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Billet de blog 8 décembre 2023

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Un poète que l'on tue ...

UN MAGNIFIQUE HOMMAGE. De Lorca et du poème écrit par Aragon, chanté par Ferrat à Refaat Alareere, en Palestine assassiné. "Et cette bouche absente et Refaat qui s'est tu, emplissant tout à coup l'univers de silence. Contre les violents tourne la violence. Dieu le fracas que fait un poète que l'on tue."

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Illustration 1

https://www.youtube.com/watch?v=YnPQg5b4sjU


Un poète qu'on tue (Refaat Alareer tué dans une frappe à Gaza, nuit du 7 au 8 décembre 2023) © Scardanelli20

Si je dois mourir

Tu dois vivre

pour raconter mon histoire

pour vendre mes affaires

pour acheter un morceau de tissu

et quelques ficelles

(fais-le blanc avec une longue traine)

Pour qu'un enfant quelque part à Gaza

regardant le paradis dans les yeux

en attendant son papa parti en fumée -

sans dire adieu à personne

pas même à sa chair

pas même à lui-même

vois le cerf-volant

mon cerf-volant que tu as fait

s'envolant tout là-haut

et pense un instant

qu'un ange est là

ramenant l'amour

Si je dois mourir

que ce soit porteur d'espoir

que ce soit un conte

Refaat Alareere, novembre 2023


Jean Ferrat,

Tout ce que l'homme fut de grand et de sublime
Sa protestation ses chants et ses héros
Au-dessus de ce corps et contre ses bourreaux
A Grenade aujourd'hui surgit devant le crime

Et cette bouche absente et Lorca qui s'est tu
Emplissant tout à coup l'univers de silence
Contre les violents tourne la violence
Dieu le fracas que fait un poète qu'on tue

Un jour pourtant, un jour viendra couleur d'orange
Un jour de palme, un jour de feuillages au front
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Ah je désespérais de mes frères sauvages
Je voyais, je voyais l'avenir à genoux
La Bête triomphante et la pierre sur nous
Et le feu des soldats porte sur nos rivages

Quoi toujours ce serait par atroce marché
Un partage incessant que se font de la terre
Entre eux ces assassins que craignent les panthères
Et dont tremble un poignard quand leur main l'a touché

Un jour pourtant, un jour viendra couleur d'orange
Un jour de palme, un jour de feuillages au front
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Quoi toujours ce serait la guerre, la querelle
Des manières de rois et des fronts prosternés
Et l'enfant de la femme inutilement né
Les blés déchiquetés toujours des sauterelles

Quoi les bagnes toujours et la chair sous la roue
Le massacre toujours justifié d'idoles
Aux cadavres jetés ce manteau de paroles
Le bâillon pour la bouche et pour la main le clou

Un jour pourtant, un jour viendra couleur d'orange
Un jour de palme, un jour de feuillages au front
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche


D'après Aragon,

Et cette bouche absente et Refaat qui s'est tu

Emplissant tout à coup l'univers de silence

Contre les violents tourne la violence

Dieu le fracas que fait un poète que l'on tue.

D'après Louis Aragon, Le fou d'Elsa


Le poète Refaat Alareer Poème "Si je dois mourir" (Refaat Alareer) Images de Palestine : Gaza, Bassem Abu Rahmeh (tué à Bil'in en 2009), Dessins d'enfants. Musiques : Jean Ferrat chante Louis Aragon Scriabine : Sonate 10 (Vladimir Sofronitski, 1960)

https://www.youtube.com/watch?v=YnPQg5b4sjU

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