On le voit à l'œuvre, dans notre quotidien, dans le monde des affaires, la politique. Mais ce mal demeure ultimement inconnu, on arrive à l'écarter de notre existence, on en fait une anomalie et on renoue, du moins on essaie de renouer, avec notre foi naïve dans l'homme. Mais qu'arrive t-il quand ce Mal imprègne nos vies, quand il est sur nos écrans, sans arrêt, quand on n'arrive pas à y échapper, quand, surtout, ses manifestations sont innommables. On peut évidemment tenter de le fuir, d'enfouir sa tête, son cœur, son imaginaire dans la terre aride de l'oubli. Ou on peut jouer au jeu de l'indifférence. Ou se gaver de cette propagande qui nous convainc que c'est une 'guerre', que c'est 'complexe', que ce sont des 'dérives'. Ou en faire une lecture ethnique, qu'il ne concerne qu'un peuple. Ou encore relativiser, dire que c'est un génocide parmi d'autres, que c'est un mal parmi d'autres. Il y a mille moyens de fuir. Mais on n'y arrive pas. On est contraint de regarder l'abîme. Et que voit-on, nos congénères, des humains, ils sont comme nous, faits de chair et d'os, de rêves et d'insouciance, condamnés à vivre et à mourir. Ce sont des êtres semblables à nous. Il est important de l'affirmer. Mais le sont-ils vraiment ? Doit-on énumérer leurs actes barbares ? Peut-on dire qu'ils sont diaboliques ? On regarde donc l'abîme et on voit l'abîme qui est en soi, comme l'a écrit Nietzsche. Et c'est effroyable. Soit nous avons en commun notre humanité et ses potentialités à la violence totale. Soit ils sont faits d'une autre étoffe. Mais ils sont différents de nous. Il ne peut en être autrement. Nous sommes humains. Et pas ces êtres. Ultimement confronter ce mal, le regarder dans les yeux, sans compromissions, c'est interroger le sens. On peut être tenté par la révolte, nulle rédemption n'est alors possible. Quant à moi, j'ai choisi la foi. La foi, une oeuvre de la raison mais aussi pour dompter ce mal. Autrement je deviendrais fou. Et bienheureux sont ceux qui parviennent à l'oublier. Et bienheureux sont ceux qui croient vivre.
Umar Timol