
Cette « vot'action » à l'initiative de la CGT bouscule, interpelle les commentateurs et n'a pas manqué d'être immédiatement balayée du revers de la main par le gouvernement qui lui dénie toute légitimité. Macron n'aime en vérité les référendums dans les entreprises que lorsqu'il s'agira d'y faire cautionner des dispositions moins avantageuses que les conventions collectives. Il aurait pu applaudir celui initié par le président d'Air France si comme les spécialistes le prédisaient la consultation avait révélé une fracture entre les pilotes et les autres catégories, entre grévistes et non-grévistes.
Mais il en fut autrement... et il n'y a pas que Janaillac qui ait perdu sa chemise dans ce pari stupide, car il a entrainé dans son obstination les syndicats minoritaires signataires de l'accord salarial combattu par les grévistes et tous les autres syndicats. Evidemment parmi les stupidités entendues et lues ces derniers jours, certains n'ont pas manqué de rapprocher le référendum Air France et la « vot'action » des syndicats cheminots en prêtant à ces derniers une volonté de surfer sur l'échec de la direction de la compagnie aérienne. Comme si un référendum d'initiative patronale destiné à river le clou des syndicats pouvait se comparer à une votation destinée à donner la parole à tout un chacun.
Il n'empêche, c'est bien une nouvelle page de la mobilisation cheminote qui va se jouer cette semaine et elle atteint son premier objectif : ne pas laisser le gouvernement et guillaume Pépy seuls maîtres de l'agenda.
Cette consultation d'initiative syndicale se veut « une réponse à l'argument qui consisterait à dire que 80 % des agents seraient favorables à cette réforme », a indiqué Laurent Brun, le secrétaire général de la CGT cheminots. Elle a aussi pour fonction de poursuivre la mobilisation des équipes militantes pour aller rencontrer chaque cheminot. Elle offre à tous les salariés de la compagnie la possibilité de donner leur opinion alors que le texte de la réforme a été adopté à l'Assemblée et qu'il passera bientôt au Sénat. Elle leur permet, quel que soit leur degré d'engagement dans le conflit de se prononcer.
Personne n'ignore qu'une telle grève, pèse lourd dans le budget de chacun en dépit du calendrier imaginé par les syndicats pour minimiser l'impact sur la fiche de paie. Il ne saurait donc être question de laisser croire que la profession cheminote se serait convertie par le miracle des consultations gouvernementales aux bienfaits d'une réforme libérale dévastatrice pour l'entreprise. Près de deux tiers des cheminots (tous collèges, tous services) s’inscrivent ou se sont inscrits dans le mouvement de grève.
On a pu mesurer que l'opposition à la réforme est très large dans l'entreprise et il est clair qu'elle n'est pas ou plus -en tous cas pas assez- traduite par les pourcentages de grévistes brandis par la direction.
On a vu par exemple une association de cadres supérieurs de la SNCF écrire à la ministre des Transports le 4 avril dernier pour dénoncer « le choix de livrer à la vindicte populaire les cheminots et à les mettre en cause en laissant entendre notamment qu'il y aurait un lien entre les récents dysfonctionnements de la SNCF et les cheminots (statut, organisation du travail, etc.). (…) Les cheminots, comme tous les travailleurs de ce pays n'ont aucune raison de mériter cette mise au pilori ».
Le mépris éditorial et la morgue technocratique affichés vis-à-vis de la démarche unitaire des quatre syndicats CGT, UNSA, Sud, CFDT témoignent de la fébrilité de l'exécutif qui a besoin d'une victoire contre les cheminots -et aussi contre la CGT- pour engager sans embûches la réforme des retraites en 2019. A n'en pas douter, la direction de la SNCF ne va pas faciliter la tâche des syndicats durant ces prochains jours car l'enjeu de la participation sera déterminant.
Par FD, journaliste engagé et militant Ugict-CGT