Madame Macca inaugure une toute nouvelle manière de diriger un théâtre. Annuler des représentations et honorer le contrat de cession du spectacle . Payer des acteurs pour ne pas jouer! Mais de quoi a donc peur Madame Macca? Ci-joint la lettre ouverte envoyée par la Cie La Langue Ecarlate à la directrice. A partager sans modération.
Lyon, le 30 novembre 2015
Lettre ouverte à Madame Janine Macca,
Directrice par intérim de la régie des Théâtres Sorano - Jules Julien
Madame la Directrice,
Jeudi 26 Novembre 2015, nous avons créé aux Nouvelles Subsistances, à Lyon,
Sister, le nouveau spectacle de la compagnie La Langue Écarlate.
Ce jour-là, vos services nous ont contactés pour nous informer que vous aviez pris
la décision d'annuler les trois représentations de la pièce programmée une semaine
plus tard, les 3 et 4 décembre 2015 au Théâtre Jules Julien que vous dirigez. Vous
avez argué, pour expliquer votre décision, de l'absence de réservations sur ces
dates.
Malgré l'accord de l'ensemble de notre équipe – prête à réduire sa rémunération –
et malgré l'accord de la compagnie – prête à modifier son organisation à la dernière
minute –, vous n'avez pas non plus souhaité maintenir une de ces trois dates
comme nous vous le proposions. Vous avez préféré confirmer une décision
inacceptable.
En effet, en choisissant d'honorer le contrat qui lie la compagnie à votre structure -
le montant de la cession nous sera versé conformément aux modalités d'annulation
prévues- vous nous proposez, ni plus ni moins, d'être payé et de ne pas jouer.
La situation est inédite.
Vous préférez ainsi dépenser l'argent du contribuable sans contrepartie plutôt que
de remettre en question votre propre fonctionnement. Je me permets en effet de
souligner qu'il est du ressort d’un théâtre de contribuer à remplir sa salle - et de
l'équiper techniquement en cohérence - quand on y prévoit une programmation.
Cela s'appelle assumer ses choix et cela s'anticipe.
D'autre part la salle des Subsistances était pleine durant les quatre représentations
que nous y avons données. Les membres de l'équipe de ce lieu pourraient vous le
confirmer si nécessaire, comme ils pourraient confirmer l'enthousiasme des
spectateurs pour cette proposition.
Dans nos échanges, à aucun moment vous n'avez évoqué le projet artistique dont
vous choisissez de priver le public toulousain. Comme si, ce qui constitue le coeur
de notre mission à tous, nous acteurs culturels, n'était qu'une donnée secondaire.
Je me permets de vous rappeler que le spectacle Sister parle de la maladie
mentale, qu'il s'inscrit dans la logique du projet artistique de la compagnie La
Langue Écarlate : parler des sans-voix, de ceux que le monde n'entend pas.
… / …
Il est difficile de ne pas voir dans votre décision un désintérêt pour ce sujet, pour
les gens touchés par la maladie (1% de la population) et pour leurs familles. Il est
difficile de comprendre pourquoi, malgré nos sollicitations, vous n'avez jamais
engagé ce travail minimum auprès des malades, de leurs familles, de leurs
proches, qui auraient largement rempli votre salle (1% de la population toulousaine
= 4.500 personnes, sans compter les proches, les curieux, les soignants, etc.).
Notre spectacle est prêt à être présenté mais, de votre côté, qu'avez-vous fait
auprès des associations, des jeunes adolescents en difficultés, de leurs familles ?
Pensez-vous qu'une décision aussi peu fondée puisse passer inaperçue ? Que notre
intérêt soit uniquement financier et que la pensée de ces cachets distribués à
l'équipe puisse nous convaincre de taire une décision qui porte la marque d'un
mépris pour le public et les artistes ? Dois-je vous rappeler, Madame la Directrice,
que l'art, comme l'éducation et la santé, ne se pense pas comme une économie
rentable et que l'argent qui vous est confié par les Toulousains doit leur revenir
sous une forme immatérielle qui s'appelle la poésie ?
Nous vous prions, Madame la Directrice, d’agréer l’expression de nos salutations
distinguées.
Hélène Mathon
Pour la compagnie La Langue Écarlate
Copie Mr Francis Grass, Adjoint à la culture, Mairie de Toulouse
Copie à la presse