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Billet de blog 21 mars 2020

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Chez moi? Chez moi? C'est où chez moi?

Confinement? Vous avez dit confinement? D'accord, mais pour obéir à l'impératif RESTEZ CHEZ VOUS, encore faut-il avoir un "chez soi"! Or, certains d'entre nous n'en ont pas...

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          Pour être confiné, ne faut-il pas détenir, en nu propriété ou non, un lieu dans lequel être confiné? Sur ce pointtons-nous à une difficulté administrative et logistique, qui semble pourtant ne poser aucun problème à tous nos journalistes, politiques, sociologues et médecins, sur les plateaux des chaînes de télévision, nous ne sommes pas égaux.

Laissons de côté l'inégalité qui oppose celui ou celle qui est confiné dans une studette de 15 m² sous les toits de Paris, à celui ou celle qui - comme moi - a l'immense privilège d'occuper une vaste maison dans un petit village de la campagne normande, avec un jardin bien agréable lorsque le soleil darde ses chaleureux rayons. Beaucoup plus facile, indéniablement, de rester confiné dans ce cadre là, même et surtout avec des enfants. Mais cette inégalité là n'est pas la pire. Le Coronavirus nous permet de prendre conscience que le simple fait d'avoir un chez soi, en toute légitimité, de quelque nature qu'il soit, ne peut pas être un luxe mais devrait être un droit...et ne l'est pas.

Aujourd'hui, en ce temps tragique de confinement, cette réalité saute pourtant aux yeux et personne ne semble s'en émouvoir. Or quel est le chiffre des personnes sans domicile, SDF, migrants, familles en déshérence...Je ne le connais pas et je crains que bien peu d'institutions - si ce n'est aucune - soient en mesure de le donner. Or ces personnes - ne nous y trompons pas, ce sont bien des personnes à part entière avec un cœur, des poumons, des yeux pour voir, un esprit pour penser, des rêves, des attentes, des peurs, des amertumes...beaucoup d'amertumes sans doute - ces personnes, que je sache, ne sont pas immunisées ni contre le covid19, ni contre tout autre virus, ni contre toute autre bactérie susceptible de se transmettre à quiconque...et de proliférer en toute liberté.

Qui pense à la mise en sécurité de ces personnes? Qui pense à la sécurité de ceux qui, envers et contre tout, tentent désespérément de les accompagner? Qui pense aux dangers qu'elles font courir à elles-mêmes, à leurs compagnons d'infortune, à tous leurs semblables donc à nous? Qui réfléchit au problème? Et pourquoi n'en parle-t-on jamais?

Dans toutes les grandes villes, il y a des immeubles, des bâtiments vides, inoccupés, et parfois certains de ces immeubles appartiennent à l'Etat, donc à nous tous. Dans certaines campagnes, il y a des maisons désertées, abandonnées, parfois des villages entiers. Puisque notre gouvernement a déclaré un "Etat d'urgence sanitaire" lui permettant, entre autre, de procéder à des réquisitions, ne serait-il pas judicieux d'y avoir recours afin de pouvoir mettre à l'abri ces personnes et leur accorder ainsi un lieu de confinement salutaire pour eux comme pour la nation?

Sans doute sommes-nous confrontés à cette indifférence face à la misère des autres si répandue dans nos contrées, mais peut-être plus encore - car je suis certaine que je ne suis pas seule à m'inquiéter de cette réalité - nous heurtons-nous à une difficulté administrative et logistique, cette même difficulté qui rend quasi insurmontable la répartition et la régulation sur l'ensemble du territoire de l'occupation des lits dans les services de réanimation: Mulhouse en détresse alors que dans certaines autres villes comme Nantes, les hôpitaux sont inactifs en ce qui concerne le coronavirus.

Je ne suis ni médecin, ni chercheur, ni soignant, ni administrateur, ni politique, ni journaliste. Je ne suis qu'une toute petite personne et j'écris en toute modestie du fond de mon petit jardin, réduite, comme beaucoup d'entre nous, à l'inaction et à l'impuissance. Je ne prétends donner de leçon à personne, j'admire ceux qui montent en première ligne pour lutter contre cette épidémie, je respecte tous ceux qui tentent d'organiser le chaos qu'elle provoque, j'exerce, autant que faire se peut, une solidarité quotidienne dans ma modeste sphère, mais de grâce, ne fermons pas les yeux sur les zones d'ombre de notre démocratie. C'est peut-être le moment où jamais d'en prendre à bras le corps les scandaleuses aberrations. D'ailleurs, voici une autre zone d'ombre qui mériterait toute notre attention: que se passe-t-il dans nos prisons? C'est encore une autre histoire n'est-ce pas...

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