
Ce poème, lu ici en espagnol, a été écrit en décembre 1916. Karl Liebknecht avait été arrêté après la manifestation organisée par son courant politique, en pleine guerre , en plein Berlin pour le 1er mai 1916. Il sera condamné à quatre années de prison et libéré par la révolution en octobre 1918. Lors de l'écriture de ce poème, il venait d'être transféré de Berlin à la prison de Luckau.
https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/ https://www.youtube.com/watch?v=rd1gj2ZFt5s
Vous me volez la terre, mais pas le ciel,
Il n'en reste qu'une mince bande où mes yeux
Peuvent s'accrocher :
A travers les mailles de la grille,
Entre les barreaux de fer,
Sous l'étau des murs pesants ...
Mais c'est assez
De voir le bleu divin, resplendissant, du ciel
D'où descend la lumière
Qui s'obscurcit en approchant
Et d'où parfois aussi
Tombe en dansant un bruissement léger
d'oiseaux ...
C'est assez qu'une vive corneille noire et bavarde,
Amie fidèle des jours de prison,
Me fasse voir un être au libre vol
Et qu'un nuage voyageur m'offre sa changeante
image,
Ce n'est qu'une toute petite bande de ciel ;
La nuit dernière,
La plus claire étoile a brillé dans ce bout de
ciel
La plus claire étoile du firmament a paru
Et ses rayons ont jailli des extrémités de
l'espace céleste
Plus clairs, plus brûlants
Avec un plus jeune éclat dans le trou de ma cellule
Que pour vous autres dehors ;
Elle jetait ici sa petite tache de lumière.
Vous me volez la terre, mais pas le ciel ...
Il n'y en a qu'une mince bande maigre
A travers les mailles de la grille,
Entre les barreaux de fer ...
Elle rend les sens de ce corps,
soulevé par une âme libre,
Plus libres que vous ne le fûtes jamais,
Vous qui aviez cru,
Sous les chaînes
De cette prison m'anéantir.
Source : Karl Liebknecht. Lettres du front et de la geôle (1916 - 1918). Fac-similé de l'édition originale réalisé pour Les Editions du Sandre, Bibliothèque rouge). Edition originale Librairie de l'Humanité, 1924. Traductions Francis Treat et P. Vaillant-Couturier.
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Dans sa première lettre de Luckau à son épouse Sonia, il écrit le 11 décembre :
Aimée,
... Mon transfert s'est fait très discrètement ... Je suis très bien. Ne vous inquiétez pas pour moi. Cellule ample avec un poêle de faïence; grande fenêtre que je peux ouvrir moi-même, table, cuvette et même assiette et couteau, fourchette et cuiller. Une seule chose est pénible - 11 à 13 heures de lit. Mais je m'y ferai à tel point, tu verras, qu'en 1920 tu auras lieu de t'en réjouir! Je suis affecté à la fabrication de chaussures, mais je travaille dans ma cellule. Pendant quinze jours, le travail productif n'est pas obligatoire. La prochaine quinzaine, je devrai fournir un tiers, la suivante deux tiers; Puis, après 6 semaines d'apprentissage, je devrai arriver à la production entière.
Pour l'heure, je suis un embryon d'apprenti cordonnier. Dans les moments libres - (le dimanche et aussi pendant la pause, les jours ouvrables) - on peut lire et écrire. La bibliothèque de la maison paraît avoir de bonnes choses, naturellement rien que des classiques ... Il est à croire que bientôt je pourrai puiser dans ma propre bibliothèque, mais naturellement par petites quantités. De même, je pourrai me servir d'un peu de papier pour écrire. peut-être m'en enverras-tu bientôt comme tu le faisais déjà pendant l'instruction.
La cour où l'on se promène est très grande. De l'autre côté des murs, on voit des arbres, et d'autres choses agréables - parmi lesquelles une église gothique en briques, point du tout négligeable, avec une nef gigantesque. dans la cour un poirier, et une ébauche de jardins (légumes et fleurs, primevères et pensées). Naturellement nous nous promenons en rang.
Vous ne pouvez m'écrire et je ne puis vous écrire qu'une fois tous les trois mois, sauf affaires de famille urgentes. Seuls les femmes, enfants, frères et sœurs, peuvent écrire. Même règlement pour les visites J'espère bientôt avoir de bonnes nouvelles de toi et des enfants. En tout cas, pas de soucis pour moi. Sur les 1460 jours, déjà 38 de passés, c'est-à-dire à peu près la racine de 1460 ...
Je dois terminer. Je t'embrasse et te serre contre moi mon cœur. Mille baisers aux enfants J'espère qu'ils seront sages, affectueux et appliqués, et qu'ils n'auront pas trop de chagrin à cause de moi.
Beaucoup d'amitiés à tous les parents et amis.
Ton Karl.