Nous avons 100 jours pour devenir optimistes. Pour en conclure que maintenant est préférable à demain. Saisir la mince possibilité qu’offre la 5ème république de changer l’histoire. La porte est très étroite, j’en conviens.
En novembre 2018, sur mon premier gilet jaune, j’avais écrit sans trop réfléchir « prenons le pouvoir ». Alors que j’étais dans un mouvement social où beaucoup estimaient que les espaces de pouvoir étaient corrompus et qu’il fallait jeter tout ça aux orties. Très vite, une conscience révolutionnaire se dessina et il apparu clairement que nos représentants et la représentativité était le problème. Nous avons alors revendiqué le pouvoir par le peuple et pour le peuple. Il s’agit bien de cela : reprendre le pouvoir. Non pas pour le confier à certains qui seraient plus aptes que les autres. Mais pour en apprendre l’usage, en comprendre les ressorts, démonter ses mécanismes, apprivoiser sa potentielle violence. Il nous fallu alors, se familiariser avec les outils de la délibération, connaître le paysage des institutions, s’initier aux fonctionnements collectifs, s’intéresser à toutes ces choses de la vie en société qui nous apparaissaient lointaines. Il nous fallu aussi, lutter contre nous-même en évitant les écueils des prises de pouvoir individuelles. Faire barrage aux gourous, aux professeurs, aux généraux. Ceux-là qui auraient tendance à l’autoritarisme, au sexisme et qui ont le goût de la gloire personnelle.
Aujourd’hui en France, ça fourmille au sein des collectifs militants, dans le milieu associatif, dans les coopératives, dans la rue chaque semaine… C’est ce que les commentateurs politiques appellent une « crise démocratique ». L’expression voudrait faire croire que c’est passager, comme si le peuple avait une humeur. J’estime au contraire, pour l’avoir vécu comme une métamorphose personnelle, qu’il s’agit de l’avènement d’une autre ère. Des citoyens naissent. Ils adviennent. Ils percutent les fonctionnements traditionnels des organisations politiques. Ils réclament l’horizontalité et la parole pour tous. Ils veulent réinventer la démocratie.
Nous avons toutes les raisons d’être optimistes : tel un animal méprisé, nous changeons de peau. C’est effrayant mais tellement vivifiant ! La résistance est une joie. La création une grande source de plaisirs. Je récuse toutes les analyses désespérantes du moment, car je ressens cette force vitale et je la perçois chez certains d’entre vous.
Nous avons 100 jours pour reprendre le pouvoir. Je sais, nous en avons vécu des lendemains d’élections présidentielles et des tièdes satisfactions qui rapidement déclinent en déceptions… Peut-être que justement, nous avons été suffisamment désespérés pour avoir la lucidité nécessaire pour ne pas nous tromper, cette fois-ci. Je vais faire un pari, celui de donner le pouvoir à quelqu’un dont je crois qu’il me le rendra… C’est un pari fou. Et je ne dirai pas que j’y crois à donner ma main à couper:)). Mais je sais que nous sommes nombreux à être vigilants, à ne rien lâcher. Je vais donner mon vote. Et aussi ces cents jours et cent nuits… car c’est si peu comparé à l’enjeu de refaire une société de liberté, d’égalité, et de fraternité. A tout mes amis, qui ont refusé de parvenir et qui auraient tant de temps à employer pour ce projet, je vous demande de réfléchir à cette opportunité. Celle de refuser le désenchantement du monde, l’impuissance, le cynisme et le désespoir. Donner de son temps, de son argent et aussi de ses compétences. Ce n’est pas un cadeau, ni une confiance aveugle. C’est prendre sa part dans la suite du monde. Nous déléguons trop de choses et en particulier les sales boulots : vider les poubelles, accompagner les mourants, tuer les animaux, organiser la vie en société… Nous confions à d’autres ces tâches ingrates et nous en avons perdu le sens de la responsabilité (et peut-être aussi le sens de la vie).
Nous avons 100 jours pour retrouver le goût de la victoire. En campagne !