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Car plus que les taux d'imposition qui n'ont rien de confiscatoires, ce qui est intéressant dans la démarche du nouveau président américain, c'est de partir de l'idée que la fiscalité est un élément majeur et structurant d'une politique publique de redressement.
L’intérêt de sa proposition est de reconnaître la réalité du problème de l'évasion fiscale et la nécessité de s’y attaquer. Et ce n'est pas innocent, alors même que sur le vieux continent on continue à tergiverser pour s'attaquer frontalement et efficacement aux dispositifs d'optimisation et aux paradis fiscaux qui permettent aux multinationales d'échapper à l'impôt, s'exonérant ainsi de contribuer au bien commun.
La proposition de Joe Biden n'est pas encore une véritable révolution fiscale, mais le président démocrate franchit une étape et délivre un message. Certes, il en faudra beaucoup d'autres, plus volontaristes pour mettre fin aux paradis fiscaux et à l’évasion fiscale. Il faudrait par exemple, ainsi que le propose la CGT des Finances « s’attaquer aux outils que les gouvernements occidentaux ont mis entre les mains des multinationales : les conventions fiscales modèles OCDE et surtout les prix de transferts au sein des multinationales. 60 % des échanges mondiaux ces dernières années étaient internes aux multinationales ! Le but : faire payer très cher des matières premières ou des licences d’utilisations aux entités présentes sur un territoire dont les propriétaires de l’entreprise refusent la fiscalité pour créer artificiellement un déficit ».
Soyons clairs... Ce qui fait le plus défaut de ce côté-ci de l'Atlantique pour faire payer leurs impôts aux multinationales, c'est la volonté politique. On vient encore d'en avoir une désolante manifestation alors qu'un projet de directive européenne sur la transparence fiscale des multinationales est en cours de négociation. Elle viserait à les soumettre à des règles de transparence et de reporting annuel de leur activité réelle dans chaque pays : Quel chiffre d’affaires ? Quel bénéfice ? Combien d’emplois ? Combien d’impôts payés ?
Mais voilà... On a appris par une agence de presse (Contexte) que la position défendue par la France dans la négociation de cette directive, aurait été rédigée par une lobbyiste fiscaliste du Medef.
Le patronat aurait ainsi dicté à Bercy sa revendication de deux dispositions. L'une exemptant les multinationales de publier des informations pendant six ans, tandis que Bruxelles proposait un reporting annuel. L'autre limitant le reporting pays par pays, ce qui ne permet plus évidemment de comprendre et chiffrer les flux entre États.
Dans cette négociation, la France a clairement joué un double-jeu et s'est fait dicter sa position par le grand patronat. C'est d'autant plus préoccupant que le gouvernement comme le Medef sont bien décidés à nous faire payer la facture de la crise sanitaire. Or, la lutte contre la fraude fiscale permettrait rien qu'en France de rapporter entre 80 à 100 milliards d’euros par an dans les caisses de l’État.
Par FD, journaliste engagé et militant Ugict-CGT
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