Tout doucement, une femme entre sur scène. Elle a 90 ans,elle est née au swatziland, un territoire d’Afrique du sud, dans « le berceau de l’humanité». Nomsa Dhlamini, c’est son nom, est nue à l’exception d’un cache sexe , elle porte des flèches,chasseresse d’un autre temps.Une petite corne sur le haut du crâne en fait unesorte d’idole. La salle retient son souffle sous le coup d’un double choc, la vieillesse et la nudité.
Impensable dans notre société où seul le corps jeuneest exhibé. Elle est rejointe par Steven Cohen, plasticien et performer né en1962. Il est blanc , homosexuel , juif, né en Afrique du sud . Elle avance à petits pas, se promène sur le plateau, modèle dans le genre installation d'art contemporain, l’image provoque un raccourci saisissant de trois millions d’années d’histoire de l’humanité. Lui, grimé de blanc, le sexe protégé d’un cube transparent, porte des petites cornes, drag queen hallucinante, faune ou diable vaudou futuriste ? Steven Cohen parle de« travestissement inter-espèce ». Très doucement il lui passe les chaînes de l’esclavage, la positionne au centre du plateau , la Marseillaise retentit à plein volume, Malaise. L’image est simpliste mais efficace. Il revient sur scène le torse couvert d’une dépouille de babouin, juché sur des talons vertigineux. Sur l’écran la même scène dans la brousse africaine. Là,on pense que l’homme est définitivement perché. Un film montre de grands singes qui volent de branches enbranches, on admire la vélocité des primates , jusqu’à ce que l’on comprenne que l’un d’eux vient de se saisir d’un petit et le dévore tranquillement sous le regard placide de ses congénères.Steven Cohen sorte de queen –ethnologue nous en met plein la figure et pose de façon très personnelle la question de la nature et de la culture, de la « civilisation » et des ses avancées. Il confronte la crudité de la chair, du sang à l’extrême sophistication d’un corps maquillé, costumé ,presque mutant. Nos deux acolytes se retrouvent au fond d’une grotte qui recèle les ossements du plus vieil ancêtre du monde. Les entrailles de la terre font écho à celles des humains. Entre les stalactites,ils jouent les hommes des cavernes à leur façon en corset pour lui et immense tutu fluo pour elle. Steven Cohen et Nomsa Dhalmini nous invitent à partager les rituels qu’ils inventent, si l’on accepte de se laisser saisir alors le voyage est intense et quasi mystique.
Jusqu’au 29 octobre au Centre Georges Pompidou à Paris dans le cadre du festival d’automne
Tel : 01 53 45 17 17
Site de Steven Cohen http://www.at.artslink.co.za/~elu/stevencohen/