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Billet de blog 3 octobre 2011

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le plateau s’éclaire violemment, des néons blancs, lui Stan et elle Audrey entrent. Il est devant agité, elle porte un sac et va se trouver littéralement sidérée par l’attaque. « Je voulais te dire que ças’arrête, ça va pas continuer, on va pas continuer, ça va s’arrêter là ». Pendant cinquante minutes, il va lui dire qu’il laquitte, qu’il ne l’aime plus, ne qu’il ne la désire plus. Mettre à mortl’amour. L’indicible, l’inaudible, ilva le lui dire, lui balancer comme autant de coups. « Clôture de l’amour », c’est le titre de la pièce.

Elle encaisse, se courbe un peu, se relève,étrangle un sanglot. Il lui intime de ne pas pleurnicher, elle n’a jamaispleurniché, elle est « la femme la plus fore du monde »« Je m’en vais, je vais faire quelques pas en arrière, je vaissaisir la poignée de la porte, la tourner, ouvrir la porte et sortir et ce sera fait ». Il ladésigne bras tendu, index pointé, se tient à distance lui ordonne le regarderen face lui interdit de plier L’acteur est en sueur, il tremble encore. Fin dupremier round.

Et c’est à sontour à elle d’envoyer. « …mais tu ne vas pas reculer, tu nevas pas faire quelques pas en arrière…tout cela non tout cela ne va pas sepasser ainsi… ». Son langage est plustrivial, sa colère est à la hauteur de ce qu’elle vient d’encaisser, elle luicrache la rhétorique, lui démonte le discours, l’envoie au tapis, lui remémoreun vol Florence –Paris où elle est folle amoureuse, des souvenirs, elle en a lapelle et ça on ne lui prendra pas. Il peut prendre la gravure au fusain, lachaise brodée, il ne lui prendra pas sa mémoire, son histoire. Elle ne craintpas l’approche, mais jamais ils ne se touchent. Les corps ne se touchent plus,Il l’écoute courbé et finit à genoux.A sec, pas de larmes, pasd’humeurs, des mots qui fusillent plus sûrement que n’importe quelleKalachnikov. L’amour est mort rien ne peut le ranimer.

Clôture de l’amour,c’est aussi une histoire de théâtre. Les deux personnages portent les prénomsdes deux acteurs, Audrey Bonnet et Stanislas Nordey, acteurs incandescentsaussi puissants dans leur écoute que dans leur monologue. Elle est interprète, il est metteur enscène. Ils formaient un couple à la ville comme à la scène, intime/extime.Pascal Rambert l’auteur, metteur en scène et directeur du Théâtre deGennevilliers ne met aucune frontière entre le privé/le public, le dedans le dehors. La vie est théâtre. La scène, dans tous les sens du terme, sepasse dans le lieu de travail (la salle reconstituée de la salle de répétitiondu Théâtre de Gennevilliers).

Entre les deux monologues des enfants viennent lesinterrompre et vont chanter « Peu à peu tu me happes... » Bashung , par un cœur de gamins. Chair de poule,les amoureux se rapprochent pensant comme il est dit dans le texte « que ça ne leur arrivera pas à eux » les autres sortent discrètement un mouchoir. Outre la beauté de l’instant, on reconnaît là encore la manière de Rambert de tenir le théâtre, y associer le public sans démagogie aucune . Cet homme-là n’a pas clôt son amour du théâtre.

Clôture de l’amour jusqu’au 22 octobre

Théâtre de Gennevilliers 01 41 32 26 26

www.theatre2genevilliers.com

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