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Billet de blog 13 novembre 2022

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En soi et hors de soi. Penser un monde sans violence.

Il est incontestable que nous vivons dans un monde violent. Violence physique, de la barbarie et de la guerre, corps qu’on contrôle, qu’on régimente, qu’on discipline, qu’on torture et détruit et violence structurelle, plus subtile il est vrai, mais qui permet la perpétuation d’un système fondé sur la domination multiforme, notamment économique et politique, de l’autre.

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Dans un sens, on ne peut y échapper. Les plus chanceux, ceux qui vivent dans des lieux pacifiés sont conscients que la violence, celle physique, peut surgir à tout moment, que grouillent sous la surface calme de vies apparemment paisibles des potentialités explosives. Quant aux autres, elle fait partie de leur quotidien, elle est inscrite dans leur chair.

Peut-on envisager un monde sans violence ? Est-ce une utopie pour de doux rêveurs ? Il n’y a évidemment pas une réponse simple à ces questions complexes. On est condamné à énoncer des hypothèses. Je me propose, dans ce texte, d’en explorer deux, peut-être des clés qui nous aideront à mieux déchiffrer cette problématique majeure.

On conçoit la violence comme un acte contre l’autre, ce qui est vrai, mais elle est avant tout un rapport à soi-même. Ainsi nous sommes tous habités à divers degrés par la violence. La cupidité, la soif du pouvoir, la jalousie, les désirs incontrôlés, ces instincts primaires qui sont ancrés dans les êtres en sont les expressions. D’ailleurs toutes les traditions spirituelles nous mettent en garde contre les dérives de l’ego. S’en libérer réclame un effort considérable. On constate, à titre anecdotique, que de nombreuses personnes qui sont dans une démarche d’engagement, qui se réclament de grands idéaux, ont de nombreuses failles, ils puisent souvent leur énergie dans le narcissisme et la mégalomanie. On peut monter sur tous les toits, professer des rêves et la révolution alors que nos motivations réelles sont obscures. Au fond, guérir de la violence signifie guérir de la violence en soi. L’être est ainsi au cœur de tensions contradictoires, entre ombre et lumière, sentiment de compassion, de générosité, d’amour mais aussi de violence. Avant d’interroger le monde il faut interroger ce qu’on est, défaire l’obscurité en soi pour espérer y déployer la lumière.

Cette violence qui est en soi est aussi hors de soi, le fruit d’une dialectique entre l’individu et le monde. On pourrait argumenter que la violence existe de tous temps, qu’elle est inscrite dans les gènes de l’homme et que le monde contemporain n'est ni plus ni moins violent qu’avant. Les chiffres semblent démontrer le contraire, par exemple, les deux guerres mondiales, avec ces dizaines de millions de morts mais plus encore il y a aujourd’hui les potentialités à la violence apocalyptique, on dispose de suffisamment de bombes nucléaires pour anéantir jusqu’au dernier être humain. Il est quand même ahurissant de penser que nous avons désormais la faculté à l’autodestruction absolue. Est-ce ainsi parce que le progrès technologique nous donne les moyens de cette ‘violence’ ou est-ce que ce sont les structures du monde qui en sont les responsables ? Nous vivons aujourd’hui dans ce qu’on pourrait appeler un système-monde, qui est la modernité occidentale. Cette ‘modernité’, dont le caractère universel et totalisant est lié évidemment à la colonisation, n’est pas aisé à définir. Mais on peut relever certaines caractéristiques fondamentales, la rationalité, le progrès, la liberté ou encore la science. On pourrait dire que l’axe central de ce projet est la désacralisation de l’homme, on l’a a ainsi libéré des entraves de la tradition et de la religion, c’est un projet éminemment prométhéen qui le rend à une impossible liberté. Il est d’ailleurs plus que séduisant pour son caractère héroïque mais ultimement un échec pour les apocalypses ( esclavage, colonisation, capitalisme, nationalisme, individualisme ) qu’il a générés. Ce système-monde a triomphé mais il est engagé, aujourd’hui, dans un vaste projet de destruction. On en voit les symptômes partout. Le changement climatique, l’extinction massive des espèces, un capitalisme déchaîné qui fabrique des inégalités extrêmes, la maladie du nationalisme qui exacerbe les fanatismes, les extrémismes, l’atomisation de l’individu et de la société sous le joug du narcissisme et du culte de soi et j’en passe. Nous sommes au seuil du violence qui risque de nous engouffrer à tout moment.

Que peut-on faire pour en finir avec la violence ? On ne peut s’empêcher aujourd’hui de céder à un certain pessimisme. L’implosion de ce système-monde nous mène droit au mur. Mais il faut espérer. On n’a d’ailleurs pas le choix. Mon hypothèse est qu’il s’agit, en puisant dans cette dialectique entre l’être et le collectif, de fonder une spiritualité politique. Ces mots peuvent sembler contradictoires mais on ne guérira le monde qu’en guérissant le cœur de l’homme et on ne guérira le cœur de l’homme qu’en guérissant le monde. L’ancien monde est sur le point de disparaître. Avec ces cendres on en construira un autre. Est-ce que le remplacera avec la certitude des enfers de la violence ou la promesse des lumières de la paix ?

Umar Timol.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.