
11 novembre 2021, 13 h 30 devant le monument aux morts de Gy l'Evêque, un hommage sera rendu au combat de Karl Liebknecht.
Dès son entrée en politique, il combat le colonialisme dénonçant l'agression de la Chine et "La croisade des Huns" (référence au discours criminel de Guillaume II en 1900).
En 1906, il publie dans le nouveau journal des jeunes socialistes "La jeune Garde", un texte pamphlet, analyse incroyable et courageuse de la conscription, et en 1907, un des plus longs essais existant sur le militarisme et l'antimilitarisme : il sera condamné pour haute trahison à deux ans de prison.
Reproduisant en cela le destin paternel : Wilhelm Liebknecht avait été condamné à la même peine et pour le même motif, pour sa dénonciation au Reichstag avec August Bebel, de la guerre d'annexion de 1870 et sa célébration de la Commune.
Un extrait de "L'adieu aux conscrits" est reproduit ci-après, l'ensemble du texte sera disponible sur le blog des éditions Agone dans le courant du mois.
Karl Liebnecht ne cessera de combattre le militarisme, la course aux armements et à la guerre : En 1913, il parviendra à faire connaître les menées de Krupp.
En décembre 1914, il sera le seul député au Reichstag à refuser le renouvellement des crédits militaires, seul de tout le Reichstag, seul parmi les 101 députés sociaux-démocrates, et l'un des seuls de toute l'Internationale à lutter contre la guerre.
En 1915, le pouvoir impérial pour le faire taire, l'envoie sur le front russe comme simple soldat; du génie, car il refuse de tuer d'autres prolétaires, il sera employé au terrassement, au creusement des tranchées et l'enfouissement des morts.
Le 1er mai 1916, il crie "A bas la guerre, A bas le gouvernement" en plein Berlin lors d'une manifestation organisé par son courant politique auquel appartiennent Rosa Luxemburg, Clara Zetkin. Car le combat de Liebknecht a toujours été un combat contre le capitalisme, un combat révolutionnaire, contre le réformisme.
Il est emprisonné et condamné à quatre années de prison, libéré par la révolution, il proclame La libre République socialiste d’Allemagne - d'Allemagne et non allemande - car il est internationaliste et a combattu pied à pied toute sa vie le nationalisme.
Dans les conditions qu'il avait mises à sa participation au gouvernement, on peut lire clairement sa volonté de combattre la "révolution" bourgeoise et tout faire pour que le pouvoir aille aux travailleurs et soldats.
La social-démocratie dite majoritaire s'empare du pouvoir, elle nomme Noske ministre de l'intérieur: Karl Liebknecht, Rosa Luxemburg (et la révolution spartakiste) seront assassinés le 15 janvier 1919.
Nous restent cependant les témoignages de leur combat acharné tout au long de leur vie et les enseignements que nous pouvons en tirer.
Dominique Villaeys-Poirré, le 11 novembre 2021
Pour l'hommage rendu lors du rassemblement devant ce monument aux morts initié par la Libre pensée

Saint-Martin d'Estreaux 2014
2014 : Les mots de Rosa Luxemburg devant le monument aux morts de Saint-martin d'Estreaux
2015 : Pour un 11 novembre contre la guerre à Gy l'Evêque
Lire sur ce blog les articles consacrés à Karl Liebkknecht, en particulier le dernier sur sa proclamation de la République

L'adieu aux conscrits (extraits du texte)
L’heure du service militaire a sonné. Bientôt va venir l’ordre de rejoindre les casernes, et ce qu’il y a de meilleur parmi les jeunes hommes au sein du peuple allemand, va devoir faire son baluchon et quitter ses parents, frères et sœurs, collègues et amis, et souvent même épouse et enfants. Devoir ! Car il n’y a aucun moyen de s’opposer et de résister ; Les murs des prisons menacent ceux qui s’opposeraient. « La patrie appelle ! Misérable est celui qui ne se consacre pas dans la joie à son service ! » Voilà ce que l’on proclame dans les écoles, voilà ce que l’on proclame du haut des chaires, voilà ce qu’on lit dans les livres et journaux reconnus et comme il faut.
Jusqu’à maintenant, vous étiez, jeunes prolétaires, des hommes libres, pour autant que l’inculture capitaliste connaisse la liberté prolétarienne. Mais la morsure de la faim est un symbole de liberté en comparaison de la pression, de l’esclavage, auxquels le militarisme de fer et sanguinaire va vous soumettre. Et vous serez livrés à la bonne ou mauvaise grâce non pas d’un, mais de tout officier, de tout sous-officier de l’armée allemande ; vous devrez de nuit comme de jour obéir à toute demande en silence et sans rien rétorquer, avec la promptitude d’une machine même si la demande est la plus absurde et la plus amorale, et même condamnable. Mais : « Sans la discipline la plus stricte, aucune armée ne peut exister. Même si le service pour la patrie est difficile, est misérable celui qui ne l’accomplit pas dans la joie. » C’est ce que l’on dit, partout, quand on croit au patriotisme.
Jusqu’à présent, vous pouviez choisir votre lieu de résidence et votre logement, mais cela est fini – Vous allez être la plupart du temps arrachés à votre région, et vous serez parqués dans des casernes et dans des chambrées, comme du bétail dans des étables.
Jusqu’à présent, vous pouviez vous déplacer librement en dehors du travail; le militarisme ne vous permettra plus de faire un pas librement ; Manger. Boire. Dormir. Sortir, tout cela sera soumis à la discipline, régulé, contrôlé.
Jusqu’à présent vous pouviez lire et écrire, ce que vous vouliez; mais cela aussi, c’est terminé. Jusqu’à présent vous pouviez appartenir à des associations et assister à des réunions. A l’avenir vous pourrez lire et écrire seulement ce que votre supérieur autorisera ; Celui qui lit ou simplement possède d’autres publications que celles qui soutiennent l’État, celui qui fréquente d’autres associations que celles qui soutiennent l’État, encourt de lourdes peines.
“Mais”, c’est ce que l’on vous apprendra, “L’armée est l’école du peuple allemand ; elle doit vous éduquer à la fidélité au monarque, à l’amour de la patrie, sur lesquels notre Reich allemand repose avec force et fermeté. « Il n’y a pas d’éducation sans contrainte », dit-on. « N’est qu’un pathétique ergoteur, celui qui ne se soumet pas volontairement à cette contrainte exercée au nom de noble but patriotique.
Jusqu’à présent vous pouviez vous battre pour améliorer votre situation; A partir de demain vous devrez vous contenter de 20 malheureux Pfennig par jour pour un dur labeur et seulement murmurer en secret par devers vous : « Dites cela au roi ! 22 pfennig, c’est si peu ! » . La nourriture, la boisson, le gite et les vêtements vous sont octroyés, sans que vous puissiez exercer votre droit de vote et sans que vous puissiez même oser une critique.
Jusqu’à présent la quantité de travail que vous devez donner à votre employeur, a été la plupart du temps strictement quantifiée ; A partir de demain, vous allez devoir travailler et faire ce que votre supérieur commande, quoi que ce soit et quelle qu’en soit l’ampleur et pas de récrimination possible en cas de lourde sanction. ...
Et l’on vous donnera des uniformes chamarrés et brillants, on vous fera défiler par les rues au son des chants et de la musique. On nommera cette tenue « le plus noble des habits », on vous inculquera l’arrogance envers l’ennemi ; et cela pour vous masquer tous les périls, la honte et la misère de la caserne.
Mais êtes-vous des enfants, des sauvages, auxquels on pourrait faire oublier, par la pompe et des ornements criards comme avec des jouets votre droit originel à la dignité humaine ? N’est ce pas une offense que de s’attendre à cela de vous ?
Protéger la patrie! Pensez à nos glorieux faits d’armes en Chine, aux combats dans les colonies africaines, aux tractations avec le Maroc, qui étaient sur le point d’entraîner l’Allemagne dans une guerre mondiale, de répandre le meurtre et le feu à travers l’Europe? Quel rapport avec la défense de la patrie ? La politique mondiale et coloniale des hommes avides de grandeur peut servir les intérêts du grand capital ; elle n’est que fardeau pour la patrie, le prolétariat.
Bientôt, vous allez entendre que vous ne devrez pas seulement servir à mener le combat contre l’ennemi extérieur, non, vous servirez aussi à combattre l’ennemi intérieur.
Qui est cet ennemi intérieur ?
Vous devrez tirer sur ordre sur vos pères et mères, frères et sœurs ! Pour la patrie ?
On vous utilisera pour briser des grèves ! Pour la patrie ?
On vous appellera aux armes comme à Nuremberg et Magdebourg et comme dans toute la Prusse et la Hesse le 21 janvier 1906, dans les combats économiques entre prolétariat et patronat pour protéger le patronat, et dans les combats politiques menés pour la liberté du prolétariat, pour protéger vos oppresseurs contre les travailleurs, vos camarades, collègues et ceux qui partagent vos idées. Pour la patrie ?
Vous ouvrirez les yeux, si vous ne les avez pas encore ouverts. Qu’est-ce qu’une patrie qui ne comprend pas le peuple tout entier, qui veut vous arracher à ceux que vous aimez le plus, et faire de vous les ennemis de vos amis? Qui proclame le combat contre le prolétariat et qui ne fait qu’un avec le patronat et toutes les forces réactionnaires?
Ce n’est pas votre patrie, ce n’est pas la seule et unique patrie allemande. Ce n’est que l’expression d’une classe du peuple allemand, qui depuis que vous vivez et déjà depuis que vivent vos pères, vous est hostile jusqu’à la moelle, qui vous exploite et opprime et exploite et opprime vos pères, mères, frères et sœurs, camarades, collègues et ceux qui partagent vos idées.
L’ennemi intérieur, ce sont vos pères, vos mères, vos frères, vos sœurs et vos amis, c’est le prolétariat tout entier et tout ce qui ne va pas de pair avec les forces conservatrices réactionnaires ; l’ennemi intérieur : c’est aujourd’hui vous-même ! Et c’est ce que vous redeviendrez après votre démobilisation ! Vous-même qui êtes appelés au combat contre l’ennemi intérieur, au combat contre vous-même ...
Et une fois que vous avez compris cela, alors vous comprendrez aussi que c’est l’unique raison de la terrible pression et endoctrinement et de la discipline de fer qui ont pour seul but que le prolétariat contraint par la peur et la terreur serve le capital et la réaction.
Et c’est la raison de l’esclavage et la mise sous tutelle intellectuelle, de la répression des idées et de la pompe étincelante, tout cela afin que le prolétariat sous l’uniforme chamarré s’oublie lui-même et tous les siens et se plie volontairement aux volontés de ses propres ennemis que sont le capital et la réaction. ...
Et les milliards, nécessaires pour vous transformer en cet instrument suicidaire pour vous-mêmes, pour faire de vous, prolétaires, le rempart le plus solide de votre forteresse, pour vous troubler et vous voler votre âme, votre intelligence, votre estime de vous, votre conscience de classe, votre amour pour vos enfants, vos frères et sœurs, bref tous les mouvements de l’âme les plus nobles, c’est vous, de plus, c’est le prolétariat , qui devez les produire à la propre sueur aigre de votre front. ...
Prenez conscience de cela, prolétaires qui êtes appelés aux armes, et toutes les tentatives dans les casernes de diaboliser la grande cause du combat pour la libération du prolétariat, vous apparaîtront non seulement honteuses mais suscitera en vous un enthousiasme pour vos convictions, pour vos idées d’autant plus élevè et intense. Vous reviendrez de l’armée du capitalisme dans les rang de l’armée du prolétariat en combattants doublement aguerris.
Nul doute que les objecteurs et insoumis qui ont tant combattu la conscription dans les années 70
pourraient signer des deux mains ce texte. Il leur est dédié.