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Billet de blog 7 août 2025

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L'effacement de la Palestine

Loin d'être une conquête par de nobles pionniers dépossédés, ou octroyé par un occident honteux, Israël est l'instrument froid, planifié et implacable de ce même occident désormais globalisé. Instrument qui réclame l'effacement de la Palestine pour que le mythe de ses origines coïncide avec la réalité. L'histoire récrite à l'envers.

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Illustration 1

Pour Israël, il est impératif de raser Gaza et la Cisjordanie. Essentiel, impératif parce qu'il en va de leur roman national, celui qui depuis 76 ans proclame "quand nous sommes arrivés, il n'y avait personne".

Peu importe qu’il s'agisse de récrire l'histoire à l'envers en effaçant aujourd'hui, le peuple dont on a dit qu'il n'était pas là, hier. L'important c'est que le futur seul porte la trace du passé, et que le présent soit un éternel aujourd'hui, celui de la présence israélienne sur ces terres.

Que demain, des archéologues déterrent des jouets d'enfants palestiniens, des outils, des livres, au milieu de fragments d'obus israéliens, est sans conséquence. Les regrets qu'on exprimera dans de vibrantes élégies dans deux cents ans vaudront à leurs auteur-es une admiration sans borne. Celle de ce qui, dans deux cents ans ne sera même plus de l'hypocrisie, mais un joli deuil posthume, exprimé par les vainqueurs qui n'en seront que plus superbes de générosité. Comme Sfar, Sinclair ou Horvilleur il y a deux mois, qui tentent de se racheter des horreurs qu'il et elles ont dites. Le temps efface non seulement la douleur, mais aussi la vérité, la décence.

Ces événements - l'effacement de la Palestine - sont une œuvre occidentale. Tout comme Israël, une fois débarrassé des guenilles du mythe vieux de moins de cent ans, est une œuvre occidentale.

Occidental : le système-pensée de ces parties du monde issues de l'impérialisme européen, japonais, russe ayant déployé diverses variétés de capitalisme ou de capitalisme inversé.

Israël est tout autant un produit, un instrument, une plateforme directement généré par les puissances européennes que par les russes de l'époque soviétique. Ceux-ci ont autant contribué à l'existence d'Israël par réaction et opposition exactement proportionnelle, que par participation à travers l'ONU, ou l'expulsion-émigration des juifs russes.

Israël, on peut risquer une définition : l'inespérée occasion pour la civilisation européenne de purger d'un coup les derniers lambeaux de la mauvaise conscience chrétienne, et les foireuses excuses à ses visées stratégiques au Moyen-orient.

On rechigne, on râle, on se plaint des actions israéliennes depuis 76 ans mais on n'empêche rien, on ne remet rien en question, on ne fait rien pour que les pays qui entourent ce porte-avion, cette caserne occidentale, ce laboratoire du capitalisme militarisé et sécuritaire ne soient pas menacées. Parmi elles - ces nations moyen-orientales - il y a des collabos heureux. Les saoudiens. Il y a des collabos honteux, comme les jordaniens, les libanais, certains émirats. Il y a des alliés honteux : les turcs. Il y a des ennemis discrets - les turcs encore - des ennemis déclarés - l'Iran - des ennemis encombrants, maladroits, incompétents, comme la Syrie.

Israël est donc le nom du déséquilibre savamment entretenu de toute une région riche en pétrole et gaz, et formant un verrou géostratégique primordial. Ce déséquilibre revient paradoxalement à une forme de constance, de sureté pour l'occident. S'il y a bien une chose certaine au moyen-orient c'est son incertitude entretenue grâce à Israël.

Donc bien loin de la fallacieuse explication au bordel israélo-palestinien consistant à dire que c'est la faute des nations européennes qui s'en sont mêlé alors qu'elle ne devraient pas, il est évident qu'Israël est une fabrication occidentale, volontaire, assumée, développée.

J'ai une amie israélienne. C'est atroce pour elle, comme pour mon amitié pour elle. Parce que se savoir bourreau malgré soi, tout en ayant un attachement bien naturel pour l’endroit où on est né, tout en sachant au plus profond de soi que sa légitimité politique et humaine à occuper cet endroit est franchement branlante, est une situation de souffrance permanente.

Ainsi, tout le monde est malheureux : les habitants du coin, les alliés ou ennemis, les collatéraux, les populations qui, sur la planète, conçoivent une réelle empathie pour le sort des habitant-es de cette région.

Ça fait beaucoup de monde. Beaucoup de monde qui souffre sans qu'il soit possible de justifier une instrumentalisation froide, planétaire encore, planifiée, périodiquement rectifiée et réglée comme on règle un instrument, un outil. La rage des religieux fanatiques israéliens, la honte de certains gauchistes, l'hypocrisie des élu-es israélien-nes, les mains pleines de sang des soldats de vingt ans, ou le calvaire des objecteurs de vingt ans... toutes ces violentes émotions, ces drames, ces morts : instrument.

L'histoire du futur récrite aujourd'hui, l'effacement : instrument.

L'histoire du passé récrite pour être lue demain - fausse, sans vergogne : instrument.

Un dernier mot : ce qui est vrai d'Israël - instrument entièrement fabriqué en vue de continuer de dominer une situation économique-politique locale avec ses échos mondiaux, est vrai pour tout le reste. L'instrumentalisation de nos vies est totale. Presque totale ? Bientôt totale.

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