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Au travers des portes du temps, de père en fils, insidieuse et vénéneuse, elle se répand dans le silence des murmures, vénale contagion des invariants de l’âme. Virilité, masculinité, impasse des travers. Patrimoine des gènes. Sulfureux héritage générationnel. Au fil de ce chapelet d’injonctions, le chemin de la soumission infantile reste un processus d’identification à l’homme de demain. Attributs de celui qui, en devenir, se devra de porter avec ardeur et fierté, le flambeau de tout un seul clan rempli du ridicule de cette fatuité.
« Tu seras un homme, mon fils ! »
Tout est fini, tout est foutu. Rien n’est plus. Rien ne va plus. On se regarde à peine, par pudeur, par effraction, le cœur à la traine. Une parole, un geste, une lueur. Peine perdue. Mutisme de forcené. Comment habiter ces silences, cet enfermement. Sauvage naufragé, taiseux, verrouillé à double tour. Crime de la parole et tourments du dialogue. Au commencement était le Verbe.
Point d’effusions de nature à afficher quelconque sensibilité ou à s’exposer au regard de l’autre. Comme si le mot en lui-même, portait toutes les racines de profonds renoncements. Fierté déplacée, orgueil mal embouché. L’expression des sens hors d’atteinte, détournée de toute interprétation, dénuée de quelconque explication. L’esprit le plus cartésien possible, coupé d’émotions, blindé d’amertume. Point d’évasion, nulle échappatoire. Juste traverser sans encombre. Que la raison ait toujours cette assez belle façade. Prophétie de pacotilles.
Quelque chose de renfermé sur soi, de séquestré en soi. Impression de ne pas être à la hauteur de. Sensation de vide, d’imposture. Illusions dérisoires. Les mots brisés d’émotion. Solitaire et solitude. De quelle raison, de quelle croyance, de quel Dieu. Dieu le Père ! Incarnation de la toute puissance divine. Et si demain était la nuit ? Et toutes ces petites phrases cinglantes qui claquent comme un coup de fouet, un coup de semonce. Rappel à l’ordre. Sommation avant soumission. La frustration trouve partout son grain où sont distillées vérités frelatés, croyances arriérées et immuables traditions qui paralysent tous rêves de liberté. Ainsi prospèrent les miracles vénéneux des hommes, souverains d'illusions fallacieuses.
« N’oublie pas que tu portes mon nom…. »
Puissance du je incarné, exacerbé. L’autre, différencié ne pouvant exister. Se fondre et se confondre dans le même moule, en pensées et en actions. Marcher dans les pas de celui qui trace la route, de celui qui jamais ne doute. Affirmé dans cette espèce de force, de consistance. Sur de lui, fidèle à ses principes, en profond accord avec les idéaux des ses aïeux. Dans la lignée de la répétition des principes et de la reproduction du moi idéal.
« En toutes circonstances, je suis le Père… »
Chacun reçoit sa part de vie, plus ou moins libre de s’en satisfaire. On grandit comme on peut avec ses faiblesses et ses propres failles. La construction est plus ou moins bancale avec un étayage fait de bric et de broc. Le petit garçon sur lequel se portent toutes les projections, grandit tant bien que mal en se jurant de ne jamais être adulte. Croix de bois, crois de fer…. Certainement pas un de ces hommes là, qui gesticulent leur trop plein de testostérone. Intime promesse d’être différent. L'heure n'est plus aux marivaudages. Bouleversée par la détresse qui somnole, l'existence, telle un coup de tocsin, se mue en incendie.

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Des mots qui résonnent encore à tue-tête, en écho avec ceux de la sacro Sainte Mère Nitouche, entre chaleur effroi polaire : « les hommes, tous des salauds… ». Aversion des mœurs. Mensonge du pouvoir et du savoir masculin. L’individu tributaire des humeurs de son membre érectile. Grandeur et décadence du bourgeon de la virilité masculine.
Comment exister, être à la hauteur, en accord avec soi et en désaccord avec cette incarnation du mâle. Fuir ce schéma là. Jamais assez, jamais à la hauteur, toujours à la traine, à la ramasse dans l’ombre du grand chêne. La marche est bien trop haute pour espérer être franchie. Ravaler ses rancœurs, se taire et abdiquer. Ne pas faire de peine. Rien n’aura suffit.
Violence physique, pression verbale, dégâts psychiques. Cocktail explosif. Il en aura fallu du temps pour en venir à bout avant de s’accepter dans sa propre différenciation. L'enfer, parfois, a les pieds bien ancrés sur terre.
La filialité humaine entachée par quelques verres de trop. Comme si l’apprentissage de la vie n’était qu’une question de dressage, rapport de force entre individualités. Exister ou plier, s’aplatir telle une larve, se soumettre à l’autorité suprême. Dictature des familles. Postulat des diktats. Le patriarche a perdu quelques plumes, mais le vieux mâle dominant rugit encore. Peine perdue. Père et fils, impossible adéquation.Patriarcat, les racines du mâle. Mauvais karma.

Juste une porte dérobée pour s’extirper de l’influence. S’affranchir, s’extraire du cercle infernal de la répétition. Briser les codes de la table des lois patriarcales. Exister différemment, en tant que soi, affranchi du pouvoir et du devoir. Être différent d’eux, de cette lignée de dominants.
Trahir ses pairs, se déraciner. Endosser des milliers de costumes avant de trouver l’habit propre à son personnage. Tout sauf un long fleuve tranquille pour sortir de l’ombre. Bien plus qu’une quête, la traversée de l’intime en terre inconnue. Le voile de la pudeur. Excessive, sauvage, ténébreuse, ombrageuse, irrépressible gaucherie.
Résilience, le courage d’être, en accord avec soi. Se livrer pour mieux se délivrer.
