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Je ne suis qu'un rêveur...

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Billet de blog 4 novembre 2024

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A BISTO DÈ NÀS

Un accent chantant, un rire communicatif, un parlé local, les bruits de nos villages .

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

D’épais sourcils en bataille surlignent son large front besogneux scindé de mèches rebelles. Négligemment coiffée sa tignasse désordonnée ressemble plutôt à un amas de broussailles de la garrigue rudoyée par les vents. Aucun coup de peigne ou autre ustensile à ratisser ses cheveux emmêlés,  désuets objets relégués aux oubliettes depuis belle lurette.

Aux esprits détracteurs semblant bon lui faire la morale à propos de son aspect un tant soit peu hirsute, d’un trait lapidaire il soutient mordicus la mise sous écrou de son vaurien de coiffeur. À ces propos rédhibitoires les plus intrépides déguerpissent sans demander leur reste face à l’aspect bourru de ce personnage mal embouché ne prêtant guère à la convivialité. Boudu con !

De larges favoris poivre et sel, bien plus sel à y regarder de près, encadrent les traits proéminents de ses pommettes saillantes d’où suintent de profonds sillons creusés par l’aven des temps. Rares ceux ayant cru percevoir le coloris de son regard dérobé à l’arrière de paupières mi closes, prétexte d’une sensibilité exacerbée aux rayons de soleil. Bleus affirmaient certains, verts soutenaient plusieurs, dorés supposaient bien d’autres. En vérité il détient cette exception tonalité de deux couleurs dissemblables, rareté des yeux pers. Espanté !

Au lobe de son oreille cet anneau d’or, attribut de marin ou sans doute de flibustier, caprice de jeunesse en goguette. Une fois les voiles en berne difficile de se résoudre à rompre le lien avec les sirènes capable de bien de miracles. Campé au beau milieu de sa trombine de vieux loup des mers, un brin retroussé son nez pointe à même le ciel, ultime vestige de cette candeur enfantine. À la commissure de ses lèvres charnues rouge vermeil ce vague sourire dont le rictus n'éclipse point le pli taciturne de sa bouche. Sur son visage émacié l’ineffable empreinte de l’hostilité des âges, flétrissures, plissements et autres pattes d’oie, chapelet de rides à l’unisson. Boulègue !

Bien plus connu sous le surnom de Billeau ( bille de bois)  pour l’état civil il se prénomme Félicien, lui se contente de Gabriel. Pour les voisins la préférence va pour Henri, quant aux plus intimes Camille reste de rigueur. Affublé de ce groupe de prénoms accolés en file indienne par ses géniteurs, autant en profiter et s’en amuser pour mieux brouiller les pistes. Revêche, un brin grincheux, avec grande ferveur il entretient cette image d’Épinal de vieux ronchon bien trop rustre, bien trop frotté de la terre originelle de ses ancêtres. Milodioùs !

Certains jours de marché il se plaît à rudoyer de la sorte ces accents pointus venus faire chichis et simagrées à propos des cloches tintinnabulantes aux mâtines, des coqs bien trop matinaux, du braiment d’ânes trop têtus, du cul des poules qui salissent les coquilles d’œufs, des effluves de tas de fumiers en plein champ, et l’on ne sait trop quoi encore. La bouche pleine de fiel à peine s’ils articulent les mots mangeant la fin de chaque syllabe. Comment ne pas se singer de ces empêcheurs de tourner en rond,  gloutons de pain au chocolat ! Macarel !

Peaufinant son costume de bouseux dans les moindres détails, il glisse une poignée de gousses d’ail à croquer avant d’en découdre avec l’urbain à la poursuite de ses chimères. Le vieux béret fripé froncé sur le rebord de l’oreille, la redingote de toile bleue élimée jusqu’à la corde, un paquet de gris au fond des poches, les esclops d’ormeau à ses pieds, le gauche empli de paille, le droit de foin, comme au temps jadis de l’armée des conscrits des campagnes ne distinguant point la gauche de la droite. Enfourchant « l’hirondelle », bicycle de son arrière grand-père garde champêtre le voilà qui file par les chemins tel un Don Quichotte à l’assaut des moulins à vent qui défigurent les collines environnantes. Plus libre que l’air, plus preste que l’Autan. Adiu !

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