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Billet de blog 13 octobre 2025

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Cessez-le-feu à Gaza : la libération de la Palestine ne viendra pas de ses bourreaux

L’annonce de la conclusion d’un nouvel accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas ce jeudi 9 octobre a été accueilli par des scènes de joie de la part des Palestinien·nes de Gaza, meurtri·es par près de deux ans de massacres, de bombardements incessants, de déplacements forcés et de famine organisée.

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L’annonce de la conclusion d’un nouvel accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas ce jeudi 9 octobre a été accueilli par des scènes de joie de la part des Palestinien·nes de Gaza, meurtri·es par près de deux ans de massacres, de bombardements incessants, de déplacements forcés et de famine organisée. Entré en vigueur le vendredi 10 octobre à 11 heures, il permet d’entrevoir la possibilité d’une interruption du génocide.

Pour autant, il convient de demeurer extrêmement prudent quant à la mise en œuvre effective de cet accord. Au cours des deux années de guerre génocidaire menée par Israël à Gaza, deux cessez-le-feu ont été conclus, avant d’être systématiquement violés par le régime sioniste. Entre l’annonce et l’entrée en vigueur de cet accord, son armée a par ailleurs continué à massacrer des Palestinien·nes jusqu’à la dernière minute, le bombardement d’un immeuble d’habitation à Gaza City dans la nuit du 9 au 10 octobre faisant par exemple plus d’une cinquantaine de victimes supplémentaires.

Au-delà même des doutes qui subsistent concernant la pérennité de l’accord qui vient d’être conclu, les détails du « plan de paix » dont il constitue la première étape sont particulièrement inquiétants. Présenté comme le projet personnel du président américain, il prévoit notamment la libération de la totalité des otages israélien·nes contre une partie seulement des otages palestinien·nes, le déploiement de troupes étrangères sur place ainsi que le retrait des forces d’occupation israéliennes selon un calendrier indéterminé. Dans le cadre de la première première phase de cet accord, l’armée israélienne continue ainsi à occuper près de 58% du territoire de Gaza.

Prévoyant en outre le désarmement immédiat de tout le peuple palestinien, ce qui signifierait en réalité la fin de sa capacité à se défendre contre l’occupation sioniste, le plan Trump est censé aboutir à la mise sous tutelle de la bande de Gaza par un conseil international dirigé par l’ancien premier ministre britannique Tony Blair et par Trump lui-même. Il s’agit là en réalité d’une véritable reddition pour le peuple palestinien, qui ne porte aucun espoir réel d’autodétermination. Le principal souci du plan états-unien demeure en effet la « sécurité » de l’État israélien et la stabilité régionale, c’est-à-dire le renforcement de l’ordre impérialiste occidental dans la région, qui passe notamment par une reprise de la normalisation des relations diplomatiques entre le régime sioniste et les États arabes auquel le 7 octobre et le génocide avaient porté un coup d’arrêt brutal. À ce titre, l’absence de Marwan Barghouti de la liste des otages palestinien·nes dont Israël a annoncé la libération à venir constitue une preuve supplémentaire que cet accord ne vise aucunement à assurer l’autodétermination des Palestinien·nes. En effet, il s’agit d’une des rares personnalités à jouir d’une légitimité suffisante pour unir la société politique palestinienne, et constituerait de ce fait un interlocuteur de premier plan dans le cadre de négociations en vue d’aboutir à la création d’un véritable État palestinien. Cet État est en outre d’autant plus hypothétique à ce jour qu’il a été rendu matériellement impossible par la colonisation continue de ce qui devait constituer son assise territoriale, notamment en Cisjordanie. De la même manière, le plan Trump ne prévoit aucunement d’associer les Palestinien·nes à la reconstruction de Gaza.

Plus alarmant encore, sa mise en œuvre impliquerait pour Israël de renoncer à une colonisation complète de la bande de Gaza, ce qui va à l’encontre des aspirations des plus radicaux des membres de la coalition soutenant Netanyahou, à commencer par ses ministres Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich. Dans cette perspective, il est à craindre que l’acceptation du plan Trump soit conditionnée à un certain nombre de garanties du président états-unien concernant la poursuite de la colonisation en Cisjordanie, où le régime sioniste se livre d’ores et déjà à des expulsions massives quand il ne soutient pas directement les colons qui y commettent des pogroms.

Depuis le 7 octobre 2023, au prix de souffrances immenses, la résistance palestinienne est parvenue à mettre en échec l’armée israélienne, l’empêchant de s’assurer un contrôle complet du territoire et d’expulser définitivement les Gazaoui·es. De la même manière, la mise en lumière des crimes israéliens par les journalistes palestinien·nes, dont beaucoup l’ont payé de leur vie, a permis une prise de conscience antisioniste sans précédent à travers le monde, y compris chez les principaux soutiens du régime sioniste, au premier rang desquels les États-Unis et la France. Cette prise de conscience s’est notamment traduite par le développement d’une solidarité internationale remarquable, qu’il s’agisse des campagnes BDS, des différentes flottilles ayant tenté de percer le blocus de Gaza, ou des mobilisations massives de ces derniers jours en Italie.

Dans le meilleur des cas, le « plan de paix » qu’imposent aujourd’hui au peuple palestinien les puissances qui l’oppriment depuis plus de 77 ans ne vise qu’à restaurer le statu quo d’avant le 7 octobre 2023 et ne saurait constituer une réelle perspective de liberté, de justice et de paix pour la région. La libération de la Palestine, c’est-à-dire la fin de l’apartheid et de la domination coloniale israélienne, dont la dimension génocidaire ne date pas de 2023 mais des tout débuts du projet sioniste, ne pourra être le fait de ses bourreaux ni de ceux qui les arment. Malgré l’héroïsme du peuple palestinien et l’ampleur des mobilisations internationales depuis deux ans, le rapport de force reste à ce jour trop défavorable pour imposer cette issue. Il est à ce titre plus essentiel que jamais de continuer à nous mobiliser et à faire pression sur les gouvernements de nos États impérialistes pour œuvrer à la faire advenir.

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