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Je ne suis qu'un rêveur...

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Billet de blog 15 juillet 2024

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QUELQUES PETITS DÉSAGRÉMENTS AU QUOTIDIEN

« Oublier, n’est-ce pas là une forme de liberté ! » Khalil Gibran

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© Vent d'Autan

Toute comme à l’accoutumée, en vain il s’évertuait à mettre la main sur ses énigmatiques clés, comme tant d’autres cherchaient fortune tout au long du chemin. Et quand ce n’était point les clés qui lui faussaient ainsi compagnie, quantité d’autres objets plus ou moins incongrus décidaient eux aussi de s’en aller jouer les filles de l’air, allez savoir on ne sait où !

Mille fois par jour, il invoquait les dieux du ciel, priant en secret Saint Antoine de Padoue, l’homme le plus vénéré au monde, quitte à brûler quelques cierges pour l’aider à récupérer ces fichus ustensiles du quotidien volatilisés par le plus vil des hasards, et qui comme par enchantement ou par simple contrariété, lui filaient continuellement entre les doigts.

Depuis belle lurette, il avait abandonné l’idée saugrenue de se torturer la tête avec ces fugues buissonnières, que tant d’autres à sa place n’auraient point supportées, voir acceptées. Bon gré, mal gré, au fil du temps, avec cette infinie patience et quelques soupçons de philosophie, il avait du s’adapter à cette situation, certes inconfortable, qui plombait le continuel de chacune de ses journées.

Le pli était pris depuis si longtemps que vouloir s’en défaire eût été une profonde déchirure. Difficile de s’en extraire sans encombre. Au prix de douloureux sacrifices, il avait fallu s’y adapter coûte que coûte. Du mieux qu’il puisse se souvenir, les premiers méfaits remontaient au terme de sa plus tendre enfance, du temps de ses longues boucles blondes.

Perdre et oublier. Intimement liés par nécessité, faisant partie intégrale et intégrante de son langage corporel, expression parasitée du non dit, du non exprimé, de ce silence monacal, posture d’obéissance absolue. Échappatoire en territoire hostile où s’opposer n'était qu'une souricière dans laquelle il ne fallait surtout pas s'aventurer. Égarement et omission allaient devenir stratégies d’adaptation face au climat délétère dont il avait peine à deviner les contours.

Illustration 2
© Vent d'Autan

Un brin distrait et étourdi, quelque peu tête en l’air, voir tête de linotte, il traversait l'ordinaire des jours accompagné de son petit nuage de rêveries solitaires. Tous les qualificatifs les plus extravagants dont chacun l’affublait lui avait forgé cette personnalité édulcorée de Jean de la Lune. Rêver ne faisait point partie du monde des adultes, trop flou et vaporeux, pas assez sérieux. Rêver restait un privilège d’enfant.

Parfois, après quelques jours d’infortune, clefs et objets volatilisés, réapparaissaient par le plus grand des enchantements, bien heureux du mauvais tour qu’ils avaient pu jouer. Cela le faisait sourire, pas de quoi s’agacer outre mesure. A croire que toutes ces babioles que chacun croyaient inanimés n’étaient pas si innocentes qu’elles voulaient bien en avoir l’air.

Tout comme lui, les objets les plus incrédules avaient cette incroyable capacité à s’esquiver pour mieux s’extirper de l’épaisseur du quotidien, avant d’aller faire un petit tour du côté des nuages, du côté de la 4° dimension, histoire de changer d’atmosphère. Le temps de s’accorder une pause au cœur de la frénésie.

Et puis, comme par miracle, tout finissait par rentrer dans l’ordre. Une place à chaque chose et chaque chose à sa place. Et cet éternel recommencement à pourchasser sans cesse ceux qui s’étaient fait la belle. Épuisant, éreintant, voir harassant. Point s’en faut ! A force avec le temps, on finit par s’habituer à tout ce qui peut paraître insupportable. Si son entourage proche s’en agaçait outre mesure, lui s’en amusait presque. Il se doutait bien qu’un jour il finirait par perdre  la tête, quant à la retrouver….

Illustration 3
© Vent d'Autan

Son imaginaire débridé ainsi que le flot impétueux de ses pensées  filaient à travers l’Univers à la vitesse astronomique de la lumière. Cette propension à s’évader et s’éparpiller sans vergogne, lui demandait une somme colossale d’énergie pour rester concentré, un effort quasi surhumain, digne d’un Titan.

Son esprit n'étant qu'une gigantesque montgolfière qu’il fallait maintenir solidement ancrée, clouée au sol. Les pieds sur Terre et la tête dans les étoiles ! Au moindre instant d’inattention, à la moindre déconvenue,  il s’échappait en un clin d’œil, l’Univers tout entier lui appartenait. Qu’y avait-il donc de si merveilleux là bas, à la bordure du ciel ?

Illustration 4
© Vent d'Autan

Afin de s’adapter au mieux à la complexité de ses contraintes, il installa un cadre solide et clairvoyant sur lequel s’appuyer pour ne pas déborder. Et à l’intérieur, un canevas en guise d’ouvrage à accomplir, à réaliser, à suivre à la lettre près. Sans cela, il vagabondait à l’infini. Toute sa vie sur une feuille de papier millimétré. Sans le savoir, il s’était enfermé à double tour dans cette posture de rigidité maladroite, toujours à suivre scrupuleusement le fil conducteur, sans jamais franchir la ligne.

C’est alors qu’il mit en place une stratégie imparable afin être en conformité avec ce que son entourage voulait bien qu’il soit ou du moins à ce qu’il croyait dur comme fer. Pour être en concordance avec cette exigence de perfection, il s’imposa cette rigoriste trajectoire d’intransigeance au point de se contraindre à essayer d’être à la fois bon fils, bon mari, bon père et tant qu’à être, bon employé. La reconnaissance étant le prix de l’exception. Aveu d’une douleur sans nom.

Malgré quelques signes ostensibles, l’édifice de toute une vie vint à s’écrouler tel un vulgaire château de cartes. L’ensemble si précaire et si fragile finit par imploser, les murs se lézardèrent en un gouffre béant, une faille venait de s’ouvrir au travers de l’armure d’acier, balayant les plus principes vertueux d’une existence à essayer d’être en symbiose avec les exigences d’autrui. Peine perdue. A ce jeu de dupes, il s’était perdu en chemin, les clés n’étant que vulgaire prétexte, dévotion à laquelle il s’était accroché mordicus, une diversion pour ne pas sombrer dans les marécages abjects de croyances déchues.

Illustration 5
© Vent d'Autan

À tout oublier, il avait fini par se délaisser, négligence à l’abandon de soi, se fondant dans l’ombre de l’autre, pour mieux exister dans la pénombre. Impérieux désirs de satisfaire besoins et exigences d’autrui, mystification d’une quête éperdue, artifice d’une insondable douleur sans fin. Comme s’il fallait à tout prix, s’astreindre à correspondre à l’image pieuse et  idéale que l’on souhaite de donner de soi-même. Idéal de paraître en lieu et place d’être. L’icône qui submerge les tempêtes. Posture du chevalier à l’armure rouillée, reclus dans sa tour d’ivoire, en quête d’illusions perdues.

Qui était- il vraiment ? Sans cesse, cette inextricable question revenait le tarauder au point de lui vriller l’esprit. Se perdre pour mieux se retrouver, s’abandonner, fuir, lâcher prise, largeur les amarres, aller plus loin que les sommeils. S’éveiller à la vie, à sa propre vie. Loin des territoires hostiles, s’apprivoiser par le chatoiement de ses pensées, entre bienveillance et hospitalité, sauvé de son Enfer.

Se libérer de l’emprise de ses propres contradictions, farouches croyances installés depuis l’origine des temps. Long et douloureux processus pour s’extraire de l’entrave de soi. Cloîtré au cœur de cette cage dorée, dont lui seul possède la clé. Ainsi l’Enfer- me- ment s’éclipse entre les doux silences de l’oubli.

« Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence ».

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