Benoît est cadre dans une entreprise, quelque part en région parisienne.
Un beau jour, sa collègue Sophie le sollicite pour une tâche à réaliser.
Nous avons vu dans le précédent article que Benoît était un adepte du débordisme. Mais il ne peut pas le faire valoir à chaque fois que Sophie lui exprime une demande. Par exemple quand elle lui objecte que la tâche demandée est prioritaire par rapport à l’ensemble des dossiers qu’il traite en ce moment.
Dès lors, il faut absolument trouver une autre raison de ne pas donner suite à la sollicitation.
Heureusement, il a plus d’un tour dans son sac. L’un d’eux consiste à sortir la phrase magique : « C’est pas mon périmètre ! ».
Il s’agit là d’une vieille ficelle, longuement décrite dans la maison qui rend fou des 12 travaux d’Astérix : « Adressez-vous au guichet B24 ! ».
44 ans après la sortie en salles du film d’animation, elle n’a pas pris une ride.
Entendons-nous cependant : bien sûr qu’il est nécessaire de définir les rôles de chacun dans une entreprise. Il n’est évidemment ni souhaitable ni possible que les employés répondent à toutes les demandes, quelles que soient leur nature.
A l’inverse, on comprend aussi qu’une fiche de poste ne peut pas prévoir l’ensemble des actions à réaliser par chacun dans une entreprise.
Dans toute organisation, des situations nouvelles se présentent, dans lesquelles il faut réaliser des tâches qui n’avaient jusque-là été ni identifiées, ni allouées. Dans ces situations, puisqu’on ne peut pas compter sur les fiches de poste pour déterminer l’attribution des tâches, on est bien obligé de s’en remettre à la bonne volonté de chacun, et au sens de l’intérêt général.
Et c’est là que le bât blesse.
Car vous n’entendrez pas de Benoît une phrase telle que « ça n’est pas mon périmètre, mais il faut bien que quelqu’un le fasse, donc je m’y colle ». Ni « ça n’est pas mon périmètre, il me semble que c’est Jérôme qui s’en charge habituellement. Si ce n’est pas le cas, reviens m’en parler, je verrai ce que je peux faire pour toi ! ».
« Ca n’est pas mon périmètre » ne souffre pas de nuance, ni de contre-proposition. C’est un jugement sans appel, un mur érigé devant le demandeur. Et si Sophie s’interroge « mais alors, qui se charge de ce type de tâche ? », elle se verra répondre que le cadre n’en a pas la moindre idée. Comprenez : il s’en fiche pas mal.
Parfois, Benoît l’affirme avec force : il sait qui est responsable : « C’est Maryam qui s’occupe de ce type de demande ! ». Mais n’allez pas imaginer pour autant qu’il a vérifié auprès de Maryam que c’était bien le cas.
Ce que le cadre veut vous dire, c’est que, si lui devait décider à qui attribuer la demande, il choisirait Maryam. Manque de bol pour Sophie, Maryam n’a pas la même opinion.
Et elle-même pratique avec brio le débordisme et le périmétrisme.