Hend Jouda
Que signifie être poète
en temps de guerre ?
C’est demander pardon
et encore pardon
aux arbres brûlés
aux oiseaux sans nid
aux maisons broyées
aux longues entailles au flanc des rues
aux enfants blafardsavant et après la mort
aux traits de chaque mère affligée
[ou tuée !
Que signifie être en sécurité en temps
[de guerre ?
c’est avoir honte de son sourire
de son corps bien au chaud
de ses vêtements propres
de ses longs moments d’ennui
de ses bâillements
de sa tasse de café
de ses proches encore vivants
et d’être rassasiée
d’avoir de l’eau courante
de l’eau propre
de pouvoir prendre un bain
du hasard qui veut que l’on soit encore
[en vie
Ah ! Dieu
je ne veux pas être une poétesse
[en temps de guerre !
Confiance
Je suis la femme des fenêtres grandes
[ouvertes
Je n’aspire nullement à m’abriter du vent
et la lumière vive ne blesse pas mes yeux
Mon âme est une ville pour tous ceux qui
[sont las
Je marche dans moi-même avec
[la confiance des fous
Un papillon qui danse autour de son
[trépas
Habitée
Ma chevelure n’était pas noire avant
[ce jour
mais je l’ai repeinte avec un pan de nuit
et la voilà obscure
Mon cœur n’était point rayonnant
[auparavant
mais j’ai volé deux étoiles, les ai placées
[à ses entrées
et le voilà luminescent !
J’ai découvert, pour mon bonheur
[ou mon malheur
que j’étais habitée par la nuit
de ce fait, l’obscurité ne me surprend
[guère
et que j’étais habitée par la lumière
Ce qui brille ne m’étourdit point !
Hend Jouda est née en 1983 à Gaza. Sa famille est originaire de la ville d’Asdod, qu’elle
a quittée en 1948. Poétesse et nouvelliste. Elle a publié deux recueils de poèmes,
Toujours, quelqu’un s’en va (2013) et Pas de sucre dans la ville (2017). Au milieu de
la guerre de 2024, elle a réussi à se réfugier en Égypte. Parution en français : Une
poétesse en temps de guerre, éditions L’Harmattan, 2025 (traduction de Nada Yafi)