Quinzaine M. Darwich, Rouge homme et Vision jeune ...
13 septembre 22. "Il y a des morts qui sommeillent dans des chambres que vous bâtirez ", Rouge homme, le poème "Discours de l'Homme rouge" lu par Yann Mercier, accompagné par Romuald Bailly. Une même oppression, une même universalité de la parole, Palestine, Indiens d'Amérique du Nord. Des jeunes personnes s’approprient des poèmes, Béatrice Treilland filme, autre universalité, par-delà le temps.
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Image du film de Simone Bitton. Et la terre comme langue ...
Agrandissement : Illustration 1
Mardi 13/09 à 20 h : LA DÉRIVE, à Saint-Etienne
"Il y a des morts qui sommeillent dans des chambres que vous bâtirez. Des morts qui visitent leur passé dans les lieux que vous démolissez. Des morts qui passent sur les ponts que vous construirez. Et il y a des morts qui éclairent la nuit des papillons, qui arrivent à l’aube pour prendre le thé avec vous, calmes tels que vos fusils les abandonnèrent. Laissez donc, ô invités du lieu, quelques sièges libres pour les hôtes, qu’ils vous donnent lecture des conditions de la paix avec les défunts."
Yann Mercier Rouge homme : discours dernier, lecture par Yann MERCIER
(Sous le regard bienveillant de Romuald BAILLY)
Romuald Bailly
En 1854, Seattle, chef des tribus Duwamish et Suquamish, prononça un discours devenu célèbre devant le Gouverneur du territoire de Washington, Isaac Stevens. Il répondait à l’offre du gouvernement américain qui lui « proposait » d’abandonner sa terre aux blancs, en retour d’une « réserve » pour le peuple amérindien, par un discours d’une étonnante sagesse et d’une grande beauté. « Nous sommes une partie de la Terre, et elle fait partie de nous. Les fleurs parfumées sont nos soeurs ; le cerf, le cheval, le grand aigle sont nos frères. Les crêtes rocheuses, les sucs dans les prés, la chaleur du poney et l’homme : tous appartiennent à la même famille » dit-il.
En 1992 Mahmoud Darwich écrit : Il y a des morts qui sommeillent dans des chambres que vous bâtirez. Des morts qui visitent leur passé dans les lieux que vous démolissez. Des morts qui passent sur les ponts que vous construirez. Et il y a des morts qui éclairent la nuit des papillons, qui arrivent à l’aube pour prendre le thé avec vous, calmes tels que vos fusils les abandonnèrent. Laissez donc, ô invités du lieu, quelques sièges libres pour les hôtes, qu’ils vous donnent lecture des conditions de la paix avec les défunts.
Projection du film réalisé par Béatrice TREILLAND Mahmoud Darwich, une vision.
Dans des lieux mi édéniques, mi urbains, de jeunes personnes se sont appropriées des poèmes de Mahmoud Darwich. Elles les livrent à la caméra. La lumière vibre.
Soirée suivie d’une auberge espagnole.
DISCOURS DE L’HOMME ROUGE (extraits)
Extraits
DISCOURS DE L’HOMME ROUGE
I Ainsi, nous sommes qui nous sommes dans le Mississippi. Et les reliques d’hier nous échoient. Mais la couleur du ciel a changé et la mer à l’Est a changé. O maître des Blancs, seigneur des chevaux, que requiers-tu de ceux qui partent aux arbres de la nuit ? Elevée est notre âme et sacrés sont les pâturages. Et les étoiles sont mots qui illuminent … Scrute-les, et tu liras notre histoire entière : ici nous naquîmes entre feu et eau, et sous peu nous renaîtrons dans les nuages au bord du littoral azuré. Ne meurtris pas davantage l’herbe, elle possède une âme qui défend en nous l’âme de la terre. O seigneur des chevaux, dresse ta monture qu’elle dise à l’âme de la nature son regret de ce que tu fis à nos arbres. Arbre mon frère. Ils t’ont fait souffrir tout comme moi. Ne demande pas miséricorde pour le bûcheron de ma mère et de la tienne. (...) III Nos noms sont des arbres modelés dans la parole du dieu et oiseaux qui planent plus haut que les fusils. Ne coupez pas les arbres du nom, vous qui venez guerre de la mer. Et ne lancez pas vos chevaux flammes sur les plaines. Vous avez votre dieu, et nous, le nôtre. Vos croyances, et nous, les nôtres. N’ensevelissez pas Dieu dans des livres qui vous ont fait promesse d’une terre qui recouvre la nôtre. Ne faîtes pas de Lui un huissier à la porte du roi. Prenez les roses de nos rêves pour voir ce que nous voyons de joie ! Et sommeillez au-dessus de l’ombre de nos saules, pour vous envoler mouettes et mouettes, ainsi que s’élancèrent nos pères bienveillants avant de revenir paix et paix. Il vous manquera, ô Blancs, le souvenir de l’adieu à la Méditerranée et vous manquera la solitude de l’éternité dans une forêt qui ne débouche point sur un abîme, et la sagesse des brisures. Et il vous manque une défaite dans les guerres. Et un rocher récalcitrant au déferlement du fleuve du temps véloce. Et il vous manquera une heure pour une quelconque contemplation, pour que grandisse en vous un ciel nécessaire à la tourbe, une heure pour hésiter devant deux chemins. Euripide un jour vous manquera, et les poèmes de Canaan et des Babyloniens, et les chansons de Salomon à Shulamit. Et vous manquera le lys sauvage pour la nostalgie, et vous manquera, ô Blancs, un souvenir qui apprivoise les chevaux de la démence et un cœur qui racle les rochers afin qu’ils taillent dans l’appel des violons. Et il vous manque et manque l’hésitation des armes. Et s’il faut nous tuer, ne tuez point les êtres qui avec nous d’amitié se lièrent et ne tuez pas notre passé. Et il vous manquera une trêve avec nos fantômes dans les nuits stériles, un soleil moins enflammé, une lune moins pleine, pour que le crime apparaisse moins fêté sur vos écrans. Alors prenez tout votre temps pour la mise à mort de Dieu. (...) VII Il y a des morts qui sommeillent dans des chambres que vous bâtirez. Des morts qui visitent leur passé dans les lieux que vous démolissez. Des morts qui passent sur les ponts que vous construirez. Et il y a des morts qui éclairent la nuit des papillons, qui arrivent à l’aube pour prendre le thé avec vous, calmes tels que vos fusils les abandonnèrent. Laissez donc, ô invités du lieu, quelques sièges libres pour les hôtes, qu’ils vous donnent lecture des conditions de la paix avec les défunts. 1992 (...)
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