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Billet de blog 10 octobre 2025

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Journalisme et psychopathie : sur les prétendues scènes de liesse à Gaza

À Gaza, la mort continue, mais en Occident, la presse fait ses gros titre sur les « scènes de liesse ». Ce retournement de la perception dans un massacre encore fumant signe la perte de toute mesure morale et intellectuelle d’une presse qui ne décrit plus mais corrige le réel pour le rendre supportable. C'est une énième injure faite à la Palestine et aux Palestiniens.

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Il faut être un parfait psychopathe pour écrire, au lendemain d’un anéantissement, qu’il y aurait à Gaza des « scènes de liesse ». Il faut avoir abdiqué toute raison et toute conscience morale de l'histoire en cours – pas même achevée –, pour accoler à la ruine et à la cendre un mot qui suppose la joie, alors qu’il ne reste ni murs, ni abris, ni même vie, et que ce qui s’y exprime n’est qu’un ralentissement hypothétique et provisoire de l'acte de destruction. Une telle écriture manifeste une structure pathologique de la perception occidentale, un regard devenu incapable de mesurer la souffrance autrement qu’à travers les catégories de sa propre satisfaction. Le journaliste occidental mainstream ne décrit pas la réalité, il la convertit en image acceptable pour sa conscience, en récit dont la fonction est d’entretenir l’illusion d’un monde gouverné par la raison et l’humanité dont il serait le héraut.

L’usage du mot « soulagement », qu’on retrouve jusque dans les titres de journaux critiques, révèle le degré de déchéance intellectuelle auquel a conduit la domination des appareils médiatiques inféodés au langage des puissances responsables du crime : Israël et les États-Unis, avec l’appui silencieux ou complice de l’Europe presque entière, notamment l'Allemagne. Ce soulagement imaginaire n’est pas celui des Palestiniens, mais celui d'une conscience occidentale soulagée que le cycle de la honte puisse se refermer par un simulacre de paix.

L’horreur n’est donc pas seulement dans l’acte de destruction, elle est dans le langage qui s’emploie à le neutraliser. Le titre « scènes de liesse » appartient à une rhétorique anesthésiante où le crime se reformule en événement politique positif. Écrire ainsi, c’est accomplir un geste de réécriture de l’histoire au moment où elle a lieu, substituer à la réalité nue de la destruction un écran de mots pour protéger le spectateur occidental de ce qu’il devrait affronter : sa complicité et sa jouissance du spectacle.

Ainsi, ces « scènes » ne sont pas celles de Gaza, mais celles de l’Occident regardant Gaza. Le journaliste occidental est l’opérateur d’un refoulement collectif qui fait disparaître le réel sous une narration à contre-sens. C’est dans la substitution du récit au fait que se loge la psychopathie véritable, celle qui ose appeler paix la ratification d'un massacre défiant toutes les lois humaines.

Notes :
. « Israël bombarde le sud de Gaza des heures après le cessez-le-feu », live de ce vendredi 10 septembre 2025, https://elpais.com/internacional/2025-10-10/ultima-hora-del-conflicto-en-oriente-proximo-en-directo.html 
. 25 personnes ont été tuées ce jeudi 09 octobre 2025, dans des bombardements dans le centre et le sud de Gaza, au moment même où la presse mainstream internationale parlait de « liesse ». Cf. par exemple le live du Monde : https://www.lemonde.fr/international/live/2025/10/10/en-direct-gaza-l-accord-entre-israel-et-le-hamas-n-entrera-en-vigueur-qu-apres-l-approbation-du-gouvernement-au-complet-attendue-dans-la-soiree_6644360_3210.html
. Au 10 octobre 2025 "17 personnes ont été tuées lors de ces dernières 24 heures" https://www.lemonde.fr/international/live/2025/10/10/en-direct-gaza-le-cessez-le-feu-est-entre-en-vigueur-selon-l-armee-israelienne-des-milliers-de-palestiniens-marchent-vers-le-nord_6644360_3210.html 

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