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14/10 – Pas tiédeur, pas lâcheté : nuance.
Je postais hier un reel sur cette écrivaine, Maria Pourchet, qui parle de nuance. Elle ne dit pas « tiédeur », elle ne dit pas « imprécision ». Elle dit « nuance ». Nuance, ça veut dire justement être précis, exact, complexe, riche. Honnête.
Or je vois fleurir de ces « memes » qui représentent un soldat israélien comparé à un soldat nazi, brassard à croix gammée etc.
J'abomine la politique israélienne. Comme je méprise le Hamas, qui ne représente rien d'autre que lui-même et rackette Gaza depuis près de vingt ans.
Alors tout de même, une précision. En tant que libertaire je déteste les Etats et ne leur trouve aucune légitimité. Mais, le nazisme est une chose précise. Israël est gouverné par une extrême-droite infusée d'ultrareligieux. Soit. C'est aussi un pays où la semaine dernière encore, des rassemblements monstres manifestaient contre ce régime d'extrême-droite. Rassemblements qui durent depuis 4 mois.
Où a-t-on vu que le nazisme tolérait des manifestations contre son régime ? Où a-t-on vu que d'autres régimes totalitaires, staliniens ou de l'extrême-droite latino-américaine (Chili par exemple) toléraient qu'on manifeste contre sa politique ? Toléraient l'existence d'une gauche, et même d'un antisionisme ?
Pour rappel, Macron a interdit qu'on manifeste contre Israël... Qui est le plus intolérant ?
Tant qu'on se préoccupe de grandes envolées lyriques et de principes sans fondement ni rapport avec la réalité complexe, on souffle sur les braises. Tant qu'on fait du campisme, on est à côté de la plaque, on parle comme un Etat, et on oublie qu'à Gaza (et dans les territoires) ça fait 17 ans que la situation est intolérable, et que parallèlement, il est monstrueux d'attaquer des kibboutzim en massacrant tout le monde. Surtout quand on sait, comme le sait le Hamas, que les représailles seront terribles.
Tant qu'on fait du campisme, on fait en vérité le jeu de l'un comme de l'autre bourreau. On est aussi aveugle, aussi théorique, hors-sol que le Hamas et Netanyahou. Qua d on commence à se poser la question des gens, on est obligé, enfin, de renvoyer dos à dos les bourreaux.
On cesse de réclamer une révision de l'histoire et on se bat aussi, avec acharnement pour une solution politique au conflit, on imagine des solutions sociales et libertaires (si on en a le cran) au lieu de règlements supranationaux qui plairont à l'occident sans fâcher Ankara ou Riyad, ou Téhéran. On renvoie également dos à dos les politicailleries minables et nauséabondes franco-françaises, allant de CNews à Elisabeth Borne lorsqu'elles sabotent tout débat et toute critique d'Israël. Il en aussi qui assistent à des cérémonies en soutien à Israël, qui ne se déplacent pas pour les centaines de morts civiles à Gaza. C'est évidemment le reflet de la complaisance séculaire à l'égard d'Israël, même quand elle se rend coupable du pire. Cette complaisance est évidemment, elle, le reflet du racisme sous-jacent français à l'égard de sa propre population d'origine arabe.
Enfin, et surtout, qu'on arrête de dire des conneries. L'Allemagne nazie c’est une terreur d'Etat. C'est une adhésion monstrueusement majoritaire à un idéal de haine, de race, et de massacre justifié. C'est Nuremberg et les descentes aux flambeaux. Un peuple et son chef indiscutable, prêt à mourir et tuer.
Ça n'est pas 4 mois de manifestations rassemblant des millions contre une politique d'extrême droite et demandant qu'on mette fin justement à la politique de colonisation des territoires palestiniens.
Si on est incapable de nuance, c'est qu'on a peur d'être confondu avec "l'autre camp". c'est qu'on est pas sûr de soi et de ses idées. C'est qu'on choisit la facilité d'être du côté du manche et de la force de frappe. C'est qu'on s'est soumis à la logique de parti. C'est qu'on est un pleutre.
Ma grand-mère, juive, victime de guerre et mon grand-père résistant du premier jour, juif aussi, pensaient qu'être juif c'était être du côté de ceux et celles qui souffrent.
Point.
Fin de la discussion.
Ils se sont placés d'un point de vue très simple:
« Je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Tu choisiras la vie ... » (Deut. 30:01 à 30:19)
En toutes circonstances, on choisit la vie. Parfois, le risque de mourir s'il entraîne qu'on peut sauver des vies.
Ces lignes sont précédées du conseil suivant, et qui ne sort pas de la bouche de Dieu :
« ... cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte ».
Elle n’est pas dans les cieux, pour que tu dises : « Qui montera aux cieux nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? (...)
Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. »
Partis, Etats, chefs et guides spirituels. Autant de déjections.
Seule compte la lutte pour que nous nous affranchissions nous-mêmes des maîtres, des frontières, de leurs folies
17/10 – Écraser les possibilités de compréhension
C'est quoi ce délire en ce moment de parler de religion, de rappeler qu'elles sont néfastes etc etc ?
Rapport à l'actualité, me dit-on.
Mais quel rapport ? Parce que le ni le Hamas ni le gouvernement israélien largement composé d’une extrême droite religieuse n'invoquent Dieu pour faire leurs saloperies. C'est bien la particularité du moment.
Cette guerre est coloniale et ne prétend même pas être autre chose.
Comme d'habitude l'occident plaque sa vision des choses sur un évènement dont la nature est évidente. L'occident écrase les possibilités de compréhension du conflit à des principes qui l'arrangent pour pouvoir continuer de traiter les choses à coups de phrases grandiloquentes dignes d'un pharmacien franc-mac de province, d'un meme sur Facebook, ou d'une péroraison de député socialiste à l'Assemblée.
Du vent, et une manière de se débarrasser de la question.
De la même façon que dire "terroriste" permet d'empêcher le débat, dire "guerre de religion", ou "fanatiques religieux" permet d'évacuer l'épaisseur et d'aller se remettre les pieds au chaud devant sa télé.
Ça permet surtout de ne pas évoquer l'horreur de la vie à gaza et celle de l'occupation israélienne, ni de parvenir à déplorer à la fois les victimes israéliennes et gazaouis
C'est, comme d'habitude dans ce pays, du vent sous la queue pour ne pas avoir à débattre.
20/10 – Choisir la vie
On s'acharne à vouloir que ce conflit trouve ses motivations dans la religion, alors qu'il est une vilaine histoire de territoire, d'entêtement, d'intérêts atrocement ramifiés, qu'on tente malhonnêtement de rhabiller des guenilles des bons sentiments occidentaux - dont l'universalisme, l'autre nom du colonialisme.
La semaine dernière je publiais cette phrase tirée de la Torah, livre Devarim 30:19 (en français, le Deutéronome) : "j'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Tu choisiras la vie ..."
Voici un hadith (parole du Prophète non incluse dans le Qoran, mais autorisée) qui le prolonge :
"Celui qui aime ... meurt en témoin véridique".
"Témoin" en arabe - shahîd - est le même mot que "martyre" en grec.
Choisir la vie, pratiquer l'amour jusqu'à sa fin -la sienne, celle de sa vie - voilà des paroles qui devraient nous nettoyer les oreilles des monstruosités du moment.
29/10 – Terra nullius, humains annulés
Certains medias israéliens parlent de "deuxième Shoah", à propos de l'attaque du Hamas. Je viens de l'entendre, complaisamment relayé, sur Arte.
Israël, dit le reportage, est dans une situation de survie. Les métaphores, les adjectifs grandiloquents, suivent. On se plaindrait aussi de l'incompréhension de l'occident...
Les voisins, turcs, arabes, iraniens ne menacent plus Israël depuis longtemps. Mais la légende continue d'être ânonnée, comme on récite une prière pluri centenaire, avec cantillation et force hochements du buste.
C'est un ensemble mythologique moderne : il n'y avait personne quand nous sommes arrivés ; on ne fait que se défendre ; c'est David contre Goliath ; les arabes ne savaient pas faire pousser d'oranges ; tout le monde en Israël est uni ; ce sont les Palestinien-nes qui ne veulent pas la paix...
Pendant ce temps Tsahal (le "fer de lance") bombarde des civils, sans problème. Les empêche de sortir, en en faisant des victimes autant du Hamas que d'Israël.
Collusion de l'immonde.
Collusion du monde.
Parce que contrairement à ce qui se dit dans ce reportage d'Arte, l'occident des États soutient Israël. Et ce ne sont pas les demandes et conditions exprimées par l'Occident (et le reste du monde) qui signeraient une "mollesse" du soutien.
Parce que ne rien dire, ne rien faire, ne même pas s'exprimer sauf pour éventuellement demander que se fasse un couloir humanitaire, ne fait pas que les États occidentaux rechignent à soutenir le bourreau. Ça fait qu'ils se gardent de rien dire sur les Palestinien-nes. Donc que leur soutien est entier, pour Israël.
Il n’est pas jusqu'à la France qui, peut-être pour montrer qu'elle est le bon élève de la "communauté mondiale", et donner des gages de non-confusionnisme, interdit qu'on manifeste pour la Palestine, contre Israël.
Mais tout de même les chiffres. Déjà 8000 (au 29/10) civil-es plaestinien-nes massacré-es par les obus et les bombes israéliennes, et une démonstration mondiale de soutien au peuple sous les bombes. Des articles internationaux à foison, intelligents, nuancés, précis, qui veulent débattre des torts et des attentes, des besoins, de l'histoire, mais aussi de l'avenir. Sauf évidemment en France où l'on ne débat pas, l'on assène, l'on campe, l'on fulmine.
David contre Goliath.
David défait Goliath d'un coup de fronde bien placé, devient roi, exige de posséder Bethsabée, qui ne sait aucunement le désir du roi, complote pour que son mari légitime meure infailliblement au combat, et passe la fin de sa vie à pleurnicher sur sa culpabilité en tressant des psaumes à Dieu.
Quelle était la légitimité d'un berger à monter sur le trône, quelque fut son adresse, et quel droit à prendre la femme des autres, à conspirer à la perte de ses ennemis, pour finir en bigot craintif des foudres de Dieu ?
Il y a une parabole ici. Et qui n'est pas avantageuse pour Israël.
Pour le reste nous avons notre honte d'être humains, sans trouver dans les manifestations, même mondiales, la fierté d'être humains.

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29/10 – Qualifier l’autre d’animal
Le nazi Heidegger promettait des chemins qui ne mènent nulle part.
Son œuvre revient à un super-essentialisme : l'Être c'est la patrie, les seuls vivants sont ceux qui se sont fondus dans le Vaterland, c'est à dire dans l'essence-même de l'Être. Pour les autres, il ne s'agit que "d'étants", des entités sans réelle consistance ontologique, dont Heidegger était allé jusqu'à dire que n'ayant pas d'accès au "sol", ils n'avaient pas d'existence, et qu'en conséquence ils n'avaient pas pu mourir dans les camps. Il s'étonne dans une conférence de 1949 : "meurent-ils ?".
Et de drainer à sa suite une cohorte interminable et prestigieuse, dont beaucoup de ces émules ou admirateurs-trices ne le remettent jamais en question (Arendt, Agamben, Derrida, Zizek, Nancy, Badiou...) mais au contraire aggravent la destruction, la soi-disant déconstruction qui est surtout une fuite en avant vers la fin des temps. Même Levinas parfois succombe à l'essentialisation.
Il pose un super-essentialisme. Et cet essentialisme fait deux choses. D'abord il pose que sans ancrage territorial, animé d'une mythologie-idéologie, on n'est pas vivant, on ne mérite pas de vivre. On ne fait que passer, et passant, le fait qu'on meure est indiffèrent.
Ensuite, il défait, décroche, détruit la pensée, la philosophie, la raison, l'éthique, la relation de Je à Tu, pour tout fondre dans le Vaterland-Être. Il n'est plus besoin de penser, Heidegger s'en est chargé. Il est question maintenant de défaire et d'obéir à la race.
Les chemins ne mènent nulle part parce qu’ils n’ont plus besoin "d'aller". Le temps et l'histoire sont terminés. Ils se résolvent dans l'essence : sol, sang, mythe, idéologie, obéissance.
Plus besoin "d'aller", il suffit d'être. Si les conditions sont réunies.
Alors, qualifier les Palestiniens d'animaux, taire la souffrance de l'autre pour ne mettre en pointe que la sienne, seule digne, seule réelle, seule vraie, n'est-ce pas strictement de l'essentialisme ?
Parer le bourreau de grands tropes romantiques - solitude, souffrance, cœur, arrachement, nuages noirs et bibliques, hugoliens en fond de tableau - c'est le faire exister, épais, beau, tragique, scintillant. C'est lui concéder à lui seul la réalité, celle d'être doté d'une essence, visible par les signes de la passion, du tragique.
L'autre est un animal. Qu'il meure, oui bien sûr, c'est comme dans les abattoirs industriels, c'est moche, mais bon, c'est ainsi. D'ailleurs sont-ce bien des humains ? Et d'ailleurs "meurent-ils" ?
L'unique discours entendu est celui de l'essentialisation, les israéliens sont, les français sont, les italiens sont, les palestiniens sont, les américains, ukrainiens, russes... sont.
Henri Meschonnic qualifiait la pensée de Heidegger de national-essentialisme. Et il épinglait ceux qui s'y compromettaient ou lui concédaient trop complaisamment leur travail, et leur cécité bienveillante. Ce sont eux qui ont formé notre pensée en grande partie.
Il est temps de se remettre à penser vraiment et reprendre : le sujet, la création, la singularité, le nuancé, le précis, le flou aussi et au même titre que le précis, le poétique, l'éthique, la lisière, le corps, le corps, le corps, le tissé, l'indicible, le tendre.
Le continu.
La compréhension que le nom n'est pas la chose. Et que les choses ne "sont" pas, mais s'accrochent à d'autres choses, qui sans cesse coulent, continument. s'étalent, se condensent, s’effilochent - toi, moi - forment le point de départ d'autres choses, ou leur arrivée.
Pour cela : s'ancrer oui, mais de partout, petitement, patiemment. Quitter, refuser, repousser la nation, l’État, les raisons supérieures... leurs frontières et leurs flics, leurs moulinets de bras et leurs adjectifs imbéciles.
Ou au contraire lever l'ancre. Ne pas s'ancrer, partir, échapper, faire le pas de côté.
Ou encore, faire du départ continu son ancrage, manière d'être.
Peu importe d'ailleurs.
Quitter les menues séparations dont on se drape comme dans des plis bibliques, et trouver à redire "Je", "Tu", se plaire à l'indécis, cesser de théoriser grand, et pratiquer fin, complexe, intriqué, continu.
30/10 – Bienveillance et relativité
Comme souvent, les grandes citations tragiques, à la mode "bienveillance" sont borgnes.
On aime à citer Einstein, je ne sais pas pourquoi un physicien aurait meilleure voix éthique que n'importe qui d'autre, mais passons. Il dit :
"le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui restent là, et qui ne font rien".
Or, nous faisons. Nous, les gens, les gens de la rue, des bureaux, des usines et des ports, des champs, les pas riches, les franchement pauvres et victimes du monde, et les pas forcément souffrants mais qui ont du cœur. Nous faisons. Tous les jours, nous manifestons, nous sabotons quand nous pouvons, nous éduquons nos gosses, nous écrivons, nous militons, nous construisons des alternatives, des expérimentations.
"Même en Israël" ça fait des mois que "les gens" se lèvent contre un régime colonial et d'apartheid.
Ceux qui ne font rien sont ceux qui ont été élus pour faire, soi-disant.
Et même eux ils font.
Ou, ils agissent en fabriquant les systèmes de guidage de missiles, la chimie embarquée dans des ogives balistiques. En décourageant l'expression démocratique, en tabassant leur population, en faisant des simagrées dans des dîners dispendieux où l'on discutera de ce qu'il faut faire, laisser faire, ne pas faire.
Si, Albert, toi qui savais bien lever la main sur ta femme, le monde sera détruit par nos actes, et d'autres s'y opposent.
Ferme ta gueule.
6/11 – Dire « génocide »
L'émotion est une chose, les opinions individuelles en sont encore une autre. La définition et la qualification juridique, au plan international d'un fait, d'un acte en sont encore une troisième.
Génocide n'est pas une idée variable, changeante selon l'avis des uns et des autres, elle reçoit une acception spécifique en droit. De la même façon que la notion de crime de guerre.
8/11 – Variabilité de la vérité
Racisme et antisémitisme, apparemment sont des choses manipulables de manière différenciée :
Marche contre l'antisémitisme dimanche à Paris à laquelle la fasciste le Pen s'est invitée.
Loi immigration pour laisser dehors les étrangers, loi raciste où toutes les parties de la droite extrême jusqu'au centre sont d'accord pour laisser crever sous nos murs barbelés et hérissés d'armes syriens, palestiniens, béninois, afghans, kurdes, congolais...
Écartèlement des sincérités : déchirement des êtres,

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9/10 - Les massacres d'aujourd'hui préparent les massacres de demain
Le Hamas, bien qu'il ait agi avec d'autres mouvements politiques, dont le FPLP (non-confessionnel, de gauche et fort ancien) se pose au-devant de l'action du 7 octobre.
Netanyahou et sa bande de fascistes et religieux, bien qu'il représentait, avant le 7 octobre, un repoussoir pour une grande partie de son pays, se place au-devant de l'action militaire et politique israélienne.
Tous les deux prennent toute la place.
Tous les deux entraînent leur peuple dans l'ouragan. Tous les deux donnent des raisons à tout le monde de détester ce qui les arrange de détester : les arabes pour les un-es, les juifs-ves pour les autres.
Au milieu du champ de bataille : les palestinien-nes enfants, vieillards, femmes, non-combattant-es.
Au milieu du champ de bataille, les arabes ici et là que leurs bourreaux habituels (fascistes, police, états) trouvent à tourmenter avec de nouvelles justifications et autorisations aux plus hauts lieux.
Au milieu du champ de bataille, les juifs-ves ici et là que leurs ennemis anciens ou nouveaux commencent déjà à tourmenter.
Imaginons la scène d'ici à peine quelques années : de nouveaux camps, de nouveaux cadavres ambulants en pyjamas rayés, et qui tenteront de comprendre comment le destin, Dieu, leur gouvernement, le diable, les autres, forcément les autres, les auront menés là, détestés et bientôt mort-es...
Certain-es trouveront des raisons d'ailleurs : le destin, Dieu, leur gouvernement, le diable, les autres, forcément les autres...
Peu auront les écailles tombées des yeux pour admettre leur propre suivisme, leur propre essentialisme, leur propre complaisance folklorique, leur propre acharnement, leur propre attachement insensé à l'absurdité, et leur propre répugnance à se quitter les écailles des yeux, à vivre décillé-es, limpides...
Jusque dans les camps, où se côtoieront arabes et juifs, Erythréens refoulés et Syriens piégés, gauchistes, et incompris pareillement, on invoquera Dieu pour le louer de sa sagesse ou le maudire, se maudire, maudire les autres, s'en vouloir de s'être laissé piéger, d'avoir fui un pays en flammes, ou traversé la mer à la nage, ou continuer d'interroger le gardien de camp en lui disant que c'est une erreur, car moi je ne suis pas comme mes co-détenu-es, je suis innocent, ou plus riche, ou de meilleure naissance.
On finira bien tous-tes par tomber face en avant, mort-es déjà avant que de toucher le sol, frappé-es ou non par un éclair de compréhension, ou un ultime éclair d'illusionnement (Dieu, les autres, le diable, la politique), ou un souverain éclair d'absence de raisons...