L'hiver du monde ?

La Chine, le Japon, la Corée se rencontrent pour former une alliance commerciale inédite.

Le Canada et le Mexique se désolidarisent des États Unis et lui imposent à leur tour des taxations énormes.

L'Europe se cherche une position à la fois unie au sein des ses institutions, non menaçante envers la Russie tout en prônant la fermeté, et déclare ne pas fermer la porte aux États Unis, tout en commençant les sanctions économiques.

En disposant de moyens de pression là aussi inédits, le Kremlin a rebattu entièrement les cartes. Ses moyens de pression ce sont les affaires troubles et mafieuses passées entre la Russie du crime et Trump. C'est aussi l'habile trame de flatteries personnelles à l'encontre de Trump dont l'ego est hypersensible, et d'encouragements à mettre en place la politique la plus inégalitaire et la plus déstabilisante possible, mettant à nu la structure même de la chose étasunienne.

Un joueur de golf bravache, stupide et surprotégé par sa naissance, sa fortune et son système, ne peut pas rivaliser avec un joueur d'échecs formé au KGB, survivant de tous les coups tordus des quarante dernières années et au pouvoir depuis dix ans.

Une fourchette aux échecs c'est un mouvement de ses pièces qui permet de menacer deux pièces de l'adversaire à la fois.

Il en faut peu pour que l'égotisme fou de Trump cède a la fascination qu'il a pour Poutine et aux manœuvres de celui-ci.

Fourchette.

En un coup, Poutine obtient de Trump que celui-ci se désengage de l'Europe, laisse l'Asie partir de son côté, ouvre le Moyen-Orient, désamorce l'Europe qui ne pèse plus grand-chose, et fragilise l'Amérique du nord comme jamais.

Le coup, préparé depuis des années à coups de gaz et pétrole, d'attaques militaires, d'oligarques, d'assassinats ciblés, de financement de projets immobiliers et autres partout dans le monde, de hackings massifs, de corruption de politiciens occidentaux et étasuniens, d'intoxications médiatiques, le coup c'est d'avoir favorisé l'élection de Trump et de l'avoir émargeant sur la liste de débiteurs du Kremlin.

Trump peut même penser qu'il n'est pas téléguidé par l'influence russe et les manipulations de son entourage. Peu importe, c'est le résultat qui compte.

En obtenant que Trump se désengage de l'Ukraine et retire le parapluie étasunien sur le monde, avec ce coup là, tout le reste suit. Les cartes sont entièrement rebattues.

Ça ne rend pas la Russie militairement plus efficace. De toute son histoire c'est le nombre qui l'a servi, pas la subtilité tactique.

Ça ne la rend pas plus sympathique, ni plus attirante, mais plus menaçante oui, avec les US dans sa poche aux mains d'un mec prêt à tout.

Mais ça met un paquet de monde dans son autre poche : sans USAID et autres plans de financement étasuniens, des pans entiers de l'Afrique changeront d'amitiés, le Moyen-Orient, il n'y a pas de raison, avec l'appui iranien, sera bien content d'ouvrir ses marchés à la Russie, de reconstruire son infrastructure détruite par les Ricains et les déséquilibres qu'ils ont causé, avec l'aide russe, iranienne, et petrodollars arabes.

Et pendant que l'Europe se provincialise, privée des subsides coloniaux français et anglais, de nouveaux pays tombent dans l'escarcelle russe ou se fragmentent en nouvelles petites principautés énervées et jalouses.

Ceux qui ne choisissent pas de camp sont soit isolés, soit financés par la chine-japon-corée, le troisième joueur. Celui-ci disposant de la fortune astronomique chinoise et de la qualité industrielle japonaise et coréenne n'a pas besoin de menacer, seulement de proposer mieux et moins effrayant que les russes, étasuniens, européens.

Et pendant que tous ces blocs se reconfigurent, les glaciers ont entièrement fondus, l'Himalaya ne fournit plus d'eau à l'Asie, la multiplication des joueurs multiplie aussi les usines, barrages, dérégulations, pollutions...

"Systémique" ça veut dire "qui a les caractéristiques d'un système". En changeant la place et l'influence des joueurs, c'est l'ensemble qui change de caractéristiques.

Ce qui ne change pas, c'est le système surplombant, englobant, de l'ultralibéralisme à caractère féodal-fasciste.

L'hiver du monde sur une planète qui brûlera.