureddine Aoussat l’appartenance à un parti politique algérien, le FIS, il y a une vingtaine d’années : il ne l’a jamais fréquenté. On lui reproche de commenter l’actualité sur une chaîne de télévision algérienne, Al-Magharibia : cette chaîne est tout à fait mainstream et y interviennent même des ambassadeurs français. On l’aurait aperçu avec un Keffieh : il revendique la solidarité avec le peuple palestinien.
Plus grave, on l’accuse de formuler des discours pouvant alimenter le terrorisme - lui qui depuis vingt ans n’hésite pas à le condamner et le combattre avec vigueur partout en France - à déstabiliser nos institutions et la laïcité - lui qui en tant qu’Algérien est passionné par la laïcité française - et de susciter les tensions communautaires - lui qui s’est engagé depuis des années dans le dialogue inter-religieux et participait il y a peu aux festivités de Roch Hachana aux côtés de nos camarades de Tsedek.
On va même jusqu’à tronquer certains de ses prêches pour justifier de le perquisitionner préventivement. Cette criminalisation qui ne s’appuie sur rien de tangible est d’autant plus inquiétant qu’elle est dirigée vers un imam qui n’hésite pas à s’afficher aux côtés du camp de l’émancipation, lors du meeting « Que faire ? » de juillet dernier organisée par un large spectre d’organisations pour mesurer ce qui avait failli se passer avec le risque d’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite et préparer la suite.
Cette perquisition a été rendue possible par la loi antiterroriste de 2014 et l’entrée dans le droit commun de mesures propres à l‘état d’urgence. Cette imprégnation du droit commun par des logiques antiterroristes s’inscrit dans un plus vaste tournant autoritaire et raciste entamé il y a quelques années, qui voit l’extension quasi continue des droits des policiers et les lois islamophobes et répressives se multiplier à mesure que les gouvernements se succèdent.
C’est l’ensemble de notre camp social qui doit se mobiliser largement contre chaque manifestation concrète de ce tournant. Parce que c’est le seul moyen de mettre un frein à cette spirale infernale dans laquelle nous entraîne la fausse opposition entre extrême-centre et extrême-droite. Et parce qu’il faut voir cet énième épisode islamophobe pour ce qu’il est : En France, on vise un imam qui a l’outrecuidance de s’indigner que règne un climat islamophobe dans le pays et qu’au 21e siècle nous assistions à un génocide en direct. Bref un imam qui la curieuse idée de prêcher la tolérance et la paix. Sale époque.
Signataires :
FUIQP
QG décolonial
Tsedek!
Tendance Claire
NPA l'anticapitaliste
UJFP
Afa Paris
Perspective Musulmane
PIR
UCL
Françoise Vergès, auteure
Judith Bernard, metteuse en scène
Gilbert Achcar, Professeur émérite, Université de Londres
Saïdi Nordine, militant décolonial et membre de Bruxelles Panthères
Jean-François Coulomme, député LFI de Savoie
Thomas Portes, député LFI de Seine-Saint-Denis
Andrée Taurinya, députée LFI de la Loire
Jérôme Legavre, député LFI de Seine-Saint-Denis
Aurélien Taché, député LFI du Val-d'Oise
Mathilde Feld, députée de Gironde
Ersilia Soudais, députée de Seine-et-Marne
Didier Lestrade, écrivain, journaliste
Samir Bousnina Militant décolonial, Paroles d’honneur