Voici les deux textes sur les discriminations mis à débat au congrès des Alternatifs début novembre 2013. Ce débat sera ouvert aux partenaires politiques sur invitation.
Il convient de constater que par rapports aux débat antérieurs du mouvement*, ces deux textes présagent d'une vaste avancée des mentalités au sein du groupe.
* http://blogs.mediapart.fr/blog/veronika-daae/200413/lappel-de-militants-et-sympathisants-du-fdg-contre-lislamophobie
TEXTE A
Contre l'islamophobie ! Pour l'égalité des droits !
Les Alternatifs solidaires des luttes des immigrations post-coloniales
Après la loi contre le voile à l'école et la loi anti-burqa, après la campagne contre les « prières de rue » et le « grand débat sur l’islam », après l'offensive initiée par Luc Chatel contre les mamans voilées durant les sorties scolaires et la proposition de loi contre les nounous voilées, après la construction du mythe du garçon arabe des quartiers populaires, nécessairement plus macho et plus violent que les autres, après le débat sur « l'identité nationale » et le scandaleux ministère de l’immigration et l’identité nationale, après les réactions hostiles à la décision de justice annulant le licenciement de la salariée voilée de la crèche Baby Loup, de nombreux discours et maintenant des actes violents désignent à nouveau les musulman-e-s comme des citoyen-ne-s entièrement à part et participent de la diabolisation de l'islam, jugé même par certains observateurs « incompatible avec la démocratie » et présenté comme la nouvelle figure de la barbarie extérieure au monde civilisé.
Instrumentalisant une fois de plus la laïcité et les droits des femmes, le consensus entre la droite et le PS prend la forme de discours et de prises de position favorables à de nouvelles lois d'interdiction du voile.
Leur point commun : vouloir imposer dans le débat la thématique de la défense de la république contre l'intégrisme musulman, version francisée de la guerre des civilisations. Et cela alors que les actes islamophobes se multiplient comme l'ont montré les inscriptions racistes sur les murs des mosquées et, de manière plus dramatique, les agressions de femmes voilées à Argenteuil, Reims et Orléans au mois de mai et juin 2013. Agressions que les déclarations de Manuel Valls sur les menaces que feraient peser « ceux qui voudraient faire de la France un terrain de conquête ; qui voudraient, au nom d’une croyance dévoyée, imposer d’autres lois que la loi de tous » ne peuvent qu'encourager.
Le terme de "conquête" renvoie ici au mythe de l'islamisation et à la construction du discours islamophobe en Europe et en France. Ce discours est basé sur une contre-vérité majeure dans laquelle se combinent les fantasmes de surpopulation et de soumission religieuse.
Or, le processus de sécularisation, qui met à distance le fait religieux et sa domination sur la société, ne concerne pas seulement le christianisme mais aussi les autres religions dont l'islam, comme l'atteste la démographie dès la "seconde génération issue de l'immigration". Cette démographie est équivalente à celle des populations locales. Et dans de nombreux pays arabes, ce processus de sécularisation, combiné à la fin de la transition démographique, est l'un des facteurs explicatifs du déclenchement du processus des révolutions arabes en Tunisie et du rejet massif des Frères musulmans et d'Ennahda en Egypte et en Tunisie : c'est un processus à l'échelle mondiale. De fait, même si elle n'en est qu'au début, la désislamisation des sociétés arabe et iranienne est en cours.
Dans un contexte de racialisation des rapports sociaux, alimenté par les classes dominantes et leurs représentant-e-s politiques, la désignation d'un nouveau bouc émissaire accroît la division et la mise en concurrence des couches populaires. L’islamophobie interprète en terme de croisade religieuse les conflits de la misère et divise ainsi les victimes. Elle empêche les populations musulmanes de s’identifier pleinement au mouvement ouvrier et à ses luttes, les contraint à se réidentifier prioritairement comme Arabes rejeté-e-s et diffuse le fiel du racisme et du nationalisme au sein des classes populaires « blanches » . Elle tient un rôle analogue à celui de l’antisémitisme des années 30. Sa logique est celle de la purification ethnique.
Depuis le début des années 2000, un véritable consensus national s'est opéré autour de ce qui apparaît à beaucoup comme une évidence : il existe en France un « problème musulman », que l'on peut mettre en parallèle avec la construction d'un « problème de l'immigration » depuis les années 1970. Cela s'est traduit par le développement d'une islamophobie dans les idées, dans les discours mais aussi dans les actes : cette nouvelle forme de racisme, qui stigmatise et altérise en fonction d'une appartenance réelle ou supposée à la religion musulmane, vise avant tout à contester et finalement refuser toute légitimité à la présence des populations issues des immigrations postcoloniales sur le sol français. Ces populations sont jugés inassimilables dans une vision essentialisante de l'islam et dans une une vision toute aussi essentialisante d'une soi-disant « identité nationale » française.
Les femmes voilées sont les premières victimes de la poussée islamophobe et néo-nationaliste. Méprisées. Présentées au mieux de manière paternaliste, au pire de manière condescendante, elles se voient refuser le statut de sujet autonome. Elles seraient nécessairement victimes et contraintes de se soumettre ou manipulées par l'intégrisme et donc « à émanciper » de force. Certes, nous qui sommes féministes, nous n'oublions pas que le voile est un signe religieux particulier en ce sens qu'il est un marqueur sexuel lié à la domination masculine ni que l'intégrisme religieux s'attaque toujours aux droits des femmes. Mais toujours en tant que féministes, nous constatons que d'autres marqueurs sexuels visant à rendre les femmes disponibles pour les hommes et qui participent tout autant à la domination masculine sont épargnés par le féminisme d'Etat, et nous remarquons aussi que ces lois censées les défendre ont toutes pour conséquences ou objectifs de restreindre leurs droits (il faut ajouter à cela que le projet de loi sur l'interdiction du voile dans le secteur privé de la petite enfance serait une catastrophe pour des femmes souvent en situation de précarité). La question est donc de savoir si on respecte les femmes qui ont fait le choix de porter un voile - dont les motivations sont multiples - et non de se prononcer pour ou contre le port du foulard. En effet, cette conception de l'émancipation n'est pas la nôtre : pour nous elle doit passer par l'auto-organisation des dominé-e-s et sûrement pas par des lois discriminantes cherchant à imposer des normes disciplinaires au nom d'un « universalisme républicain » qui ressemble à s'y méprendre à une vision patriarcale et postcoloniale de la société française.
Ce n'est pas parce que le mot « islamophobie », utilisé/instrumentalisé par certains courants fondamentalistes, pose de nombreuses questions d'usage tout comme d'ailleurs le mot « antisémitisme », hier comme aujourd'hui, qu'il faut y renoncer. Car il s'agit sans conteste d'un terme majeur et reconnu dans le débat actuel sur les questions de discriminations et d'égalité des droits. Cela d'autant plus que ce terme a été l'objet d'une appropriation par les mouvements autonomes des quartiers populaires et issus des immigrations postcoloniales. Se priver de son utilisation serait se priver de tout dialogue possible avec ces mouvements ainsi que d'un concept important permettant de saisir les évolutions des discriminations systémiques qui structurent la société française et plus largement les sociétés occidentales.
A partir de 2002, l'islamophobie s'est traduit par l'émergence d'une « nouvelle laïcité » c'est-à-dire une redéfinition de la norme laïque, considérée comme essentielle à l'homogénéité nationale, qui va légitimer une série de lois visant spécifiquement les femmes voilées et donc les musulman-e-s. Il est d'ailleurs tout à fait éclairant de noter que la droite comme le Front national se réclament ouvertement de la laïcité depuis une dizaine d'années en rupture avec leur tradition historique sur le sujet, ayant parfaitement compris qui elle vise désormais : les populations issues des immigrations postcoloniales. Il s'agit donc très clairement d'une rupture avec la conception de la laïcité favorable à la liberté de conscience instituée par la loi de 1905.
C'est cette conception originelle de la laïcité qui interdit à l’État de s’ingérer dans les religions, comme aux religions de s’ingérer dans l’État, et qui en refusant la fermeture des communautés sur elles-mêmes permet la libre confrontations des opinions. Elle est par exemple défendue par une association comme la LDH, et c'est celle que la gauche radicale devrait porter tout en s'opposant à la conception religieuse de la laïcité - pratiquée du temps de l'Empire dans les colonies françaises - qui renforce la stigmatisation des musulman-e-s.
Or, force est de constater qu'au-delà de certaines prises de positions la gauche radicale ne s'est jamais vraiment impliquée dans la contre-offensive, aujourd'hui essentiellement menée par des intellectuel-le-s engagé-e-s, souvent proches d'elle, qui invitent à « prendre la mesure du racisme, voire de la haine, qui visent aujourd'hui nos concitoyens musulmans, ou perçus comme tels »(1).
Or, cette forme de racisme qui stigmatise - au prétexte de leur religion réelle ou supposée - une grande partie des habitants et surtout des habitantes des quartiers populaires s’en prend aussi aux populations les plus précaires(2), au salariat dans ses catégories les plus défavorisées (30% des milieux populaires, ouvrier-e-s et employé-e-s, sont issus de l'immigration post-coloniale). Ce sont aussi celles et ceux dont l’exclusion politique est la plus marquée et la plus préoccupante et dont la gauche radicale devrait mieux entendre les aspirations et partager davantage les luttes.
Il est temps de donner des signes à nos concitoyen-ne-s de culture musulmane pour qu'ils-elles puissent enfin se considérer comme des citoyen-ne-s à part entière.
Il est temps d'affirmer notre solidarité avec les luttes des populations et des mouvements autonomes issu-e-s des immigrations postcoloniales et des quartiers populaires.
Il est temps pour la gauche radicale, et plus largement toute la gauche de transformation, de prendre véritablement la mesure du phénomène islamophobe.
Il est temps d'afficher la lutte contre l'islamophobie comme étant une de nos priorités : une lutte pour l'égalité des droits, antiraciste, féministe, œuvrant pour l'unité des couches populaires et pour la lutte commune contre le capitalisme mondialisé et ses catastrophes humaines, sociales et écologiques.
C'est pourquoi les Alternatifs proposent :
L'abrogation de la loi de 2004 sur le voile à l'école et de toutes les lois anti-musulmanes qui ont suivi.
Le droit de vote pour les résident-e-s étranger-e-s non communautaires aux élections locales et européennes, dans la perspective du vote de toutes et tous à tous les scrutins : la citoyenneté de résidence.
La fin du scandale des 6 millions d' « emplois réservés » aux Français-e-s, véritable application de la préférence nationale.
La reconnaissance du caractère systémique des discriminations raciales subies par les populations noires et arabes, françaises ou non et une véritable politique de lutte en faveur de l'égalité des droits, considérée comme politique publique prioritaire.
La mise en place d'une véritable politique d'affirmative action dans les quartiers populaires, notamment en matière de formation et d'emploi.
La fin du traitement néo-colonial subi par les quartiers populaires et une justice équitable pour les victimes des violences policières. La dissolution des BAC et une réorientation de l'action policière dans les quartiers populaires
La reconnaissance pleine et entière du fait colonial et des massacres commis au nom de la république.
30 ans après la Marche pour l'Egalité et contre le racisme, en indiquant clairement sa volonté de partager les luttes des mouvements politiques autonomes issu-e-s des immigrations post-coloniales dans les quartiers populaires, la gauche radicale de notre pays marquerait sa solidarité avec les organisations et les peuples des pays du Sud, souvent ou en majorité de culture musulmane qui ont largement contribué à l'éclatant succès du récent Forum Social Mondial de Tunis.
Janie A (30) Magali B (13) Brigitte C (68) Patricia C (07) Florence C (06) Veronika D (66) Bruno D S (06) Guy G (06) Arthur L (06) Christophe L (22) Françoise M (26) Roland M (31) Richard N (07) Laure P (75) Thomas P (33) Monique P (07) Mohammed R (69) Romain T (06) Nikou T (06) Roger W (68)
1- Tribune parue dans Le Monde et aujourd'hui ouverte à pétition à l'adresse : http://www.change.org/petitions/contre-une-loi-stigmatisante-pour-une-commission-sur-l-islamophobie
2 - De nombreuses femmes musulmanes voilées n'ont pas d'autre activité que l'entretien et la garde des enfants. Pour elles, une nouvelle loi aurait pour conséquence de les priver de tout droit au travail.
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TEXTE B
Contre tous les racismes ! Contre l'offensive raciste antimusulmane !
Pour l'égalité des droits !
L'hystérie anti roms qui se développe, à l'extrême-droite, à droite, mais aussi dans une partie de la gauche est un moment de plus de libération de toutes les paroles et actes racistes.
Combinée à l'accentuation de la désagrégation sociale, des discriminations, des peurs et replis identitaires, la montée du racisme est un frein puissant à l'unité des exploité-e-s et dominé-e-s.
Dans le même temps, les flux migratoires, nés de la misère ou des conflits régionaux, sont clairement désignés comme une menace, sans que pour autant soient menées de réelles politiques appuyant un développement autocentré au bénéfice des populations, notamment sur le continent africain.
La multiplication des mesures discriminatoires a l'encontre des musulman-e-s joue un rôle central dans la dérive raciste perceptible dans de larges secteurs de la société. Elle s'appuie sur une stigmatisation de tous les jours de l'islam, dénoncé comme « incompatible avec la démocratie » et présenté comme la nouvelle figure de la barbarie extérieure au monde civilisé.
Leur point commun : vouloir imposer dans le débat la thématique de la défense de la République contre l'intégrisme musulman, version francisée de la guerre des civilisations. Est ainsi pratiqué l'amalgame permanent entre les courants réactionnaires intégristes que nous combattons comme tous les fondamentalismes réactionnaires, et l'ensemble des musulman-e-s de France. Les actes islamophobes se multiplient.
Or, le processus de sécularisation, qui met à distance le fait religieux et sa domination sur la société, ne concerne pas seulement le christianisme mais aussi les autres religions dont l'islam; Et dans certains pays arabes, ce processus de sécularisation, combiné à la fin de la transition démographique, est sans doute l'un des facteurs explicatifs du déclenchement des révolutions, notamment en Tunisie et du rejet massif des Frères musulmans et d'Ennahda en Egypte et en Tunisie : c'est un processus à l'échelle mondiale. De fait, même si elle n'en est qu'au début, la sécularisation des sociétés arabe et iranienne est en cours.
Dans un contexte de racialisation des rapports sociaux, alimenté par les classes dominantes et leurs représentant-e-s politiques, la désignation de nouveaux boucs émissaires, musulmans, roms, immigrants des pays du Sud et de l'Est , accroît la division et la mise en concurrence des couches populaires, interprète en terme de croisade identitaire, religieuse et culturelle les conflits de la misère et divise ainsi les victimes.
Elle rend difficile l'unité populaire, notamment la jonction d'une partie des classes populaires avec le mouvement ouvrier et ses luttes, ce qui peut les conduire à se réidentifier prioritairement comme Musulman-e-s, Arabes ou Noir-e-s rejeté-e-s. Elle favorise, en miroir, tous les courants ou groupes, notamment religieux, qui prônent une logique de séparation, et diffuse le fiel du racisme et du nationalisme au sein des classes populaires « blanches ». Sa logique ultime est celle de la purification ethnique.
Depuis le début des années 2000, un consensus mortifère se construit autour de ce qui apparaît à beaucoup comme une évidence : il existe en France un « problème de l'immigration », notamment de l'immigration musulmane. Cette nouvelle forme de racisme, qui stigmatise et altérise en fonction d'une appartenance réelle ou supposée, vise avant tout à contester et finalement refuser toute légitimité à la présence des populations issues des immigrations non originaires d'Europe occidentale sur le sol français. Ces populations sont jugés inassimilables dans une vision essentialisante de l'islam ou d'autres identités et dans une une vision toute aussi essentialisante d'une soi-disant « identité nationale » française.
Cette logique mortifère est une pièce maitresse du projet de réarmement idéologique pour une droite radicale, et un des terrains de convergence entre droite et Front National. Nouvel avatar de cette logique, celle qui aujourd'hui conduit Valls a juger "inintégrables" les population roms.
Des débats difficiles traversent les courants de la gauche radicale, ainsi, en 2004, une majorité des Alternatifs (60%) a rejeté la loi sur les "signes religieux ostensibles à l'Ecole" la jugeant discriminatoire (une minorité de 40% considérait que, malgré son caractère coercitif, elle protégeait nombre de jeunes filles des pressions religieuses)
Les femmes voilées sont méprisées, présentées au mieux de manière paternaliste, au pire de manière condescendante, et se voient refuser le statut de sujet autonome. Certes, féministes, nous n'oublions pas que le voile est un signe religieux particulier en ce sens qu'il est un marqueur culturel sexuel lié à la domination masculine ni que l'intégrisme religieux s'attaque toujours prioritairement aux droits des femmes.
Mais nous remarquons aussi que des lois censées les émanciper restreignent leurs droits. La question est donc de savoir si on respecte les femmes qui ont fait le choix de porter un voile - dont les motivations sont multiples - et non de se prononcer pour ou contre le port du foulard. Car cette conception de l'émancipation n'est pas la nôtre : pour nous elle doit passer par l'auto-organisation des dominé-e-s, une bataille idéologique contre tous les courants réactionnaires, religieux ou non, qui s'opposent a une société de mixité, et pas par des lois discriminantes au nom d'un « universalisme républicain ».
Le mot « islamophobie », utilisé/instrumentalisé par certains courants fondamentalistes, pose de nombreuses questions d'usage tout comme d'ailleurs le mot « antisémitisme », hier comme aujourd'hui. Il s'agit d'un terme reconnu dans le débat actuel sur les questions de discriminations et d'égalité des droits. Cela d'autant plus que ce terme a été l'objet d'une appropriation par de larges secteurs des mouvements autonomes des quartiers populaires et issus des immigrations postcoloniales. Il fait débat entre nous, même si le terme de racisme anti musulman nous semble mieux cerner la réalité des discriminations
A partir de 2002, a émergé une redéfinition de la norme laïque, considérée comme essentielle à l'homogénéité nationale. Il est d'ailleurs tout à fait éclairant de noter que la droite comme le Front national se réclament désormais de la laïcité en rupture avec leur tradition historique sur le sujet, ayant parfaitement compris qui elle vise désormais : les populations issues des immigrations postcoloniales, et ce en rupture avec la conception de la laïcité favorable à la liberté de conscience instituée par la loi de 1905.
C'est cette conception originelle de la laïcité qui interdit à l’État de s’ingérer dans les religions, comme aux religions de s’ingérer dans l’État et dans l'organisation de la société, notamment dans le système éducatif, que nous défendons. Cette conception, en permettant le non-enfermement communautariste, permet la libre confrontations des opinions. Elle est par exemple défendue par une association comme la LDH, et c'est celle que la gauche radicale devrait porter tout en s'opposant à toutes les conceptions religieuses de la société
Force est de constater qu'au-delà de certaines prises de positions la gauche radicale ne s'est jamais vraiment impliquée dans la contre-offensive, aujourd'hui essentiellement menée par des intellectuel-le-s engagé-e-s, souvent proches d'elle, qui invitent à « prendre la mesure du racisme, voire de la haine, qui visent aujourd'hui nos concitoyens musulmans, ou perçus comme tels »
Cette forme de racisme qui stigmatise une grande partie des habitants et surtout des habitantes des quartiers populaires, s’en prend dans les faits aux populations les plus précaires, au salariat dans ses catégories les plus défavorisées (30% des milieux populaires, ouvrier-e-s et employé-e-s, sont issus des immigrations de toutes origines). Ce sont aussi celles et ceux dont l’exclusion politique est la plus marquée et la plus préoccupante et dont la gauche radicale devrait mieux entendre les aspirations et partager davantage les luttes pour construire l'unité populaire.
Il est temps de donner des signes à nos concitoyen-ne-s issus des immigrations, notamment de culture musulmane, pour qu'ils-elles puissent enfin se considérer comme des citoyen-ne-s à part entière.
Il est temps d'affirmer notre solidarité avec les luttes des populations et des mouvements progressistes autonomes issu-e-s des immigrations et des quartiers populaires.
Il est temps pour la gauche radicale, et plus largement toute la gauche de transformation, de prendre véritablement la mesure du poison que représentent les discriminations et tous les racismes, notamment celui qui stigmatise les musulman-e-s.
Il est temps d'afficher la lutte contre le racisme comme étant une de nos priorités : une lutte pour l'égalité des droits, féministe, pour une société de mixité, œuvrant pour l'unité des couches populaires et pour la lutte commune contre le capitalisme mondialisé et ses catastrophes humaines, sociales et écologiques.
C'est pourquoi les Alternatifs proposent :
De s'opposer ensemble a toutes les nouvelles lois anti-musulmanes
Le droit de vote pour les résident-e-s étranger-e-s non communautaires aux élections locales et européennes, dans la perspective du vote de toutes et tous à tous les scrutins : la citoyenneté de résidence.
La fin du scandale des 6 millions d' « emplois réservés » aux Français-e-s, véritable application de la préférence nationale.
La reconnaissance du caractère systémique des discriminations racistes subies par les populations noires et arabes, françaises ou non, et une véritable politique de lutte en faveur de l'égalité des droits, et contre les discriminations, en particulier en matière de formation et d'emploi.
La fin du traitement répressif subi par les populations des quartiers populaires et une justice équitable pour les victimes des violences policières. La dissolution des BAC et une réorientation de l'action policière au service de la population
La reconnaissance pleine et entière du fait colonial et des crimes commis au nom de la France et de la République.
30 ans après la Marche pour l'Egalité et contre le racisme, la gauche radicale doit partager les luttes des mouvements politiques autonomes progressistes issus des immigrations post-coloniales ou autres, notamment dans les quartiers populaires, et marquera aussi sa solidarité avec les organisations et les peuples des pays du Sud, souvent en lutte contre les courants islamistes réactionnaires, et souvent de culture musulmane, qui ont largement contribué à l'éclatant succès du récent Forum Social Mondial de Tunis.
Elle contribuera ainsi à la jonction des combats, que ceux et celles qui les mènent croient ou non au ciel, contre toutes les oppressions et l'exploitation, et pour une alternative.
Jean-Jacques B (75) , Danielle C '25), Jacques F (25) , Pïerre G (95), Alain G (25) ; Pierre N (32), Pierre-Yves P (59)
Messages complémentaires aux textes A et B
Débat « islamophobie et discriminations »
POUR QUE TOUT SOIT CLAIR
La méthode que son ou ses auteur.e.s ont choisi pour écrire le texte B risque d'aboutir, selon nous, à une situation pour le moins confuse dans les Comités et Fédérations qui discuteront des 2 textes et, probablement, au congrès lui-même. En effet, dans la mesure où 80% du texte A sont repris tels quels dans le texte B - méthode pour le moins discutable - seule une lecture très attentive permet de bien saisir la portée des modifications/ajouts/suppressions substantiels qui ont été apportés sur certains points-clés. C'est pourquoi, dans un souci de clarté pour nos camarades, nous proposons ici une grille de lecture, sans esprit polémique, qui résume ce que sont, selon nous, les principaux éléments de divergence entre les deux textes.
· le texte A utilise le terme "islamophobie" car ses auteur.e.s et signataires veulent pointer le racisme, aujourd'hui dominant dans les pays du nord, qui touche non seulement les musulman-e-s et les présumé-e-s musulman-e-s mais aussi l'islam en tant que croyance, pratique et culture . Aujourd'hui, c'est l'islam en tant que tel et non telle ou telle population immigrée qui est le support de la racialisation des rapports de classe, qui alimente les nouvelles formes de nationalisme en Europe et qui a permis de construire le discours sur la guerre des civilisations . Le texte B reconnaît l'existence d'un "racisme anti-musulman" mais non son caractère structurant. Les musulman-e-s sont présenté-e-s comme des boucs émissaires parmi d'autres. Il n'y a donc pas lieu de spécifier le racisme dont ils.elles sont victimes. S'appuyant sur l'usage récent fait par certains courants intégristes du terme "islamophobie" et ne prenant pas en compte le fait que ce terme a été forgé bien antérieurement, les signataires du texte B l'ont systématiquement écarté1. A ce compte, il faudrait aussi ne plus utiliser le mot « laïcité » systématiquement présent dans le discours du Front National et de la droite extrême.
· Le texte A considère qu'il existe une continuité politique entre l'islamophobie croissante et le caractère essentiellement post-colonial des populations visées. Autrement dit, l'islam est d'autant plus stigmatisé qu'il s'agit de la référence dominante parmi les ex-colonisé.e.s et que les représentations liées à notre histoire coloniale ont la peau dure (cela vaut pour la France mais pas nécessairement pour tous les pays européens). Le texte B considère que cette continuité n'est pas établie et que la stigmatisation touche indistinctement toutes les populations immigrées. C'est pourquoi la mention "post-coloniale" présente dans le texte A est supprimée ou remplacée par une autre mention. Ainsi, le texte A revendique la fin du traitement néo-colonial que subissent les quartiers populaires. Comment appeler autrement les survols par hélicoptère, le quadrillage policier et la politique de terreur meurtrière menée par l'Etat ? Le texte B supprime cette référence et demande la fin du « traitement répressif ».
· Le texte A considère que la question du voile ne peut être réglée par des mesures disciplinaires. Objet d'un véritable consensus national, de l'extrême-droite à une bonne partie de la gauche, les lois sur le voile et la burqa participent de la construction d'un nouvel ennemi intérieur qui mobilise les énergies et les détournent du combat de classe2. Elles ont renforcé le poids d'un pseudo-féminisme favorable à l'ordre social et qui reprend à son compte une version racialiste du monde s'appuyant sur l'irréductibilité des cultures. Elles ont permis la propagation d'une version excluante de la laïcité. En réaction au repli identitaire nationaliste entretenu par le Front National et une partie importante de la droite, elles poussent une partie des populations de culture musulmane à se percevoir comme une forteresse assiégée. Le texte B ne dit pas un mot sur ce que signifie l'adoption de ces lois islamophobes et sur ce que cette adoption a pu entraîner. Il se contente d'évoquer des « replis identitaires » (3ème ligne) comme si ces replis étaient le seul fait des populations de culture musulmane et non la conséquence d'une ostracisation généralisée. A propos de la loi de 2004, faite par l'UMP avec la soutien du PS, le texte B la présente comme une loi sur les signes religieux alors qu'il s'agissait bien d'une loi contre le voile et refuse de demander son abrogation alors même qu'il reconnaît qu'une majorité des Alternatifs (60%) avaient rejeté cette loi comme étant discriminatoire.
· Ensuite, à propos de la laïcité le texte B reprend une phrase du texte A tout en ajoutant un membre qui change le sens général de la phrase. Ainsi, le texte A affirme que la laïcité originelle se définit par la non ingérence réciproque des églises et de l'Etat dans leurs affaires respectives. Le texte B reprend cette affirmation mais ajoute que la laïcité concerne aussi « l'organisation de la société, notamment dans le système éducatif ». Qui, même parmi des lecteurs.trices attentif-ve-s, aura repéré la différence ? Car il y a bien une différence majeure sur la conception de la laïcité. Si la laïcité concerne l'organisation de la société, il faudrait par exemple interdire les mariages religieux qui débordent de façon ostensible sur l'espace public car les mariages religieux font partie de notre organisation sociale. Il faudrait aussi interdire le droit de prière dans l'entreprise car l'entreprise fait partie de notre organisation sociale. Et il faudrait encore interdire bien d'autres choses..... Quant à la laïcité au sein du système éducatif, faut-il rappeler une fois encore que dans la loi de 1905, la laïcité historique, originelle, ne s'appliquait qu'aux fonctionnaires et non aux usagers.
Le congrès tranchera. Mais, pour conclure, nous voulons réaffirmer nos doutes quant à cette curieuse méthode qui reprend 80% du contenu d'un texte, rend inintelligibles les véritables aspérités entre les deux textes, affadissant ainsi leur caractère contradictoire alors qu'en réalité, comme nous espérons l'avoir montré, ce caractère contradictoire est bien présent. Pourquoi ne pas avoir proposé des amendements au texte A ce qui aurait été tellement plus clair et plus simple ?
Patricia Cavallera (07), Veronika Daae (66), Guy Giani (06), Arthur Leduc (06)
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Ayant très largement contribué a la rédaction du texte B une réponse rapide et qui n'engage qu'un des signataires du texte
Les camarades ont raison de pointer une convergence sur un certain nombre de points avec le texte A C'est sans doute ce qui conduit plusieurs camarades a tirer un trait d 'égalité entre les deux textes (cf messages d'Alain Veronese)
Si le texte B reprend largement le fil du texte A c'est essentiellement parce qu'il s'agit d'une alternative rédigée dans l'urgence, pas pour semer la confusion.
Mais amender le texte A était s'inscrire dans sa logique fondamentale que nous ne partageons pas sur plusieurs points
Nous avons donc le soucis de marquer des différences a ce stade non réductibles avec une position A qui défend une ligne tres cohérente a défaut d'etre suffisamment dialectique.
Revenons aux points de divergence qui ne sont pas des divergence dans tous les domaines, mais réelles et assumées.
1. Nous n'assignons pas le racisme à la dimension post-coloniale
C'est le cas dans des pays d'Europe du Nord ou l'immigration renvoie a des convulsions récentes nées de la misère ( la dimension posts coloniale en est partie prenante mais non exclusive) ou a des conflits politiques contemporains
C'est le cas en Allemagne ou l'immigration turque ne peut- être définie comme telle, pas plus que la surexploitation des immigrations d'Europe orientale
Dans tous ces pays le racisme "blanc" a l'encontre des immigréEs n'est pas niable, il existe aussi des formes de racisme différentes (ainsi en Allemagne le terme de "Polnische Wirtschaft" économie polonaise, stigmatisant une prétendue infériorité des polonais) mais la dimension post coloniale est une grille de lecture parfaitement insuffisante
En France même, l'assignation post coloniale ne peut valoir pour toutes les immigrations même si est vrai que le racisme et les discriminations post-coloniales sont une forte réalité. La haine antiroms n'entre par exemple pas dans cette grille de lecture univoque.
2 Nous n'assignons pas toutes les personnes issues des pays anciennement colonisés à l"islam
Inutile d'insister sur ce point notamment pour les personnes d'origine subsahariennes
3 Nous n'assignons pas une vision traditionnelle de l'islam et de la pratique religieuse a toutes les personnes de culture ou de confession musulmane
Pour le coup le texte A tend a considérer en bloc ces millions de personnes en éludant totalement les débats et conflits en terme de vision du monde et de la foi qui les concernent
Ayant accepté comme moindre mal la loi de 2004 sur les signes religieux a l'Ecole c'est dans la claire conscience que cette loi constituait une violence et une atteinte a la vision du monde de jeunes filles, et en pensant qu'elle en protégeait beaucoup plus, elles aussi de culture ou de religion musulmane, de la pression de la tradition portée par la famille ou le milieu.
Je ne doute pas que les camarades hostiles à la loi étaient conscients que sa non application aurait aussi contraint des jeunes filles souhaitant échapper à une pression religieuse conformiste, il ne reste plus qu'à l'écrire...
Par ailleurs l'extension de la "neutralité vestimentaire" hors de l'Ecole, par exemple aux sorties scolaires est un autre sujet et je ne suis pas favorable a la mise a l'écart des mères portant un foulard.
4 Nous assumons le conflit avec les visions théocratiques de la société
Le texte A les évoque, précautionneusement. Personne ne peut nier qu'elles sont alimentées par le racisme et les discriminations et notre texte est clair sur ce point.
Mais les fondamentalismes ne sont pas seulement des "objets" en miroir des souffrances causées par les injustices, ils sont des "sujets politique"s quels qu'ils soient . L'organisation de la société dans des dimensions progressistes comme le droit à l'IVG, le mariage pour tous, la mixité... sont une contrainte et une souffrance pour celles et ceux (catholiques, juifs , evangelistes, musulmans...) pour qui prime l'ordre divin. Et après ?
5 Nous sommes clairement conscientEs de l'esprit de "croisade" contre l'islam qui soude de larges secteurs de la société dans une vision en effet essentialiste. Le terme imparfait de racisme antimuslmans nous parait plus pertinent que celui d'islamophobie au nom du droit d'examen de toutes les doctrines, même religieuses.
Pour conclure
Il est positif que ce débat soit mené, et il faut porter au crédit des camarades du texte A d'avoir voulu le porter.
Positif car des courants proches (notamment issus de la crise du NPA) tendent a mettre ces questions sous le boisseau en raison de la profondeur des divisions qui les traversent sur ce point.
Notre histoire longue et notre vision de la société nous y aident :
-nos ancêtres du PSU ont été au coeur de l'engagement de militantEs ayant la foi
- nous récusons les visions unidimensionnelles de l'individu qui n'est pas plus "seulement" unE citoyen/ne qu'il n'est "seulement" unE travailleur/se
JJ Boislaroussie