MATIÈRE PRIMAIRE

Nichée dans un des nombreux recoins du pays de cocagne, la petite bastide de briques rouges, perchée au-dessus des cieux, organise chaque année son marché local des potiers. Évènement haut et riche en couleurs, où curieux, badauds et autres fouineurs en tous genres peuvent rencontrer et découvrir l’univers artistique et chimérique de ces artistes aux mains d’argile, héritiers d’une longue tradition séculaire.

Au XVIII° siècle, céramistes et maîtres potiers œuvraient en ce lieu de découvertes d’œuvres uniques et de savoir faire divers et variés. Fleuron de la céramique contemporaine, ce site d'exception met en lumière le travail et le talent de ces passionnés, amoureux de cette glaise compacte, matière vivante du bien et du précieux.

Étape inconditionnelle au cœur de ce territoire qui a su gardé intact cet art de vivre ancestral pour l'ériger en philosophie de vie. Fabuleux héritage du temps des trobar, poètes musiciens dont l'art s'exprimait à travers la langue d'oc, riche témoignage du passé d'un âge d'or. La lenga de nòstre païs.

Irrésistiblement de quoi créer et tisser du lien au fil de la toile de cette chaleur humaine, et pourquoi pas, entre évasion et légèreté, quelques onces de frissons d’émotions, en retrait de toutes ces fioritures qui entrelacent, paralysent et torturent nos rêves de liberté.

Et si, pour une fois, l'on se déconnectait du futile pour éveiller nos sens étourdis par cette poésie qui sommeille en chacun d'entre nous? Expérience quasi mystique. Au contact de nos racines, les choses se dénouent. Subtile alchimie qui nous laisse imaginer de mirifiques passerelles avec les chemins inexplorés.

Pas besoin de grand chose. Juste l'essentiel, un faux semblant d'espace et de temps, une parenthèse pour se consacrer à la douce flânerie du promeneur solitaire en proie à ses errances vagabondes. En aparté, à l'écart de ce qui encombre et fracture nos esprits embroussaillés. Le temps d’oublier le reste du monde. Simple comme un bon jour me direz vous. Un jour de traîne.

Traîner, musarder, bader, rêver, au hasard et sans hâte, à la poursuite de ces trésors immergés dans les profondeurs de l'enfance. Variations bucoliques pour une ambiance magnétique, déroutante immersion au cœur des artisans de cette terre sacrée, terreau et berceau de la poésie de nos âmes.

Poésie enchantée, muse enchanteresse, tantôt énigmatique, naïve à souhait. Tout ce qui, un brin invisible, en nous bouleverse, séduit et sublime notre vision du monde. Cette fugue, dont les aspects sont à l'opposé de ce qui semblerait n'être qu'une fuite en avant.

Ici le silence porté par le vent s'écoute religieusement et s'entend jusqu'au lointain, à se perdre dans les reflets du panorama qui entoure cette portion d'espace préservée.

Sous nos âmes emmitouflées, nous avons tant besoin d'autre chose. Autre chose que ce l'on nous propose, autre chose que l’on veut tant nous imposer. Juste un semblant de rien. Du précieux, du beau, du raffiné. A fleur de peau.

 Allez, viens, je t'emmène,dans la douceur du bruissement du vent !

" La ligne de vol du poème. Elle devrait être sensible à chacun. " René CHAR