
Écrire. Pour ne rien dire. Seul mot d'ordre, l'itinérance. Invraisemblable support en attendant le rush des balbutiements. Prêt à se laisser filer entre les mailles, un filet à papillon bleu horizon.
Écrire. Pour que rien ne transpire à foison. Afin de laisser place à ce qui ne mènera sans doute nulle part, aux portes de l'inconnu qui passe dans le chant de vision. Mais qu’importent les silhouettes félines qui balisent le mystère de la littérature, sans rature, sans fioritures.
Écrire. Sans aucune raison d'être, raccord ou désaccord, aux portes de la déraison. Se laisser porter par l'influx de la plume, au gré de ce vagabondage entre les lignes de crêtes.
Écrire. Parler de tout et bavarder de rien du tout, question de meubler ces silences qui n'en sont point, l'imaginaire à portée de main, en détachant les syllabes en sons articulés.
Écrire. Quitte à raconter une histoire qui n'en sera pas une, décousue, déconvenue, amère déception pour critique littéraire en quête de gloriole. Sans trame, sans canevas, sans synopsis. À bâtons rompus. Sans contrainte, sans restriction, sans contradiction, affranchi de toute posture lexicale, libéré du carcan de la syntaxe. Les mots livrés en pâture au vent.
Écrire. Prostré, restreint par l'armature saillante du cadre pour que jamais rien ne déborde ses frémissements. Sérieux, appliqué, respectueux de l'ordre établi par l'académie du verbe. Se défaire des prétentions, en finir avec cette dictature des folklores. Une fois pour toute s'affranchir de ces infimes croyances qui se rêvent maîtres d'école.
Écrire. Voler de ses propres ailes. Ne plus réfléchir à satisfaire, plaire ou déplaire. Saborder toutes ces injonctions. Larguer les amarres, barre à tribord ou bien bâbord, selon la fantaisie à sillonner les territoires au timbre unique. Pirate des mots ancrés dans la tempête. Écrire rien que pour soi au sein de la réflexion sur l’art qui sommeille dans les pénombres.
Écrire. Les jours de mauvais temps, le nez collé à la vitre embuée, à scruter inlassablement tomber les gouttes de pluie pour le plus grand bonheur des jardiniers. A tuer le temps qui passe en langueurs infinies, inspiré de réflexions griffonnés sur des bouts de papier. Le moment de redécouvrir la beauté de la grisaille détrempée au hasard des idées qui fusent dans la déchirure de la toile. Comme si le mauvais temps n’existait pas, n’existait plus.
Écrire. Et se fendre de l'oraison funèbre des lendemains de réussite. Journal intime ou mémoires saignantes de vérité. Comme un rêve d'enfance qui se raconte et se conte au temps jadis. Le bel endormi des déferlantes à l'endroit de l'envers. Empreintes visibles, une trace sur le sol obstrué par les broussailles.
Écrire. Pris d'une bouffée d'orgueil, foudroyé d'arrogance, tandis que tapie au fond des entrailles, la bête sommeille du repos du guerrier. Souvenir d'une légende de preux chevalier terrassant l'animal terrifiant. Résurgence de lointains souvenirs tombés dans les oubliettes d'un château de paille.
Écrire. Sans suite et sans fin, le long des falaises du sentier de bord de mer. Pour tout vous dire, quels que soient les faits relatés, la chronique qui se dessine sous les traits de la plume. Juste se laisser dériver par le clapotis des flots surfant sur les pages encore blanches. Angoisse de l'écrivain en mal d'inspiration.
Écrire. La fièvre au corps. Habité par le spleen des poètes maudits. Propulsé par leurs folies et leurs maladresses au détriment du reste de leurs prétentions. Emporté par la fougue, écorché vif, frénétique, clairvoyant. A la lisière de l'extravagance qui déploie son fil rouge. Chaman de la célébration onirique. Trait d’union entre réel et imaginaire. En résilience sur le versant de l'imaginaire frappé du sceau originel de la poésie.
Écrire. Postures acrobatiques en proie aux chiens et aux vautours. Alchimie des troubles fête que l’on ne saurait percevoir par le trou de serrure des raies de l’antre voir. Brûlot de matières incandescentes bravant le feu sacré, la bouche pleine de mots à se pâmer d’étincelles à flamboyance stylistique.
Écrire. Sans queue, ni tête. Tête à queue. En déroute. Kaléidoscope de fragments éphémères venus frapper à la porte d'intrépides en quête d'adrénaline. Bribes de morceaux épars grappillés au fil de la belle ondine.
Écrire. Lecture d'été, sous le lyrisme du vent. Voleur de mots, écumeur de sens. Rebelle, poète.