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Cela fait des années que je témoigne sur l'autisme.
À travers des billets de blogs, des articles pour des revues spécialisées, des livres et des films, je n'ai cessé de défendre le droits aux personnes porteuses de troubles du comportement à être accueillies dans la cité avec respect et bienveillance.
Aujourd'hui, je vous annonce la sortie d'un livre co-écrit avec mon fils lui-même : À la croisée des chemins.
Cet ouvrage est un journal à deux voix, témoignant des écarts douloureux entre ce que le système recommande et ce que vit réellement un jeune aux prises avec des troubles autistiques.
Théo parle avec sincérité et maturité de sa souffrance, de son sentiment d’inutilité et d’injustice. Il évoque la stigmatisation, l’infantilisation et la récupération politique de l’autisme. Il se confie sur son combat pour supporter les symptômes handicapants qui accompagnent son syndrome.
De mon côté, j’alerte sur la difficulté de résister aux injonctions médicales et sociétales. Dès lors que j’ai refusé de rentrer dans le moule, je me suis retrouvée complètement abandonnée, voire soupçonnée, et donc surveillée.
Laurent Demoulin, auteur de « Robinson » (Ed. Galimard) a eu l’extrême gentillesse de le préfacer. Vous pouvez lire cette préface en suivant ce lien : A la croisée des chemins : préface
Je vous livre ici un extrait écrit par Théo au chapitre 12 : Il n'est pas trop tard
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Je peux le dire maintenant, toute ma vie, j’ai tenté de rejeter mon autisme. Je regardais les gens autour de moi pour les imiter afin de leur ressembler, un peu comme lorsque j’ai fabriqué mes phrases avec les youtubeurs. Parler comme eux, c’était l’assurance de parler comme tout le monde. On ne me jugerait pas. Et si jamais on ne parvenait pas à me comprendre, ce ne serait pas ma faute puisque je n’étais pas l’auteur de ces phrases ! Mais d’une certaine manière, je n’étais plus personne, car j’étais tous ceux que je copiais.
Je me suis construit une normalité qui ne venait pas de moi, mais de ce qui me semblait convenable chez les autres.
Je n’en avais pas conscience à l’époque bien sûr. J’ai compris cela il y a peu, parce que j’ai beaucoup réfléchi à qui j’étais et pourquoi j’étais comme ça. Je me rends bien compte que ça paraît paradoxal. J’ai agi de manière autistique pour camoufler mon autisme.
Je lis et entends souvent qu'il faut s'accepter tel qu'on est. Je ne sais pas ce que souhaitent les autres, ni comment ils s’en sortent. Pour ma part, je ressens toujours mes symptômes comme une maladie qu’on devrait soigner. Ça rend la vie si compliquée !
Je ne suis pas fier d’être autiste ni d’être parvenu à vaincre une partie de mes troubles autistiques. Non, moi, ce que je voudrais, c’est qu’on découvre un remède pour que ça s’arrête.
Si on m’offrait un souhait à réaliser aujourd’hui, un seul, ce serait de ne plus être différent à ce point. Peut-être que si j’avais été atteint d’un cas plus sévère, j’aurais pu être heureux. Comme mon ami Vincent qui n’avait aucune idée de son handicap et qui souriait tout le temps.
Dès mon entrée à Améthyste, j’ai compris cela. Plus j’allais fournir des efforts, et plus on m’en demanderait. Plus j’essayerais de correspondre à ce qu’on espérait de moi et moins j’aurais la possibilité de savoir qui j’étais vraiment.
Mais rien n’a jamais marché en fait ! C’est un cauchemar permanent, car tu n’es jamais ce que les autres attendent de toi. Il n’y a pas de dernier degré, d’ennemi à affronter, comme dans les jeux vidéo. Après chaque niveau, il y en a un autre, puis un autre… et finalement, tu ne peux pas vaincre. Quoi que tu fasses, il y aura toujours quelque chose qu’on voudra de toi, que tu devras prouver, comme si tout ce que tu avais déjà accompli n’avait pas d’importance.
Ce constat encombre ma vie".
Notre livre est en attente d'édition chez les éditions "Il est midi".