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Je ne suis qu'un rêveur...

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Billet de blog 4 juillet 2023

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LE JOUR COMMENCE AVEC QUELQUES GRAINS DE CAFÉ

« Le café, la première tasse de café, est le miroir de la main, de cette main qui tourne le breuvage. Ce café est déchiffrement du livre ouvert de l'âme, devin des secrets que le jour renferme. » Mahmoud Darwich

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Illustration 1
© Vent d'Autan

Au sortir d’une nuit électrique de grand chambardement, ponctuée de sourds roulements de tonnerre, le jour à peine éclos des vanités de l’aube, déployait au lointain ses étoles de grisaille. Au passage des lustres fuyants dans l’étroite pénombre adossée à flanc d’horizon, de mauvaise grâce le vent fulminait son flot d’imprécations. Toujours autre part à semer le trouble au cœur de cette époque déboussolée, avec cette insolence d’un fleuve indomptable.

Sur la page inachevée, à la pointe d’une longue année d’errance au chevet de l’éternité, au tout premier croissant de lune le solstice des beaux jours étreignit à nouveau les soupirants en grand besoin de réconfort. Tout là haut, aux prémisses du petit matin, le fond de l’air humait à tâtons la fièvre des rayons zébrés de torrides rayures. D’une majesté implacable à lécher les plaies des cieux  métamorphosés en brides de boutonnière.

Au seuil du monde, entre chien et loup, le bruissement des feuillages, le piaillement des oisillons, tous ces bruits éthérés, calfeutrés dans l’antre du sommeil des justes et qui semblaient soupeser la délicatesse de la vie.

Illustration 2

Encore tout étourdi de ces péripéties nocturnes, il hésita un instant avant de mettre en ordre son lot d’effrois ébouriffés. Rien de tel qu’une bonne tasse de café avant de démarrer la journée. Absorbé par les graciles arabesques de caféine fouettant l’âme des poètes, le regard ébloui son esprit prit le large en s’enivrant de fringantes pensées semblant poursuivre ses rêves. D’un souvenir à l’autre, perdus dans un flou étrange, ces instants glanés au fil de péripéties cherchant une brèche par laquelle s’insinuer.

Quelque peu circonspect, il scrutait la mousse d’écume venue se déposer le plus délicatement possible sur les rebords de la tasse de porcelaine blanche. Le visage de ce vieux pêcheur aux traits burinés par les morsures du soleil, rencontré quelques années plus tôt lui apparu comme une soudaine évidence longtemps renvoyée aux calendes grecques.

Illustration 3

Au cours d’un périple aventureux parmi les paysages perdus de l’odyssée, le hasard l’avait mené jusqu’au cœur de la péninsule de l’île de Pélops, carrefour des civilisations antiques. Avant de succomber aux torrides étourdissements des chaleurs estivales, il fit étape en ce petit village dont le nom lui avait échappé, oasis perdue à l’ombre de nulle part au milieu des orangers et des oliviers du maquis. Faisant à la fois office d’auberge et de bistrot local, une petit gargote flétrie par l’ordinaire des saisons se tenait à l’écart, en marge de l’insatisfaction des estivants en mal de sensations.

Abrité sous la fraîcheur du vaste feuillage d’un figuier bien plus que centenaire, il s’imprégnait de la quiétude de cet instant tandis que le temps filait sur la pointe des pieds de Pélops, héros grec instaurateur des jeux olympiques.Tout en savourant ce café gracieusement  proposé par la maîtresse des lieux, sans rien demander le viel homme vint s’asseoir à ses côtés. Un personnage à part avec qui le verbe échanger prenait soudain tout son sens malgré l’inexpugnable barrière des langages. Babel et sa tour des miracles…

Illustration 4

Comment savoir qu’au travers des marcs de café au fond de cette tasse encore fumante l’on puisse interpréter les symboles porteurs de bonnes ou mauvais nouvelles ? Et comment s’imaginer d'avantage que dans les méandres de la divination puisse se deviner l’avenir paré des couleurs de l’arc en ciel qu’est la vie ? De surprises en destinée, face au regard de l’autre mué en conteur d’histoire. Comme tirer les cartes au retentissement des oracles de la Sybille, prologue à un nouveau chapitre à géométrie variable. Fulgurance d’un rencontre impromptue.

Illustration 5

Machinalement il tourna le bouton du poste de radio légué par son grand-père, après quelques timides crachotements la voix de son maître consentit à servir la soupe immonde de ces chroniqueurs en mal de polémiques.  …. Violences urbaines... Chronique d'un drame annoncé...Les effluves du chaos....Émeutes, embrasements des cités... La colère en écho...Naufrages à perpétuité...Nahel et les quartiers...

Frôlant le rempart de ces folles rumeurs, agacé il leur coupa le sifflet. Illico presto le silence et ses alentours recroquevillés au bord du vide, seule arme plausible pour dédiaboliser toute cette fiévreuse agitation. Volutes de café évaporées cheminant vers les mystères semblables à ses espérances.  D’où qu’elles viennent, mauvaises sont les nouvelles. Juste déjeuner en paix….

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