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Et vous vous amusez, vous riez, et vous avez des ailes, de magnifiques ailes. Vous vous envolez loin, très loin dans le ciel, et vous êtes heureux, non pas un bonheur éphémère, mais ce bonheur éternel accordé aux martyrs. Car tu es une martyre, Reem.
Tu n'es pas morte, Reem. Ceux qui ne sont plus humains, ceux qui disent que vous êtes des animaux alors qu'ils sont moins que des animaux, ont tenté de tuer l'humain en toi. Mais on ne peut anéantir l'humain. Il est indestructible. Car il est fait de la lumière de l'innocence, des joies enfantines, des vendanges de l'amour et de la générosité. Il est le dépositaire de la vraie foi.
En cherchant à anéantir l'humanité en toi, ils ont en réalité détruit la leur.
Quels êtres sont-ils, Reem ?
Ils mentent comme ils respirent. Ils massacrent impunément les leurs et les tiens. Ils repoussent chaque jour les limites de l'inhumanité.
Quels êtres sont-ils, Reem ?
Dis-moi ce qu'ils sont.
Sont-ils faits de chair ou d'ombres ?
Ton humanité demeurera, Reem, à jamais, une étoile qui brillera de tous ses feux dans ces nuits constellées de sang.
Tu n'es pas morte, Reem. Par contre, ceux qui sont vivants sont morts. Ils respirent, mangent, boivent, ils croient être vivants, mais ils ne le sont plus. Ceux qui lancent des bombes sur des enfants, ceux qui vomissent des paroles haineuses, ceux qui soutiennent le génocide de ton peuple, ceux qui applaudissent votre mort, ceux qui se taisent, ceux qui trouvent des excuses à la barbarie, ceux qui persécutent vos partisans, les puissants dans leurs immenses palais, les asservis dans les royaumes de la lâcheté, les menteurs, les hypocrites, les traîtres, ils sont morts.
Ils sont vides. Des abîmes. Des gouffres. Morts alors qu'ils sont vivants.
Contrairement à toi, Reem.
Tu n'es pas morte, Reem. Car tu vis dans la terre de tes ancêtres. Ils ont utilisé des prétextes fallacieux pour voler vos terres. Ils les ont colonisées, y ont construit des immeubles, des tours, des infrastructures militaires, des monuments à leur gloire mortelle. Et ils ont tous les pouvoirs, des armes, le soutien inconditionnel des puissants de ce monde, des pantins propagandistes par milliers et, aujourd'hui, ils veulent vous exterminer jusqu'au dernier. Il leur manque, cependant, le seul pouvoir qui compte, celui de l'amour, cet amour des terres qui émane non de la haine, non d'un sentiment de supériorité ethnique, du racisme, du nationalisme meurtrier, de l'appétit du sang et du génocide, cet amour qui repose sur le principe du partage avec tous ceux, quels qu'ils soient, qui en sont les disciples.
Tu n'es pas morte, Reem. Ta lumière demeurera dans ces terres.
Et ton peuple y retournera, un jour, ce n'est qu'une question de temps, par la force de la foi et de l'amour.
Tu n'es pas morte, Reem. Tu vis en nous, dans les sillons de notre souffle. Nous, qui sommes capables de si peu, qui n'avons ni votre courage, ni votre bravoure, nous qui sommes à l'école de la vie, de votre vie, et qui avons de merveilleux enseignants, toi et ton peuple, Reem. Vous nous avez appris l'essentiel. La gratitude, le courage, la fraternité, l'humour, la résilience et surtout cette foi qui énonce que nous sommes les créatures de l'éphémère, que tout a un sens, qu'on doit mourir avant de mourir pour qu'on puisse être dans la plénitude de la lumière divine.
Chaque instant est un miracle et une grâce voulus par celui qui nous a créés.
On n'oubliera pas votre enseignement.
Tu n'es pas morte, Reem.
Et on se rencontrera, un jour, Reem, dans ce lieu paisible, comme tes rêves, et doux, comme tes yeux. Et on s'envolera loin, très loin dans le ciel avec des milliers d'enfants palestiniens.
Tu n'es pas morte, Reem. Tu vis. Tu es ce cœur qui fomente les bourrasques de la révolte et de la libération.
La Palestine sera libre et elle libérera le monde. Elle nous libérera. Elle nous a déjà libérés.
Libres, enfin libres.
Tu n'es pas morte, Reem. Tu ne l'es pas. Tu es la promesse de nos éternités. Reem.
Umar Timol
*https://www.middleeastmonitor.com/20231126-grandfather-in-gaza-laments-no-birthday-without-reem/