Entre le 11 et 15 Juillet 1995 se déroulait le massacre de Srebrenica.
Sous les yeux de la communauté internationale, plus de 8000 musulman·es Bosniaques étaient exterminé·es. Perpétré par les Forces Serbes de Bosnie, ce massacre s’inscrit dans le processus d'extermination méthodique des musulman·es bosniaques qui fit plus de 30 000 victimes et des centaines de milliers de déplacé·es.
Après la Seconde Guerre mondiale, Josip Broz, dit Tito, commandant des partisans antifascistes yougoslaves, fonde un État fédéral d’inspiration socialiste après avoir combattu les nazis, le régime collaborateur de Nédic en Serbie et les Oustachis, fascistes croates, puis après la guerre, les monarchistes Tchénistes (nationalistes serbes).
Le nouvel État Yougoslave est constitué de six républiques dont la Bosnie-Herzégovine. Ses aspirations socialistes et communistes diffèrent du stalinisme de l’URSS avec lequel elle refuse de s’aligner. Son territoire inclut alors l'actuelle Serbie, la Croatie, la Slovénie, la Bosnie, le Kosovo, la Macédoine du Nord et le Monténégro.
La mort de Tito puis l’effondrement du bloc soviétique à la fin des années 1980 affaiblissent son pouvoir central, qui à l'instar de l'Armée Populaire de Yougoslavie (JNA) tombe sous le contrôle des Serbes orthodoxes nationalistes. Des tensions ethniques apparaissent notamment entre Serbes, Croates et Bosniaques musulman·es sur fond d’aspiration à l’indépendance.
La dislocation de la Yougoslavie entraîne une série de guerres civiles en Slovénie, Croatie, Bosnie et plus tardivement au Kosovo. Majoritairement musulmane, la Bosnie-Herzégovine dirigée par Alija Izetbegovic souhaite conserver l’intégralité de son territoire. Les Serbes de Bosnie, dirigés par Radovan Karadžić, soutenaient pour leur part la création d'un État serbe indépendant sur le territoire Bosniaque.
En avril 1992, la Bosnie-Herzégovine accède à l’indépendance après un référendum boycotté largement par sa minorité serbe. Sa reconnaissance par l’Union Européenne, puis par la communauté internationale quelques mois plus tard déclenche une réponse immédiate. Appuyées par Slobodan Milosevic, président de la Serbie, et des Forces Armées de Yougoslavie, les milices serbes de Bosnie assiègent Sarajevo et ciblent les Bosniaques musulman·es et les Croates.
Ce siège sera le théâtre de violences extrêmes. Pendant plus de trois ans, les habitant·es de Sarajevo seront victimes de bombardements quotidiens, de privations alimentaires et médicales et de coupures d’approvisionnements en eau et en électricité.
Dans le reste du pays, les musulman·es sont victimes d'un nettoyage ethnique : des milliers d’entre elles et eux sont tué·es ou forcés à fuir leurs maisons. A Visegrad et Vlasenica, des centaines de civil·es sont sommairement exécuté·es et des milliers d’autres sont forcé·es de fuir. Des villes et des villages seront entièrement rasés, et les femmes systémiquement victimes de viol. Plusieurs milliers de personnes sont également internées dans des camps de concentration, notamment ceux de Omarska, Keraterm et Trnopolj, à proximité de la ville de Prijedor.
Entre les 11 et 16 juillet 1995 se déroule l’un des épisodes les plus tragiques du génocide à Srebrenica, enclave musulmane située au Nord-Est du pays, en territoire majoritairement serbe censément protégée par une unité néerlandaise des casques bleus déployée par les Nations Unies. Plus de 8 000 musulman·es, majoritairement des hommes et des adolescents, seront massacré·es, dépouillé·es de leurs biens et jeté·es dans des fosses communes par les forces serbes de Bosnie dirigées par Ratko Mladic.
Jusqu’alors inactive, l'OTAN entame le bombardement des positions Serbes en Bosnie qui, associé à des pressions diplomatiques, obligent les dirigeants Serbes à revenir à la table des négociations.
Suite à plusieurs mois de discussions à Dayton aux États-Unis, un accord de paix est signé entre les dirigeants serbes, croates et musulmans bosniaques. Cet accord met fin à la guerre et divise la Bosnie-Herzégovine en trois entités : la République serbe de Bosnie, la Fédération de Bosnie-Herzégovine, où vivent majoritairement des musulman·es bosniaques et des Croates, ainsi qu’une minuscule enclave : le district de Brčko.
Bien que nécessaire, cet accord de paix est critiqué pour avoir entériné la division ethnique du pays conformément aux aspirations des nationalistes, et plus particulièrement à celles des génocidaires.
Après la fin de la guerre, plusieurs figures serbes de Bosnie sont poursuivies pour génocide et d’autres crimes de guerre par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), basé à La Haye. Radovan Karadžić, ancien président de la République serbe de Bosnie, Ratko Mladic surnommé “le boucher des Balkans ”, sont notamment jugés pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre.
La communauté internationale et les soldats français présents sur place ont été vivement critiqués de ne pas avoir réagi de manière suffisamment vigoureuse pour prévenir les attaques des forces serbes.
Le rôle joué par la France dans ce conflit est équivoque. Elle est une actrice majeure au sein de la Force de Protection des Nations Unies (FORPRONU) déployée en Bosnie-Herzégovine, qui aura largement échoué dans sa mission à prévenir les atrocités, protéger les zones de sécurité et garantir un certain degré de stabilité au pays.
Ses positions diplomatiques tout au long de la guerre auront par ailleurs été pour le moins ambiguës, maintenant à la fois des relations proches avec la République serbe de Bosnie, en particulier sous le leadership de Radovan Karadžić, tout en soutenant l’idée d’un interventionnisme humanitaire pour les musulman·es bosniaques. Loin de témoigner d’une position de non-alignement, la présence française (parmi tant d’autres) apparaît finalement comme purement opportuniste.
La communauté internationale a également fait l’objet de nombreuses critiques, notamment pour sa gestion de maintien de la paix et sa réponse diplomatique au génocide. Il semblerait qu’aucune véritable mesure n’ait été prise pour empêcher les massacres. On reproche également à l'embargo sur les armes en Yougoslavie de n’avoir principalement affecté que les forces bosniaques.
Le massacre de Srebenica a été le plus meurtrier sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale et la qualification de génocide sera finalement reconnue en 2007.
Si les criminels de guerre sont indéniablement nombreux au sein de chaque faction des différentes guerres qui ont meurtri les Balkans, l’intention génocidaire et son application méthodique en Bosnie ne font aucun doute. Comme pour chaque génocide, les commémorations actuelles sont marquées par des offensives négationnistes, à travers la minimisation des faits ou le renvoi dos à dos des crimes de guerre qu’auraient commis chacun des belligérents. Cette offensive est soutenue par une partie de l’extrême-droite mondiale, à commencer par Viktor Orban et Vladimir Poutine.
Malgré son intervention, la communauté internationale et notamment les pays européens ne sont pas parvenus à empêcher ce génocide sur leur propre territoire. Les décennies suivantes ont été marquées par de nombreux autres crimes de masse, en particulier contre les Kurdes, les Rohingyas, les Ouïghours, les Yézidi·es, les populations du Darfour, les Arménien·nes du Haut-Karabagh, ainsi que des situations de « balkanisation » au Congo, en Syrie, en Birmanie, au Yémen, au Soudan, et jusqu’au génocide en cours en Palestine.
Les différentes tentatives de médiations internationales, les accords de Paix et de cessez-le-feu sont constamment piétinés. Le droit international apparaît de plus en plus impuissant à empêcher le déchainement de la violence. Face à cet échec patent, les commémorations du génocide ne peuvent pas être la simple réalisation d’un devoir de mémoire vague et institutionnel, vidé de toute dimension politique.
C’est pourquoi nous refusons l’oubli, et nous associons à la mémoire des victimes, afin que le “Plus jamais ça” ne soit pas qu’une formule creuse, mais puisse réellement devenir un principe d’action visant à empêcher chaque génocide, qu’il soit ou non reconnu par la communauté internationale.