Jean-Claude Milner (je sais…) n’est pas qu’un cinglé. Il lui arrive d’être pertinent. Son livre Relire la Révolution est un grand texte sur la Révolution française, par ex.
Dans Les penchants criminels de l’Europe démocratique, il affirme que l’extermination des Juifs d’Europe est le cadeau de Hitler à l’Europe. Je souscris à cette thèse. Les Juifs étaient majoritairement du côté de l’émancipation du fait de leur condition en Europe. Parias, ségrégués, désignés à la vindicte, sous-citoyens de ce fait… ils n’avaient d’autre choix que d’être du côté de l’émancipation et la pensée matérialiste (même religieuse) et non magique (pensée magique, fasciste, d’appropriation du site comme dit Badiou dans un très vieux livre, en mode « la terre et les morts ») et les partis communistes comptèrent de nombreux Juifs. Les Bolcheviks bien sûr mais aussi, Jablonka le dit dans son seul bon livre, en Pologne, par ex.
Le socialisme gagne en audience en Europe occidentale à la fin du XIXème par l’arrivée de Juifs de l’Est.
Le cadeau de Hitler à l’Europe est là : la liquidation d’un peuple transnational qui compte de nombreux révolutionnaires (un messianisme en remplace un trop vieux).
L’UE même, sa possibilité, est le produit de cette liquidation. Il n’y a plus que des nations en Europe. Il n’y a plus de peuple intracontinental qui passe les frontières du fait de sa condition.
Les nazis ont mis fin à l’Europe juive, à la subjectivité juive européenne et les mêmes, d’extrême-droite, qui adorent crier à l’antisémitisme (souvent pour se faire les nouveaux parias continentaux : les musulmans) ont goûté plus que tous les autres le cadeau dont parle Milner.
Génocide. Ce nom dit simplement l’évidence effroyable : la judéité européenne a été liquidée entre 1941 et 1945. Les Juifs sont morts, les Juifs comme part subjective et politique de l’Europe sont morts comme on sait. Morts.
Jablonka dit dans son livre sur ses grands-parents que les nazis ont gagné leur guerre contre les Juifs (ce n’était toutefois pas une guerre mais un massacre - comme aujourd’hui en Palestine).
C’est sur ces morts que l’extrême-droite se repaît dans la dénonciation de l’antisémitisme. La perversion est évidente. Elle instrumentalise un crime que ses aïeux ont accompagné ou auquel ils ont participé (les SS de la fondation du FN par ex.) pour promettre aux musulmans le même sort. L’extrême-droite n’aime que les Juifs morts. Elle n’aime que les morts. Dès lors, l’accusation d’antisémitisme n’a plus pour objet d’être pour les Juifs contre le fascisme. Elle n’est plus qu'une perversion fasciste contre de nouveaux parias, un nouvel « état confédéré » comme disait Charles Maurras.
"Être mort, c’est être en proie aux vivants." Cette phrase de Sartre éclaire lugubrement l'instrumentalisation de l'antisémitisme par les fascistes.
Tel est le fond de la passion philosémite de l’extrême-droite avec le concours de sionistes qui ont toujours méprisé le Juif « faible ».
L’insulte « antisémite ! » est désormais largement au service de la plus vile réaction.
De ce point de vue-là aussi l’accusation faite à Julien Théry de constituer des listes de Juifs est absurde. D'abord, il n'y a pas d'antisémitisme du côté des militants de l'émancipation humaine et ensuite, ce ne sont plus "les Juifs" qui en ce moment obsèdent l’Europe et tout le monde le sait.
Soutien à Julien. Être fidèle aux morts du Yiddishland, c’est être propalestinien.
Billet de blog 5 décembre 2025
La perversion philosémite de l’extrême-droite française
Le philosémitisme affiché par l'extrême-droite n'est que la suite logique de son antisémitisme criminel d'avant 1945.
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