Ce qu’il faut, c’est penser autrement depuis le tout début !
Tant qu’on refusera de réellement considérer l’instruction pour tous non pas comme une faveur aliénée à un système (boiteux), mais comme un droit humaniste, rien ne pourra réellement évoluer.
Parce que rien ne m’a jamais été présenté de pérenne et respectueux, j’ai toujours rejeté les promesses et les pièges d’une soi-disant inclusion qui n’avait que faire de qui était mon fils.
Tout ce qu’on lui proposait en vérité, c’était une petite place inconfortable dans un dispositif rigide qui lui demanderait, à lui, de se plier afin de s’adapter à la forme de cette place. Et encore ! Quelques heures par semaine, à reconsidérer chaque année. Il aurait fallu que je les remercie ?
Aujourd’hui, Théo a 19 ans. Il est aussi instruit qu’un jeune de son âge qui a suivi le cursus officiel, pourtant, il n’a pas de diplômes, pas de dossiers scolaires. Son profil est atypique nous dit-on, et ce qui est une fierté pour lui, et pour moi, devient un terme négatif dans leur bouche. Le pire, c’est qu’il est lucide. Il a conscience de déranger, de sortir du cadre…
Ce qui a changé en revanche, et je ne sais pas si c’est bien ou non, c’est qu’avant, il ne s'estimait pas. Il s’en voulait de ne pas être « comme les autres ». Il se trouvait « nul » et ne comprenait même pas que je puisse l’aimer.
Aujourd’hui c’est l’inverse. Il ne souhaite pas intégrer la norme, il refuse de « plier » ou de « s’égarer », parce que son regard sur le monde, sur l’humanité, sur le système actuel le déçoit au plus haut point. Il ne trouve aucun sens à l’avenir qu’il est censé rejoindre. En fait, il n’a pas confiance.
De mon côté, j’ai 59 ans… je suis épuisée, seule et amère.
Inclusion, exclusion… ce sont des mots barbares.
Je suppose que d’avoir passé 19 années aux côtés de mon fils sans jamais le quitter m’a transformée à tout jamais. Comme Théo, je n'ai plus d’illusions et, hélas, il me reste très peu de rêves. Mon âme et mon corps sont à court de carburant.
Étant donné que je me suis arrêté de travailler pour m’occuper de Théo depuis sa toute petite enfance, je n’ai pas de salaires et autant le dire clairement, aucune retraite à envisager ! Je suis une « assistée » comme on se plait à me le répéter, au cas où j’aurais l’outrecuidance de l’oublier… et je devrais rendre des comptes pour cela, et accepter sans râler les leçons de morale, les jugements à peine voilés et les menaces sous-jacentes si je devais élever la voix un peu trop fort.
C’est le prix que nous payons… de n’avoir pas accepté l’inacceptable.