Ils ont tous ou presque répondu positivement à mon appel. Cela m’a ramené aux conversations avec eux, sans doute l’aspect le plus fascinant du travail photographique. J’ai beaucoup appris en leur parlant, d’abord sur le plan humain car chaque être est unique, il est, dans un sens, un roman qui attend d'être lu. J’ai eu parfois le sentiment que la réalité dépasse de loin la fiction, que les vies réelles sont plus riches, plus denses que les vies imaginées. Je me souviens, pour citer un exemple, des paroles de la poétesse turque Bejan Matur, qui m’avait raconté qu’elle était devenue poétesse, lors d’une expérience quasi-mystique, dans les geôles turques. Ensuite, ces conversations m’ont nourri sur le plan intellectuel, ces êtres viennent d’horizons divers, ils sont de gauche, de droite, croyants, incroyants, ils portent tous le témoignage d’un regard sur le monde. Les écouter, leur parler, échanger, discuter est un moyen d’interroger ses propres convictions, ses certitudes. C’est aussi un rappel à l'humilité, notre subjectivité limite ultimement notre faculté à comprendre les choses. Il n’y a pas lieu d'être d’accord avec l’autre mais l'altérité, quand elle puise dans le dialogue, nous aide à nous repenser. Et finalement sur le plan spirituel, tous ces visages disent, à mon sens, la soif de l’absolu. J’ai du mal à expliquer cette interprétation, elle peut sembler incongrue mais je sens intuitivement qu'au-delà de la parole immédiate, du paraître, il y a une soif qui unit les êtres. Nous sommes tous en quête d’une seule et même chose.
J’ai plus que jamais envie de poursuivre cette aventure artistique et humaine. J’aime ouvrir cette porte qui donne sur l’autre. Elle dévoile de splendides paysages humains, faits de mots, de lumière, qui m’accordent une raison de plus de vivre.
Umar Timol ( https://www.instagram.com/book_project_umartimol/ )
