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Je ne suis qu'un rêveur...

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Billet de blog 21 octobre 2024

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TANDIS QUE FILENT LES GLANEUSES D’ÉTERNITÉ

Hasard ou destin, la réponse n’est pas si simple. » Joseph Kessel

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© Vent d'Autan

Entre deux quais, entre deux trains. Gare désertée, voix ferrées désaffectées. Les cheminots ont déposé armes et bagages, tandis que les herbes folles ont envahi le ballast. Banderoles vacantes, slogans atones, piquets à la grève. Le dernier fanal s’est éteint, il ne voit plus que le ciel nocturne. Wagons dévoyés, chemin de fer à l‘abandon. Aucun train pour en cacher un autre. De vive voix la carcasse du grand vent s'emploie à emporter dans sa besace les souvenirs endoloris sous la poussière des traverses. Vide sidéral, pâleur de spectre. Plus d’âme qui vive, la vie duraille.

Partir ou revenir, l’ambiguïté du doute qui au pire suscite éventuel choix. À ce secteur d’aiguillage quelle destination poursuivre, aussi incandescente soit-elle, sans se perdre dans la porosité de coriaces habitudes ? Point de départ vers ces rivages lointains où somnolent pieds nus les songes en loques, cramponnés aux rochers abrupts à bord de falaise.

Résolution au hasard de la Providence quand se croisent tant de destinées sans jamais se rencontrer. Juste une fulgurance entre deux épisodes d’existence. Tant de jours à poursuivre sans que nul n’en perçoive la finalité, fatal dénouement. Fil de pelote de laine à dérouler sous les pensées enfouies. Illusion galvaudée, sensation d’immortalité.

Illustration 2
© Vent d'Autan

Jour après jour, l’éclair d’un horizon qui s’accélère sans plus de retenue. Une poignée de grains de sable dispersée à travers la légende des temps. Goutte à goutte la clepsydre suinte d’une liturgie dont on a perdu l’intervalle. La vie toute entière au grand galop, cheval fou dont plus personne ne maîtrise la bride. Tous ces rêves d’enfant transformés en réalité d’adulte, entre désir et renoncement, soif d’appétit qui vous pousse et qui vous guide  vers d’autres destinations quasi inconnues, à peine insoupçonnées. Patience, longueur de temps.

Carrefours, intersections, croisements, bifurcations, ronds points, impasses et culs de sac, à chaque croisée de chemin les échangeurs nous emportent vers les lointains rivages de l’inconnu, là bas où d’emblée se forgent les clés d’une destinée sans sommation. Et quand fatigué de parcourir le monde, de courir après l’on ne sait quoi, auprès de l’on ne c’est qui, et que l’appel du grand retour se fait entendre, que sourd l’écho des campagnes en sens inverse, il est grand temps de rebrousser chemin, de retourner à la source, à l’origine de ce qui fut, au souvenir de ce qui est, essence de nous.

Détricoter ce canevas de toile écrue, une maille allant droit, l’autre allant vers. Aller retour, éternel va et vient, les zigues et les vagues à fleur d’estran jonché de varech et d’algues brunes. Épopée sans nom de l’épouse passive et vertueuse, Pénélope, habile filatière face à l’ouvrage d’une vie à tisser la trame d’un temps suspendu. L’Odyssée au défi de l’impartialité des Heures, divinité liées au temps. Le Destin, ou Destinée, inexorable divinité issue de Nyx et du Chaos. Les cieux, la terre, la mer et les enfers sous son empire. Le Destin lui-même est cette fatalité suivant laquelle tout arrive dans le monde.

Illustration 3
© Vent d'Autan

Monopoly ou jeu de l’oie, la vie n’est qu’un jeu de société, où d’un seul coup de dé, soit tu avances de deux cases, soit tu recules de trois. D’un coup du sort tu passes ton tour et par un coup de Jarnac tu finis à l’ombre pour quelque temps. Ainsi faite la vie, d’échecs, d’échappatoires, d’hésitations, de renoncements, de peurs, de doutes, mais aussi de perpétuels recommencements, perspectives d’horizons nouveaux. Avancer coûte que coûte.

Chaque matin l’aube rougeoie à la pointe du jour nouveau. Promesse de vie, promesse d’espoir jusqu’au déclin du crépuscule à la tombée de la nuit évanescente. Éternel renouveau, ainsi filent les glaneuses de l’immobile éternité. Sur ce quai de gare la poésie, seule à fustiger les vertiges du ciel. À quelle heure passe le prochain train ?

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