Contre l'instrumentalisation du féminisme au service d'une politique raciste et génocidaire
Aurore Bergé, ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, annonce le 11 février sur Radio J vouloir retirer les subventions aux associations féministes qui auraient eu des positions « ambigües » après le 7 octobre et qui n’auraient pas reproduit l’analyse du gouvernement. Nous, féministes et militant.es décoloniales, français.es et israélien.nes, dénonçons cette attaque contre les associations féministes.
Aurore Bergé vide le combat féministe de sa substance émancipatrice, pour en faire un outil autoritaire à l’encontre des Palestinien.nes et des mouvements féministes. En qualifiant leurs positions d’“ambiguës”, la ministre s’attaque à une partie du mouvement féministe qui, depuis des décennies, a intégré l’antiracisme et la lutte décoloniale dans son analyse de la domination masculine.
Refuser toute critique d’un système colonial profondément patriarcal et criminaliser le camp féministe renforce le statut quo et va à l’encontre du combat pour l’égalité des vies Israelien.nes et Palestinien.nes, et à l'encontre de l'émancipation des genres. En ce sens, vouloir affaiblir financièrement les associations féministes qui dénoncent les crimes de guerres israéliens, dont les femmes palestiniennes sont les premières victimes, est profondément anti-féministe.
Nous n’avons pas attendu le 7 octobre pour lutter contre l’oppression des femmes palestiniennes. En revendiquant un féminisme de façade, dans laquelle seules les israéliennes mériteraient la compassion, Israël et ses allié.es souhaitent voir disparaitre tout signe de solidarité avec les Palestiniennes pour mieux justifier le génocide en cours. Comme s’il n’y avait eu aucun massacre, expulsion ou viols à l’encontre des Palestiniennes avant le 7 octobre.
Les féministes israéliennes engagées contre le génocide sont elles-mêmes silenciées et arrêtées par l'Etat d'Israël, alors que les militaires de Tsahal posent fièrement avec les soutiens-gorges des femmes palestiniennes. La glorification des commandos de femmes autorisés pour la première fois à entrer dans Gaza instrumentalise aussi le féminisme à des fins nationalistes.
Les crimes de guerres se dénoncent, oui, il faut ainsi le faire avant, pendant et après le 7 octobre, d'autant que des rapports de l'ONU attestent de nombreux cas de meurtres, de viols et de violences sexistes et sexuelles commises par Tsahal envers les femmes palestiniennes depuis le début du génocide [1]. C'est donc vraisemblablement au sein de la Macronie que le souci pour le sort des femmes victimes de la guerre est à géométrie variable.
Depuis le début du mandat Macron, le gouvernement a criminalisé et réprimé les mouvements sociaux pour imposer des politiques refusées par une grande partie de la population. Le soutien à la Palestine ne fait pas exception. C’est en ce sens qu’Aurore Bergé criminalise la lutte féministe pour la Palestine en imposant aux associations le narratif de la propagande israélienne.
Pour reprendre une tribune publiée par des intellectuelles et militantes féministes le 21 novembre dernier, cette “propagande de guerre (...) fait sciemment l’impasse de toute contextualisation de la situation pour la réifier et in fine réitérer la vision d’un monde musulman barbare contre une population israélienne féminisée et ainsi lavée et blanchie de tout soupçon”.
Nous dénonçons la complicité du gouvernement qui finance le génocide en cours, relaie une parole raciste et, islamophobe au nom du soutien inconditionnel à Israël. Emmanuel Macron mène une politique d'extrême-droite et ces mesures d'intimidation ont pour but de détourner encore nos regards des horreurs du génocide là-bas et à nous museler ici contre ses mesures racistes et anti-sociales.
L'extrême-droite et la droite n'ont jamais œuvré pour la lutte féministe. Au contraire, celles-ci tout comme une partie de la gauche instrumentalisent le mouvement au service de leur agenda politique, en faisant mine de défendre les revendications féministes et LGBTQIA+. Cela pour mieux attaquer les personnes racisées et disqualifier toute critique radicale qui remettrait structurellement en cause le patriarcat. Par ailleurs, leur posture féministe ne les empêche pas de dérouler le tapis rouge à des hommes accusés d’agressions sexuelles ou de viol, tout en remettant en cause la parole des victimes. Rappelons que les féministes israéliennes qui s'élèvent contre l'horreur sont réprimées par le pouvoir.
Nous apportons tout notre soutien aux collectifs, associations, organisations qui subissent depuis 4 mois calomnies et répressions pour avoir une position non-alignée avec les gouvernements français et israéliens et dénonçons la tentative de mise au pas menée par le gouvernement français.
KESSEM - féministes juives décoloniales et TSEDEK collectif juif décolonial