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Je ne suis qu'un rêveur...

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Billet de blog 11 janvier 2024

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TURBULENCES SOUS LE CIEL DES HESPÉRIDES

« Ingrat et sot pays, où triomphent les buses, où, loin de les choyer, on insulte les muses… » Hercule Birat

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© Vent d'Autan

Brève escapade du côté de Narbo Martius, la belle Romaine en terre Cathare. Ici les colonnes antiques érigée à l’entrée de la ville ainsi que les vestiges de la Via Domitia rappellent au chaland le prestige de la grande Rome. Tandis que sommeillent les eaux limpides du canal de la Robine, le long de la grande esplanade trônent chalets de Noël et autres fioritures de fêtes de fin d’année. Tambour battant, la fête foraine et ses manèges enchantés battent le rappel en fanfare aux tous premiers jours de l’an neuf.

Associé à la douceur d’une météo bien clémente pour la saison, la quiétude des lieux invite à la flânerie à travers le dédale de petites ruelles pavées, certaines aussi étroites qu'exiguës. D'un rapide  battement d'ailes passe une tourterelle aux yeux cernés de noir, confondue le temps d'un maléfice en colombe de paix échappées des terres d'Orient. La poésie où se mêlent lucidité et dérision. Illusions perdues.

Illustration 2
© Vent d'Autan

Campé à l'entrée de l'édifice épiscopal, un jeune maraud en proie à sa précaire destinée. Quelques rayons de soleil viennent réchauffer un peu de son quotidien de mendiant des temps modernes. Juste un sac à dos à même le sol et un brin de menue monnaie, maigre butin de clochard céleste. Encore une journée d'attente du bon vouloir d'âmes charitables. À peine une petite pièce en échange d'un merci, pas quoi damner le diable, dissimulé  dans le moindre des détails.

Teint basané, barbe de trois jours, de grands yeux de rêveur, un air de saltimbanque, tous les traits caractéristiques en proie au fallacieux délit de faciès. Vie de poisse ou destin contrarié, du pareil au même en ces temps ce chasse aux indigents. Itinéraire d'un écorché en quête de piété entre monts et merveilles d'un monde âpre, brut de décoffrage où les laissés pour compte n'ont guère place au soleil. 

Illustration 3
© Vent d'Autan

À pied d’œuvre le heurt de talonnettes qui martèlent le pavé, signe caractéristique d'embrouilles en perspective. Certains évènements semblent soumis à droit de prescription, comme un mauvais présage grand annonciateur d'orage. Au sortir d’une venelle, les fauves maraudeurs sont lâchés, en quête de fripouille en exil.

Reconnaissable entre mille, la Trinité remonte à grands pas la chaussée. Engoncée dans d'accoutrements bien trop généreux pour leurs carrures de chétifs moineaux, les deux compères plantés aux extrémités semblent comme tombés des nues, plutôt simples figurants en total décalage de leur besogneuse faction.

Quant à l'attitude irrévérencieuse du troisième larron, tout en ayant l’air de singer le rôle de la mouche du coche, l'on devine aisément que le vent mauvais vient de tourner vinaigre. Sale temps en perspective. Aucun succès d’estime à soulager son prochain. À l’arrière de ce décor se tire les ficelles de la pantomime, sans gloire mais sans réel enfer.

Illustration 4
© Vent d'Autan

Eh,  toi....

Penaud, le mendigot calé dans l’encoignure de la porte baisse la tête, puis se rapetisse à vue d'œil. Un trou de souris suffirait à abriter sa peine. Du haut de leur perchoir les gargouilles penchent la tête tout en tendant une oreille attentive. Les voix des saigneurs restent imperméables à la supplique des gueux.

 Ouais, toi. Je te cause. Qu’est ce que tu fous là?

Bien qu'il balbutie quelques lamentations aucun son ne daigne sortir de ses cordes vocales murées dans un silence de plomb. Dans la fange et la solitude. Le grand orgue en reste coi, bredouille d’enthousiasme, ne sachant que faire pour ne point rougir face au caractère immuable de la loi des hommes.  

 La récolte a été bonne?

Confondu en excuses le jeune homme tente de dissimuler son maigre butin. Malgré les propos désobligeants du sherif de pacotille il ose à peine affronter le regard dissimulé derrière les Ray Ban de contrefaçon sans aucun doute dégottées au Pas de la Case. Voulant bien faire le vent ébouriffe les ombres.

 Je t'avertis, ce n’est pas la première fois mais bel et bien la dernière. Dès tu as ramassé quatre pièces, tu circules de là. Pigé ?

Pouces calés entre les manches de son gilet pare balles, le bouledogue aboie sous la voûte d'ogives, faisant valoir son brassard d’office municipale. Un nuage noir file entre les mailles du filet. D'un signe de tête, le malheureux acquiesce les doléances du petit coq à la tête bien plus grosse qu'une coucourde. Donnez au plus niais des larbins quelque once de responsabilité et il devient le plus âpre des partisans, avec un ton d'un cynisme à toute épreuve.

Illustration 5
© Vent d'Autan

En ces lieux jadis terre d'asile, Jaurès espéré un semblant d'humanité, mais à l’aube des années sombres rampe inexorablement cette espèce de somnolence latente qui semble être l’ultime consolation à ressasser le murmure des temps anciens.  Blanc de chaux et noir de goudron. Déni de Fraternité.

Manifeste contre l’avilissement collectif qui prévaut jusque là. Comme un sursaut d’orgueil à repousser sans cesse les espoirs trahis au-delà de dangereux épisodes patriotiques. Liberté de façade derrière laquelle se terrent d’autres leurres d’apparence si séduisante. Vapeurs de brumes.

D’entre les rimes d’où opère le vivant, plus que jamais les mots sont force vive face à ce climat d’incompréhension. Par elle et par son souffle vertueux, la poésie nous console avec grande délicatesse, prête à payer nos libertés à prix fort. Appel auquel nulle âme sensible ne saurait rester sourde. Il fait noir mais ce n'est encore point la nuit...

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