SUR LE BATEAU IVRE
Ballotté au gré des humeurs maritimes,
L’esquif tangue, s’engouffre dans les vagues,
Roule et embarque des paquets de mer démontée.
L’horizon s’élève soudain à la verticale,
Le vent furieux commande la houle.
Alors la houle se tord, se creuse,
S’entrouvre, se referme, se soulève,
Grossit, énorme, et éclate en fleurs d’écume
Que les rafales multiplient puis sèment aussitôt
Dans de nouveaux sillons ouverts à perte de vue.
Et ici où roule l’océan,
Ici où passent des lames comme des montagnes,
Qui font le tour de la terre sans s’arrêter jamais,
Le vent est terrible et souverain.
Le vent hurle, le vent rugit tellement
Que les marins ont nommé ces latitudes extrêmes
Les 40° rugissants et les 50° hurlants.
Et elle, esquif de fortune, elle fait face, impassible.
Devant le spectacle grandiose de la tourmente
Mêlée de la houle et du vent
L’homme est un drôle de terrien
Incapable de se fondre sans peur dans la magie des océans
Dans ce territoire de vagues, l’œil expert
Contemple le bord du monde immense et mystérieux.
Seul dans la houle, jamais plus libre que dans la tempête,
Rêve de voyage absolu.