Dans une interview accordée au Figaro, le patron du MEDEF appelle à sacrifier ce qui reste des garanties accordées aux salariés, au nom de la reprise économique : il faudra, selon lui, se poser la question « du temps de travail, des jours fériés et des congés payés », sans aucune précision sur le caractère transitoire ou définitif des renonciations demandées aux salariés pour relancer la machine économique, ni sur les modalités de leur adoption et de leur application.
De tels aménagements ne sont acceptables par les salariés que s'ils s'accompagnent de plusieurs conditions :
- Que le surcroît d'efforts demandé ne serve pas qu'à engraisser un peu plus des actionnaires qui ont déjà la part du lion dans la répartition des richesses créées. On a vu, ces dernières années, trop de mesures accordées aux entreprises sans contrepartie pour ne pas faire de cette condition une exigence absolue. La première mesure à prendre dans ce sens est l'interdiction absolue de verser des dividendes aux entreprises qui, sous quelque forme que ce soit (chômage partiel, aides de l'état, report ou annulation de cotisations...) auraient bénéficié d'une aide de l’État. Il faut également étendre cette condition aux entreprises qui exportent leurs bénéfices dans des paradis fiscaux, car leur refus de participer à l'impôt a couté, entre autres, des services hospitaliers qui auraient été bienvenus dans les services publics.
- Que seuls les syndicats représentatifs dans les entreprises soient habilités à négocier des aménagements du temps de travail : ceux-ci ne doivent pas être décidés par une loi, encore moins si elle est prise par ordonnance comme le pouvoir Macron aime tant à le faire. En matière salariale, les négociations doivent inclure la question du travail du dimanche et des heures supplémentaires, ainsi de leur rémunération, compensée financièrement par l'interdiction de dividendes aux entreprises qui auront signé de tels accords.
- La loi ne doit intervenir qu'après signature de ces accords : d'abord en garantissant des sanctions exemplaires contre les entreprises qui ne les respecteraient pas ; ensuite en étendant l'interdiction de dividendes aux entreprises qui auront signé de tels accords, pour toute la durée au cours de laquelle ils resteront en vigueur.
- Que ces accords soient temporaires, avec une période de validité clairement définie dans les protocoles.
- Que la loi accorde enfin aux comités d'entreprise un véritable droit de regard et de contrôle sur leurs entreprises, comme c'est le cas avec les Betriebsrat allemands. On nous a assez loué les vertus du modèle allemand pour ne pas adopter des mesures qui s'en inspirent.
« L’important, c’est de remettre la machine économique en marche et de reproduire de la richesse en masse, pour tenter d’effacer, dès 2021, les pertes de croissance de 2020 », déclare encore le président du MEDEF. Aucun salarié n'a intérêt à ce que son entreprise fasse faillite, mais les efforts consentis ne seront légitimes que si l'effort est consenti et assumé par tous.