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Je ne suis qu'un rêveur...

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Billet de blog 4 mars 2024

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L’IN-QUIÉTUDE DES LIEUX

« Notre prochain ce n’est pas notre voisin, c’est le voisin du voisin » Friedrich Nietzsche

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© Vent d'Autan

Si j’avais délibérément choisi de m’installer en ce petit coin bucolique au cœur de la campagne environnante, c’était surtout pour m’éviter à tout prix  d’avoir affaire à quelconque voisin désobligeant ou malotru bien peu enclin à respecter les règles élémentaires du savoir vivre ensemble. « Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées ! »

Toute expérience de vie entraine nécessairement des comportements appropriés ou inadaptés à la teneur des enjeux futurs, sorte de méfiance maladive. C'est sans appel. Chat échaudé craint l’eau froide !

« Si j'étais tout-puissant demain,

Je n'irais pas par quat' chemins,

Et ferais passer par le fer

Tous les voisins de l'univers. 

Les voisins sont tous des sal's types.

Les voisins sont tous des sal's gens. » Georges Brassens

Illustration 2
© Vent d'Autan

Je me souviens si bien de cette enfance au sein de ce petit quartier ouvrier entouré de maisons accolées les unes aux autres en infinie procession chenillère. Les uns et les autres agglutinés à la suite des uns aux autres. Bien étrange ruché de confusions des genres. Promiscuité garantie.

Au tout début chacun était plus ou moins vigilant, les uns proposaient une aide précieuse aux autres qui en avaient grand besoin. Ainsi dans cet esprit d’échange communautaire se bâtirent murs et clôtures du chacun chez soi. Chaque fin de semaine était ponctuée des bruits lancinants des bétonnières et des cris de labeur de ces forçats du dimanche. Chiens et chats déambulaient en paix, faisant fi des cris de liesse des nombreux enfants grisés de liberté.

Tel un implacable rituel, à midi sonnante, en place centrale les femmes dressaient de grandes tablées et chacun dans un élan de franche camaraderie apportait sa propre part de générosité à ces repas improvisés. Au menu victuailles et ripaille, salades composées, charcutaille, cochonnaille, vin de soif à volonté et chansons à boire, de quoi tourner vinaigre. À la bonne franquette! C’est en ces instants de partage que se forgèrent les premières amitiés. Bien malin celui qui pu prédire les premières entorses à ces instants de douceur de vivre. Fragile et précaire quiétude des lieux. N’était ce donc là qu’un leurre ?

Illustration 3
© Vent d'Autan

Peu à peu les nuages s'amoncelèrent par dessus ce petit archipel au grand dessein. Les fumées opaques de barbecue, les odeurs tenaces de sardines grillées, les bruits de tondeuses au heures de grâce, les chiens qui hurlent à la mort, les déjections canines sur les devants de porte, les traces de pattes de chat sur le capot des autos, les cris aigus et persistants des chenapans en goguette, les pétarades de mobylettes, les vociférations de pères fouettards, les haies rectilignes débordant largement du cadre à chaque renouveau printanier, les ceux qui se garent sur les place des autres, les jalousies plus maladives les unes que les autres, les regards de travers, les mauvaises fois, les langues de vipère, les rancœurs plus tenaces que les ressentiments, les vieux discours de haine, les relents exacerbés de nationalisme,  les mots que l'on aurait jamais du prononcer, les trop plein de mitoyenneté, les relations aux tempérament orageux, les trompeuses coucheries, les contrariétés désabusées, les incompatibilités d'humeur, les fâcheries sans fin, les regards déviants à l'arrière des persiennes. Sommité d'entorses à de vertueux songes.

Illustration 4
© Vent d'Autan

Entre fissures et fêlures le vernis craquelait de toute part mettant à nu faux semblants et postures d'orgueil mal placé. Chacun chez soi, chacun pour soi, retranché en ses pénates, derniers remparts de solitude recluse. Au fil des âges les enfants ont quitté leur nid familial pour d'autres horizons plus lointains.

Sous les affres du temps les cheveux se sont blanchis guettant l’amorce de la moindre peccadille. La vie qui tournait en rond et rond, petit patapon, renâclant lâcheté et vilénie tandis que le quartier sombrait dans l'amertume d'une tristesse sans borne. Quand voisinage rime avec calfeutrage, mutisme dédaigneux.

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