Rassemblement
pour une Approche des Autismes Humaniste et Plurielle
Association régie par la loi de 1901
leRAAHP@gmail.com
La main à l’oreille
lamainaloreille@gmail.com
Adresse à Madame Ségolène NEUVILLE
Secrétaire d'État aux personnes Handicapées
Comité National Autisme du 21 avril 2016
Madame la secrétaire d'État,
Nous sommes un Rassemblement de plus en plus large d’associations de familles de personnes autistes qui soutiennent une Approche Humaniste et Plurielle des Autismes. Autant dire que nous nous démarquons de tout discours belliciste ou univoque :
- D’une part, l'autisme est un syndrome qui recouvre un grand nombre d'affections différentes par leur étiologie autant que par leur expression clinique. Notre souci est donc de maintenir la porte ouverte à la recherche, à l'enseignement et à la thérapeutique dans tous les champs de connaissances.
- D’autre part, notre expérience de parents nous a appris la modestie. Aucune méthode n'est valable pour tous les cas d'autisme, et les progrès obtenus un moment n’empêchent pas des retours ou des ruptures, qui obligent à se remettre en cause, à chercher, à écouter. Nous soutenons la priorité mise par le gouvernement dans le Plan Autisme au travers de cinq ambitions :
· diagnostiquer et intervenir précocement,
· accompagner tout au long de la vie,
· soutenir les familles,
· poursuivre les efforts de recherche,
· former l’ensemble des acteurs.
A ce titre, je rappelle que nous avons demandé à intégrer le comité de suivi du plan autisme, sans recevoir aucune réponse de votre part. Ce défaut de démocratie est grave, car un seul point de vue est aujourd’hui représenté, ce qui conduit à escamoter un certain nombre de
réalités et à donner une représentation biaisée et univoque des situations, voire à prêter le flanc à certains intérêts commerciaux.
… Univoque Ainsi, c’est un contresens de faire croire qu’une seule méthode, coûteuse et intensive, pour laquelle tout le monde doit obligatoirement être formé, appliquée à tous indistinctement, va permettre de réintégrer tous les enfants dans la voie normale et de faire ultérieurement des économies de suivi longitudinal. De nombreux enfants pour lesquels elle n’est pas adaptée se retrouveront mis à l’écart sans solution et renvoyés dans leurs familles. Les pays qui pratiquent ces méthodes depuis trente ans en sont déçus. Allons-nous prendre trente
ans de retard en nous engageant dans une voie qui a conduit le Québec dans une situation pire que la nôtre? Dans une voie que le NICE en Angleterre ne recommande plus?
… Biaisée Ainsi, une lecture tronquée des recommandations de bonnes pratiques de 2012 a permis d’escamoter une recommandation centrale, à savoir la sécurisation des parcours, qui exige d’avoir à disposition une variété de dispositifs et une pluralité d’orientations. Pourtant, l’évaluation des 28 centres expérimentaux – tous ABA - financés par le gouvernement, réalisée par un cabinet privé, n’a pu taire, malgré sa bienveillance affichée, la faiblesse des résultats obtenus, qui ne sont pas meilleurs que dans les établissements classiques malgré le coût exorbitant par enfant. Surtout, elle n’a pas dit où allaient les enfants à la sortie, dont semble-il, seulement 3% ont réussi à intégrer une scolarité normale.
… Prêtant le flanc à des intérêts commerciaux. Aucun argument scientifique n'autorise à refondre les enseignements pour tous les intervenants auprès des personnes autistes en France : c'est détourner l'argent qui pourrait permettre la création de structures, au profit d'organismes de formation qui n'apportent rien de meilleur que ce qui existe.
Nous partageons que la colère légitime des parents devant les difficultés rencontrées et le manque de places, mais nous regrettons qu’elle se soit déplacée vers une querelle sur les méthodes de prise en charge des personnes autistes et une disqualification systématique des institutions qui les accueillent.
Aujourd’hui, aucune méthode ne peut se déclarer « consensuelle». Alors, la conclusion logique à en tirer devrait être de permettre aux familles d’exercer une liberté de choix qui serait conforme à leurs convictions. Ainsi, dans un autre domaine du handicap - la surdité - laisse-t-on aux familles la possibilité d’opter entre la langue des signes et la langue vocale, ou une combinaison des deux.
Nous sommes des milliers de parents non représentés, mais concernés par les menaces sans arrêt brandies. Nous exigeons d’être entendus :
- Pour empêcher la destruction du service public au profit d'une entreprise commerciale,
- Pour une inclusion scolaire qui aura besoin des appuis complémentaires du médicosocial et du sanitaire,
- Pour que les sommes allouées à l'autisme servent à la création de structures permettant la prise en charge des personnes autistes, et ne soient pas captées par des organismes de formation, d'évaluation, de restructuration de l'existant etc.
- Pour que la création de nouveaux établissements -portée par des organismes publics ou privés - ne soit pas contrainte par les normes ABA comme c'est devenu le cas en raison de la référence biaisée aux recommandations de la HAS de 2012 ainsi qu’en raison de la composition des commissions d'attribution des projets,
- Pour que les programmes d'enseignement et de recherche demeurent sous la responsabilité de professionnels compétents et sans conflit d'intérêt avec un quelconque lobby.
- Pour que tous les courants de pensée aient droit de cité dans les instances où s’élabore la politique de l’autisme et que les pouvoirs publics répondent enfin favorablement à notre demande de participation au Comité de Suivi du 3ème Plan Autisme, au Comité National Autisme, au CNCPH (Conseil National Consultatif des Personnes handicapées) et au Conseil Scientifique de l'ANESM.
Mireille Battut – Présidente de La main à l’oreille, Vice-présidente du RAAHP
Christine Gintz – Secrétaire générale du RAAHP
Le 21 avril 2016