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Je ne suis qu'un rêveur...

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Billet de blog 2 juin 2025

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UN CRI DANS LA NUIT

« Dans la famille coup de poing, Ferré c’est le père, Ribeiro la fille, Lavilliers le fils. Et moi la mère !“ Colette Magny

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Illustration 1
Les bouches © Ernest Pignon Ernest

Bien peu d’artistes laissent dans leur sillage telle empreinte indélébile face à l’ampleur pharaonique du paysage musical. Empreinte en creux que de nombreux interprètes d’aujourd’hui n’hésitent pas à emboîter le pas, tout en revisitant le foisonnant répertoire d’une œuvre devenue capitale. La rareté restant l’apanage de seuls initiés.

Presque 30 ans après sa sépulcrale éclipse elle aurait pu tomber dans l’oubli total, prétexte de disette médiatique à son encontre. Chanteuse révoltée, rebelle contre vents et marées, Colette Magny reste et restera à jamais cette incontestable figure de proue qui, tambour battant, déferla sur la scène contestataire des années 60, portant à bras le corps l’étendard de l’insurrection. Voix des minorités silencieuses, tellement silencieuse qu’elle demeurera à jamais l’icône d’un public des plus averti.

Sa carrière démarre tardivement à l’âge de 36 ans. Après le fulgurant succès de Melocoton, déclamant haut et fort son indépendance elle s’affranchit sans peine des sirènes médiatiques censées la courtiser pour en faire leur nouvelle idole de pacotille. Son seul credo, écrire des textes politiques pour offrir l'intonation la plus juste aux sans voix, aux affligés, aux exclus. Contre toute adversité rien ni personne  ne la détournera jamais de son impassible sillage. Dans la fleur de l'air, perpétuellement à la marge.

« J'en sais rien; viens, donne-moi la main. »

De toutes les révoltes, chacun de ses combats donne lieu à une chanson érigée haut le cœur comme un manifeste de sa colère ou de son indéfectible soutien aux diverses clauses qui aiguillonnent sa flamme. De la révolution cubaine à celle des barricades de mai 68, des champs de napalm du Vietnam aux mobilisations des Black Panthers , des luttes ouvrières  jusqu’au féminisme, au travers de son chant incantatoire cette frénésie débridée, cette folle exaltation, cette rage créatrice qui coûtent que coûte ne cesseront de galvaniser sa flamme jusqu’à bout de son engagement sans faille. Esprit récalcitrant, ce qui l’enfermera dans une posture des plus marginale. 

Bouillonnante de ferveur elle prête tout d’abord sa voix aux plus grands poètes français et met en chanson « Les tuileries » de Victor Hugo, «  Chanson de la plus haute tour » d’Arthur Rimbaud, «  Richard II Quarante » d’Aragon, «  La rose de Rilke » de Rainer Maria Rilke, ou  encore  « J’ai suivi beaucoup de chemins » d’ Antonio Machado. Chanter la poésie, défricher des territoires vierges, la rendre plus accessible à tous restera un de ses cheval de bataille. Au cours de sa carrière, Colette Magny partagera sa passion aux côtés de nombreux autres artistes : Catherine Ribeiro, Ernest Pignon-Ernest, Léo Ferré, Bernard Lavilliers, Maxime le forestier. 

Rebelle dans l’âme son œuvre reste d’une puissance inestimable, autant par sa voix que par ses textes. À l’écoute de cette résonance des plus éloquente, l’émotion est toujours là, intacte comme aux premiers accords posés sur sa six cordes.  Grave, profond, déchirant, voir solennel, entre blues et négro spirituel le timbre rauque de son registre vocal s’ impose perle d’ébène, tel un éclat surgi de sombres profondeurs. Entre mugissements de colère et huées de clameur sa voix devient cri, viscéral, abyssal, animal. Frissons de tonnerre.

En marge du monde médiatique elle se replie au cœur d’un petit village de province où elle finira ces jours avant de s’éteindre sans bruit dans l’anonymat le plus complet. Si le silence est parfois la voix des oubliés, la sienne ne cesse de nous apostropher. La meilleure façon de rendre hommage à cette grande dame de la chanson n’est elle pas de prêter une oreille des plus attentive à l’intégralité de sa discographie. Pépites de platine.

 " Colette Magny, c’était une grande. Elle aurait pu avoir une renommée plus importante, elle avait une grande aura, mais elle avait de grandes exigences, dans ses textes comme dans les musiques. Ce n’était pas de la chansonnette. Elle a choisi une voie originale, à elle, un peu en dehors de la chanson française." Jean Ferrat.

Si d'aventure l'envie vous tente de pousser plus loin l'expérience, voici une façon des plus originale et originelle qui soit pour aborder les fronces de son intimité. Un ouvrage à la reconquête de son œuvre singulière.

Colette Magny - Remettre le western à l'endroit

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