Ceci dit, ils n'expriment pas ou très peu leurs opinions dans leurs livres ou en ligne sur les nombreuses questions politiques. C'est un choix, qu'on peut trouver illégitime, mais qui est respectable. On ne s'attend donc pas à ce qu'ils abordent le génocide des Palestiniens.
Par contre, il y a des écrivains qui s'investissent dans le champ politique, qui ont une opinion sur tout, qui dénoncent, qui s'engagent, sur les réseaux sociaux et dans leurs ouvrages. Nombreux, par exemple, sont les écrivains du Sud qui réfléchissent à la question de la 'décolonialité'. Mais en ce qui concerne le génocide des Palestiniens, on ne les entend pas. On me dira qu'il y a d'autres urgences dans le monde et qu'ils ont d'autres priorités. Ce qui est vrai. Il faut, cependant, reconnaître le caractère exceptionnel du génocide des Palestiniens, qui a lieu quasiment en direct. Tout écrivain engagé doit se sentir concerné. Mais ils se taisent. Ou s'ils s'expriment, c'est en usant de généralités, ils adoptent une posture de pseudo-neutralité qui leur évite de se prononcer de manière claire. Il y a plusieurs explications à ce silence (peur parce que critiquer les exactions d'Israël n'est pas sans conséquences, surtout pour ceux qui publient à Paris, phobie de l'autre, ignorance, ils sont pro-israéliens, etc.), mais il met en lumière une 'imposture' qui est au cœur de la vie littéraire. Il est vrai qu'on s'engage, mais c'est un engagement pseudo-subversif en faveur de causes sans danger, qui sont dans l'air du temps. Cela permet à l'écrivain de se situer hors du système, il a le bon rôle, alors qu'il est ancré dans le système. Et cela suscite deux questions : comment prétendre à une quelconque liberté, à un véritable engagement artistique quand on opère dans le cadre d'institutions (ambassades, bourses, maisons d'édition, prix littéraires, etc.) qui sont des émanations directes de structures de domination (l'État, oligarchies, lobby, etc.) ? Pour ceux qui restent en dehors du domaine politique ( un non-sens comme je l'ai expliqué plus bas ), ce n'est pas un problème. Quant à ceux qui sont engagés, ils doivent s'interroger sur le sens de leur démarche.
Sont-ils ultimement des bisounours artistiques ?
Leur silence semble indiquer qu'ils sont des politiciens avant d'être des écrivains.
Umar Timol.