Mélinée et Missak Manouchian au Panthéon, baiser de la mort républicain ?
Il y a 80 ans jour pour jour, le 21 février 1944, 22 membres du groupe des FTP-MOI, majoritairement juifs, étaient exécutés au Mont-Valérien par les nazis.
Certains de ces partisans sont très jeunes, huit d’entre eux avaient moins de 20 ans. À la tête du groupe, Missak Manouchian, un rescapé du génocide arménien de 1915.
Sa pantheonisation et celle de sa femme Mélinée laissent un goût amer, de par la volonté médiatique de dépolitiser leurs combats et d’effacer leurs aspirations révolutionnaires et leur personnalité insoumise.
Nommons les choses comme elles sont : tous deux étaient des immigrés, communistes rescapé.e.s de génocides et antifascistes.
Dans les années 30, la France compte 3,5 millions de travailleurs immigrés.
Parmi les syndiqués, eux et leurs enfants étaient regroupés dans la section syndicale de la Main d’œuvre étrangère, rebaptisée par la suite Main d’œuvre Immigrée, sous fond de montée de xénophobie.
Entrés en résistance, les Franc-Tireurs-Partisans Main-d’œuvre-Immigré (FTP-MOI) sont composés d’immigrés et d’enfants d’immigré·es antifascistes, pour beaucoup juifs, le plus souvent communistes, parfois anciens brigadiers internationalistes de retour d’Espagne.
Arrêtés en 1943 avec l’aide de la police française, ils incarnent tout ce que la France de Pétain et l’Allemagne nazie haïssaient.
A l’occasion de leur procès, les nazis procèdent à une campagne de propagande antisémite.
L’affiche rouge de « l’armée du crime » où figurent dix partisans dont huit mentionnés en tant que juifs, sera tiré à plus de 15 000 exemplaires, accompagné d’une brochure où est intertitrée « Le crime est juif, et le crime est étranger. Et le crime est au service du judaïsme, de la haine juive ».
Après avoir attaqué des hôtels nazis à la grenade ou à la bombe, fait dérailler des trains militaires, rendu la vie impossible à l’occupant et ses collaborateurs, celles et ceux que l’on considérait comme des « terroristes judéo-bolcheviques », des « immigrés à la solde des juifs » sont aujourd’hui considérés comme des héros nationaux.
Chose qu’ils ont toujours refusé d’être.
Même l’extrême-droite actuelle, héritière directe de la France de Vichy, tente de s’accaparer cette mémoire.
Marine Le Pen et Jordan Bardella ont annoncé leur présence à la cérémonie, sans honte.
Eux qui encore aujourd’hui prône la fin du droit du sol et considèrent l’immigration comme le plus grand problème, construisent leur programme sur l’islamophobie, et dont la base électorale demeure très largement composée d’antisémites, de xénophobes et d’anticommunistes.
Nous avons écrit à plusieurs reprises que le président Macron et le ministre de l’intérieur Darmanin n’ont cessé de multiplier les hommages et références aux pires figures de la collaboration telles que Pétain, Maurras ou Bainville et de s’aligner sur l’extrême-droite en proposant une politique raciste faisant de sa récente loi anti-immigration un enjeu déterminant.
Il n’est donc pas étonnant que le président français n’a même pas souhaité convier le dernier camarade vivant de ce groupe de résistance, Léon Landini jusqu’à ce que l’information soit divulguée par le média Blast, à la veille de la commémoration. En isolant le couple Manouchian du groupe avec lequel il a combattu, la France raye de la mémoire collective un engagement commun et politique, au profit d’une relecture dépolitisée de l’histoire de la résistance.
Symbole de la construction d’un récit national, le Panthéon est aussi un instrument nationaliste pour écrire l’histoire d’une France fantasmée qui n’hésite pas à oublier l’engagement politique de ses héros. Communistes internationalistes, les Manouchian ont combattu le nationalisme et l’idée même des frontières pour l’émancipation des travailleurs, d’où qu’ils soient. Les réduire à un symbole patriotique va à l’encontre même de l’engagement qui leur a coûté la vie.
Une chose est sûre, l’histoire FTP-MOI démontrent que la solidarité et la fraternité de celles et ceux prêts à donner leur vie pour un monde meilleur n’ont pas de frontières.
Aragon écrit que la « La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans ».
Nous n’avons pas besoin des hommages d’une république raciste et xénophobe pour célébrer nos héros.
Cette panthéonisation n’a de sens que si on y inculque les valeurs et les principes qui furent ceux du groupe Manouchian : l'antifascisme, le communisme et l’internationalisme.
Les nôtres ont pour références les FTP-MOI
Les neutres ne disent rien et n’ont jamais rien dit
Les leurs sont des descendants de Vichy
Gloire éternelle aux partisan-e-s du groupe Manouchian-Boczov-Rayman !